Ohto Nuottamo, Stora Enso

Premium Beauty News - L’industrie du papier en Europe a fait d’énormes progrès en matière de durabilité, au point d’être aujourd’hui considérée comme un secteur exemplaire dans ce domaine.

Ohto Nuottamo - La principale explication tient au fait que, durant les années 1970 et 1980, l’industrie du papier en général, et les plus grandes entreprises en particulier, ont été attaquées par des ONG en raison de leur impact sur l’environnement. Cela a coïncidé avec l’arrivée de nouveaux matériels d’analyse qui ont permis de mesurer de petites quantités de dioxine dans les produits. À la suite de ces pressions, l’industrie du papier a changé ses pratiques et est devenue très performante dans des domaines tels que la traçabilité et le contrôle des effluents. Nous avons investi beaucoup d’argent pour contrôler les rejets dans l’eau ou dans l’atmosphère. En outre, la réduction des émissions de CO2 est maintenant un indicateur clé de performance. En ce qui concerne Stora Enso, 80 % de l’énergie que nous utilisons dans notre processus de fabrication est biosourcée et notre objectif est d’atteindre 100 %.

Par rapport à d’autres industries, comme l’industrie du ciment par exemple, nous avons fait d’énormes progrès dans la voie de la durabilité. Néanmoins, la situation dans l’industrie du papier n’est pas parfaite et de mauvaises pratiques de gestion des sols perdurent dans certains pays comme l’Indonésie ou le Brésil. Il est de la responsabilité de l’ensemble de l’industrie de promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement à l’échelle mondiale, en particulier en ce qui concerne les impacts sur la forêt, sur l’eau et sur la qualité de l’air. Aujourd’hui en Europe, l’industrie du papier a un impact positif sur les forêts, nous faisons pousser plus d’arbres que nous n’en utilisons. En ce qui concerne les rejets dans l’eau et dans l’air, nous les avons considérablement réduits. Notre impact n’est pas nul, mais très limité et local.

Premium Beauty News - Mais aujourd’hui, les ONG ont déplacé leur pression sur l’industrie des plastiques.

Ohto Nuottamo - Toutes les industries qui ont des difficultés à gérer correctement l’origine (le berceau) et la fin de vie (la tombe) de leurs produits ont et auront des difficultés croissantes avec les ONG. Au-delà des ONG, les marques sont de plus en plus sensibles aux questions environnementales, car elles savent que tout est visible de nos jours et qu’en cas de problème elles seront en première ligne face à la pression publique.

Premium Beauty News - Les emballages en général souffrent d’une mauvaise réputation.

Ohto Nuottamo - Malheureusement, les déchets d’emballage sont une des premières préoccupations des consommateurs. L’impact moyen de l’emballage sur les émissions de carbone est inférieur à 10 %, mais le problème le plus visible est celui des déchets. Personne ne se sent à l’aise avec la quantité énorme de déchets que les sociétés développées produisent chaque année. Dans le même temps, les gens sont plus disposés à coopérer sur des projets de gestion de ces déchets. Ils considèrent que les déchets ont une certaine valeur qui ne doit pas être mise au rebut. Cela participe au sentiment que nous devons créer une économie circulaire à la place de l’économie linéaire à laquelle nous sommes habitués.

Le droit européen des déchets d’emballages qui fixe des objectifs de recyclage et de réutilisation pour chaque matériau correspond à cette nouvelle économie circulaire. Dans ces domaines, le carton et le papier peuvent se vanter scores très élevés par rapport aux polymères fossiles.

Premium Beauty News - Chaque secteur industriel affirme que ses matériaux plus durables que les autres. Le PET, par exemple, est un polymère plastique avec de bons scores de recyclabilité. Comment s’y retrouver au milieu de ces revendications ?

Ohto Nuottamo - J’ajouterai que les plastiques en général sont très compétitifs en termes de réduction de poids. En fait, seules des analyses de cycle de vie complètes permettent d’avoir une vision claire de l’impact environnemental d’un produit et de le comparer à un autre.

Cependant, nous pouvons brosser un tableau général des avantages et des coûts des différents matériaux utilisés pour l’emballage :

 le verre a une image positive, il est recyclable mais c’est un produit lourd et qui demande beaucoup d’énergie pour être recyclé,
 les métaux peuvent être assez facilement triés, réutilisés et recyclés,
 les plastiques ont une mauvaise image, tous ne peuvent être recyclés et ils correspondent à l’économie linéaire typique,
 les bio-plastiques au contraire correspondent à une économie circulaire, mais seulement une petite proportion d’entre eux est à base de plantes, les experts disent que 1,5% pourrait être un objectif raisonnable en 2020. Et il y a aussi le problème de la concurrence avec la production alimentaire dans l’utilisation des terres.
 le papier est à la fois renouvelable et recyclable. En outre, les arbres peuvent pousser - et c’est souvent ce qu’ils font - sur des terres de faible intérêt agricole, et les forêts fournissent une grande variété de services environnementaux. Par exemple, accroître la surface des forêts a un impact important sur les niveaux de CO2 dans l’atmosphère. La croissance supplémentaire de tous les arbres que nous ne coupons plus en Europe peut absorber une grande partie de nos nouvelles émissions de CO2.

Je suis vraiment convaincu que l’utilisation du carton et du papier comme matériau d’emballage devrait et pourrait être augmentée dans de nombreuses industries. L’industrie du papier en Europe a atteint un tel niveau de performance environnementale qu’elle est désormais intrinsèquement durable. Malheureusement, elle ne parvient pas toujours à communiquer sur cet aspect.

Premium Beauty News - Tout ce qui est emballage ne peut pas venir des arbres !

Ohto Nuottamo - Pas tout bien sûr, mais beaucoup plus que ce que l’on réalise actuellement. En fait, les fibres des arbres ont une structure qui est proche de celle d’un polymère. Notre vision est que, dans le futur, grâce à cette structure, des polymères dérivés des ressources forestières pourraient remplacer de nombreux polymères dérivés du pétrole. Par exemple, nous pensons que dans le futur, 100% des emballages alimentaires pourraient être issus des forêts.

Afin de stimuler la recherche et le développement en vu d’une utilisation plus large des emballages à base de carton nous lançons cette année une nouvelle édition de notre concours Recreate Packaging. Nous attendons la participation de plus de 70 universités. Notre objectif est de montrer ce qu’il est possible de faire avec du carton et du papier et d’aider les convertisseurs à leur manière à l’innovation.

Nous savons que l’innovation nécessite une coopération entre fournisseurs et clients, par exemple pour développer de nouvelles méthodes et de nouvelles machines. Cependant, notre cœur de métier n’est pas de développer de nouveaux emballages, notre cœur de métier est de gérer les forêts pour produire du papier et du carton.

Premium Beauty News - Selon vous, quelles sont les principales perspectives pour l’emballage en carton ?

Ohto Nuottamo - Il y a beaucoup de voies possibles. L’une d’elles pourrait être de produire des matériaux d’emballage directement à partir de cellulose, sans passer par l’étape du papier. Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est couper des arbres en morceaux, ajouter 99 % d’eau à ces morceaux, puis nous utilisons d’énormes machines pour enlever l’eau. L’ensemble du processus nécessite d’énormes quantités d’eau et beaucoup d’énergie. Je suis convaincu que des partenariats entre nous et l’industrie chimique seront un facteur clé de succès dans le développement de procédés et de matériaux innovants et durables. L’industrie de la pâte à papier deviendra un secteur clé dans l’avenir.