Les négociateurs se sont déjà réunis à deux reprises, mais le rendez-vous de Nairobi, siège du programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), constitue la première occasion de débattre d’un projet de traité publié en septembre qui dessine les nombreuses voies permettant de résoudre le problème du plastique. L’enjeu est de taille car le plastique est partout : des déchets de toutes tailles se retrouvent déjà au fond des océans et au sommet des montagnes. Des microplastiques ont été détectés dans le sang ou le lait maternel.

Un large consensus existe sur la nécessité d’un traité. Mais entre les politiques défendues par les différents pays, les défenseurs de l’environnement et les industriels du plastique, les positions divergent. « C’est la grande bataille à laquelle nous allons assister maintenant », explique Eirik Lindebjerg de l’ONG WWF, qui fera partie des milliers de participants aux négociations.

« Fermer le robinet »

Plusieurs pays et des ONG de défense de l’environnement plaident en faveur de l’interdiction des produits plastiques à usage unique et de règles plus strictes, entre autres mesures dites à « ambition élevée ».

Les industriels et les principaux pays producteurs militent de leur côté pour le recyclage et une meilleure gestion des déchets, plutôt que sur la limitation de la production.

Le « projet zéro » met toutes les options sur la table et les négociations promettent d’être particulièrement animées. Le traité pourrait être un pacte pour la nature ou « un accord confortable avec l’industrie du plastique », selon la direction que prendront les négociations, a averti en octobre l’envoyé spécial des Nations unies pour l’océan, Peter Thomson.

La pollution plastique est très visible, avec des bouteilles et des sacs de courses obstruent les cours d’eau. À cela s’ajoutent les minuscules morceaux de microplastiques qui s’insinuent dans les aliments et dans le corps des animaux et des humains. Le plastique joue aussi un rôle dans le réchauffement climatique : il représentait 3,4% des émissions mondiales en 2019, chiffre qui pourrait plus que doubler d’ici à 2060 selon l’OCDE.

En dépit des prises de conscience, la pollution plastique devrait s’aggraver : la production annuelle a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes. Elle pourrait tripler d’ici à 2060 si rien n’est fait. Or, seulement 9% sont recyclés.

En amont des discussions à Nairobi, une soixantaine de pays ont exprimé leurs inquiétudes face à cette tendance et ont appelé à « des dispositions contraignantes dans le traité pour restreindre et réduire la consommation et la production » de plastique.

Graham Forbes, responsable chez Greenpeace USA, affirme que le traité sera un succès ou un échec en fonction de la manière dont il limitera la production de plastique en amont. « Vous ne pouvez pas empêcher la baignoire de déborder tant que vous n’avez pas fermé le robinet », soutient-il.

« Idéologie de l’émotion »

À l’opposé, de nombreux pays - notamment les États-Unis, la Chine, l’Arabie saoudite et des membres de l’Opep - sont réticents à envisager une réduction de la production.

L’EPS Industry Alliance, une association nord-américaine qui défend les entreprises de polystyrène expansé (fréquemment utilisé aux États-Unis dans la restauration à emporter pour les gobelets), affirme de son côté qu’il n’y a pas eu suffisamment « d’examen scientifique indépendant  » du traité, mettant en garde contre les « conséquences inattendues  » de certaines propositions. « Il existe une énorme quantité de rhétorique autour du plastique qui est truffée d’idéologie de l’émotion », soutient la directrice exécutive de l’association, Betsy Bowers, qui assistera aux négociations.

Processus accéléré

La réunion de Nairobi est la troisième des cinq sessions d’un processus accéléré visant à conclure les négociations l’année prochaine. Après la capitale kényane, les négociations doivent se poursuivre en avril 2024 au Canada pour se conclure en Corée du Sud en fin d’année 2024.

En octobre, les Fidji ont exhorté les nations à agir pour conclure le traité, affirmant que les petites nations insulaires avaient besoin d’actions plus rapides.

Lors des dernières négociations à Paris en juin, des défenseurs de l’environnement ont accusé les grands pays producteurs de plastique de faire traîner en longueur les discussions. Cette fois-ci, les sessions ont été prolongées de deux jours. Mais cela sera-t-il suffisant ? « S’ils ne parviennent pas à progresser ici (à Nairobi, Ndlr), 2024 sera très intense s’ils veulent parvenir à un traité significatif d’ici la fin » de l’année, affirme Eirik Lindebjerg.