Langage, pouvoir de conviction, expression de soi, le regard a mille facettes et se maquiller les yeux mille aspects. « Les yeux ont probablement la plus longue histoire de maquillage connue, tous les éléments ont un rôle à jouer : la forme des yeux, les sourcils, les cils, la couleur de l’iris sont autant de paramètres qui contribuent à la spécificité des maquillages selon les pays, » expliquaient Florence Bernardin, directrice générale d’Information et Inspiration et Hélène Capgras, directrice de Brain for Beauty lors d’une conférence organisée en novembre 2011 par le CEW France sur le maquillage des yeux à travers le monde. Et se maquiller les yeux passe très souvent par l’utilisation d’un mascara, ce produit inventé dans sa version moderne au début du siècle par TL Williams, chimiste de profession pour sa sœur Maybel qui donnera naissance à Maybelline. On connait la suite…

Tour du monde des habitudes de maquillage des cils

Suivant les régions, les habitudes de maquillage sont différentes et puisent souvent leur origine dans des traditions ancestrales. « En Inde, le khôl ou kajal était utilisé selon la tradition ayurvédique pour fixer les impuretés et les poussières, protéger du soleil, rafraîchir et éclaircir les yeux, c’était aussi bien un soin qu’un maquillage. Les femmes avaient l’habitude de le confectionner par elles-mêmes à partir de ghee ou beurre clarifié  » précise Florence Bernardin. De nos jours, cette tradition se retrouve en Inde dans l’importance mise dans le maquillage des yeux. Les produits utilisés (khôl et mascaras) doivent agrandir les yeux et accentuer leur expression, l’œil en amande est idéalisé.

Au Japon où l’idéal est d’avoir des yeux de manga, les cils se doivent d’être XXXL mais leur nature peu fournis, raides et implantés nécessitent des formules de mascara particulières. Récemment, indique Florence Bernardin, « une réponse nouvelle est apportée au maquillage des cils au Japon avec le boom que l’on voit pour les faux cils. Posés d’une seule main experte, ils s’enlèvent le soir sans démaquillant, sont ré-utilisables offrent une variété infinie de résultats maquillage.  » Néanmoins, les mascaras font de la résistance et se cherchent une nouvelle dimension en Asie, notamment «  en proposant des mini brosses pour attraper tous les petits cils, en traitant les cils avec des effets sérum anti-âge ou encore en devenant un objet identifiable et statuaire, » ajoute-t-elle.

Aux USA, pays où l’innovation draine les ventes de produits de maquillage, on note une sophistication des promesses. « Il y a une recherche de perfection et de jeunesse éternelle qui se décline au niveau des cils. En 2009, la marque Latisse a été une des premières à lancer un produit destiné à favoriser la pousse des cils. Depuis, il y a eu des mascaras boosters, des sérums boosters et maintenant des eyeliners boosters,  » témoigne Hélène Capgras.

En revanche, selon l’étude réalisée par Florence Bernardin et Hélène Capgras pour le CEW France, le maquillage des yeux reste secondaire au Brésil. « Le regard marqué est extrêmement important mais ce maquillage des yeux est récent et reste secondaire par rapport à la bouche et aux ongles, les brésiliennes commencent juste à utiliser le mascara,  » affirment-elles.

Des chiffres éloquents pour un marché florissant

En Europe, le marché du mascara pèserait 800 millions d’euros et représenterait 50% du marché des produits pour les yeux et près de 15% du total maquillage. Les européennes sont plus de 54% à estimer ne pas pouvoir se passer de leur mascara, contre 18% qui déclarent ne pouvoir se passer de leur fond de teint !

Même s’il est difficile d’avoir une estimation du marché mondial du mascara, les principaux acteurs s’accordent le plus souvent autour d’un milliard d’unités vendues annuellement. Le succès de ce produit semble ne pas se démentir et la plupart des fabricants font part de projets d’extension de leur capacité de production.

« Pour répondre aux demandes croissantes de nos clients, nous avons multiplié cette année par plus de quatre la surface de notre usine pour atteindre 7000 m2, » témoigne Renato Ancorotti, DG de la société Ancorotti Cosmetics créée en 2009 et spécialisée dans la formulation de produits de maquillage pour les yeux. Une croissance visible aussi dans le chiffre d’affaires de cette entreprise qui réalise un bon de 30% entre 2010 et les estimations de 2012. « Le marché du mascara se porte bien et des leviers de croissance existent encore  » précise Renato Ancorotti.

Chez Luxcos, l’entité d’IL Cosmetics spécialisée dans le mascara, les résultats confirment cette bonne santé du marché. « Le chiffre d’affaires de ce produit a connu une progression de plus de 40% entre 2010 et 2011, » témoigne Pauline Starck, Business Developer Make Up.

Même avis chez Geka, l’un des leaders mondiaux dans la fabrication d’emballage et de conditionnement pour la cosmétique dont les brosses de mascara. « Nous sommes en train de construire une nouvelle unité afin d’étendre notre capacité. Les mascaras sont une demande en croissance de la part de nos clients  » témoigne Pilar Gonzalez, responsable marketing et communication de Geka.

Albéa, leader de la brosse de mascara, actif dans ce domaine depuis plus de 30 ans accroît aussi ses capacités de production en rassemblant sur un même site italien deux entités de production « Nous avons le projet de réunir deux de nos usines italiennes afin d’augmenter nos capacités de production et pouvoir absorber plus de croissance. Le mascara est un segment qui représente 50% de notre marché en maquillage et qui est en forte progression. Nous investissons fortement aussi bien au niveau de la recherche que de l’industrialisation,  » ajoute Aurélie Emond responsable marketing créatif et innovation.

Si on regarde les chiffres de la GMS en France [1] , le secteur des yeux a progressé sur 2011/2012 de 1.9% certes très loin derrière les vernis à ongles qui sont à +17% mais d’une manière très honorable comparativement aux rouges à lèvres dont la récession est de -4.7% ou le teint à -3.7%. Enfin, la récente étude réalisée par Mintel [2] sur les habitudes de maquillage des teens (9-11 ans) et tweens (9-17ans), les clientes de demain, montre que le mascara fait parti du 2ème produit le plus appliqué après le lip gloss. 33% des filles de 9 à 17 ans affirment porter chaque jour du mascara contre 37% pour le lip gloss, 27% pour l’eye liner et seulement 16% pour le fond de teint.

Des habitudes qui augurent encore de belles perspectives pour le mascara qui n’a pas encore conquis toutes les catégories de personnes comme les hommes, par exemple !