Nedjwa Abbadi

Premium Beauty News - Quelle est la situation aujourd’hui en Europe en matière de cosmétovigilance ?

Nedjwa Abbadi - Aujourd’hui, la Directive 76/768/CE modifiée qui régit la mise sur le marché des produits cosmétiques dans les pays membres de l’Union européenne, ne prévoit pas de système harmonisé de cosmétovigilance. Force est de constater que la situation est assez disparate selon les pays du fait notamment de spécificités réglementaires des États membres. Dans certains pays, comme la France, le Portugal ou la Norvège, un système de cosmétovigilance est formalisé et mis en œuvre officiellement. Dans d’autres pays, il est en cours de mise en place, c’est le cas aux Pays-Bas, en Italie ou en Espagne. Ailleurs, un simple système d’encouragement à la déclaration, est en vigueur pour les professionnels de santé ou les industriels, sans véritable cadre formel. C’est le cas en Belgique, en Irlande, en Suède ou au Danemark.

Premium Beauty News - Mais cela devrait évoluer à compter du 11 juillet 2013 avec l’entrée en vigueur du Règlement 1223/2009 ?

Nedjwa Abbadi - En effet ! Tout d’abord, le nouveau Règlement définit ce que l’on entend par « effet indésirable » et « effet indésirable grave » [1] et, surtout, il précise les obligations des responsables de la mise sur le marché et des distributeurs en cas de survenue de tels événements et aussi les obligations des États membres. Comme ce nouveau cadre réglementaire est porté par un Règlement et non plus, comme c’était le cas jusqu’à présent, par une Directive, ces obligations s’appliqueront de manière uniforme à tous les opérateurs au sein de l’Union européenne et de l’Espace économique européen. Dès l’entrée en application du Règlement, il faudra se conformer à ces nouvelles règles. Elles seront directement applicables, il n’est plus question, comme auparavant, de « transposition » par les États membres.

Premium Beauty News - Et quelles sont ces nouvelles obligations ?

Nedjwa Abbadi - L’article 23 du nouveau Règlement oblige la personne responsable et les distributeurs à notifier un certain nombre d’informations aux autorités en cas de survenue d’effets indésirables graves. Ils doivent décrire ces effets en indiquant le nom du ou des produits cosmétiques concernés - pour que celui-ci/ceux-ci puissent être identifié(s) - et préciser les mesures correctives qui ont été prises, le cas échéant. Ces nouvelles obligations complètent celles déjà prévues par la Directive 76/768/CE modifiée, qui consistent à rendre facilement accessibles au public, les données existantes en matière d’effets indésirables.

Emmanuelle Amsler

Premium Beauty News - Comment organiser cela en pratique ?

Emmanuelle Amsler - C’est toute la difficulté ! La gestion des cas graves requiert des compétences et la mise en place de procédures spécifiques qui doivent compléter celles des cas « classiques » en cosmétovigilance.

Ceci n’est pas spécifique aux cas graves, mais il faudra bien sûr organiser la remontée des cas. Il faudra aussi, et c’est nouveau, être très réactif car le délai de notification des cas graves n’est que de 20 jours calendaires à partir du moment où n’importe quelle personne de la société en a connaissance. Enfin, il faudra être en mesure de statuer sur la gravité d’un cas et l’avoir suffisamment documenté pour pouvoir renseigner un formulaire de notification et l’adresser aux autorités compétentes du pays de survenue.

Si l’on s’attarde sur la gravité, le règlement définit les cas graves selon 6 critères : incapacité fonctionnelle temporaire ou permanente, handicap, hospitalisation, anomalies congénitales, risque vital immédiat ou décès. Néanmoins la définition précise de certains de ces critères reste floue.

Prenons l’exemple de l’incapacité fonctionnelle temporaire, comment l’appréhender de façon objective et reproductible ? Comment juger une incapacité fonctionnelle chez un retraité, un enfant scolarisé ou une femme au foyer ? Même l’arrêt de travail n’est pas facile à manier car il existe des variations selon le droit social et les systèmes de santé dans les différents pays européens. Concernant l’hospitalisation, il est assez clair que la simple consultation aux urgences n’entre pas dans son périmètre, mais existe-t-il une définition univoque de l’hospitalisation pour tous les pays concernés par le règlement ?

La remontée des cas, en matière de cas graves, est importante. Il faut identifier les portes d’entrées possibles pour les consommateurs, former et informer les équipes concernées au dépistage de la gravité (qui est à bien différencier de la sévérité) car ils seront les premiers maillons de la chaîne.

Autre enjeu : être capable de documenter correctement ces événements. Bien sûr par le biais de questionnaires standardisés spécifiques, mais dans le cadre des cas graves il faudra pouvoir décrypter des documents médicaux fournis par des consommateurs, et ce, dans leur langue maternelle (certificats médicaux, compte rendu d’hospitalisation, copie d’arrêt de travail, …) !

En résumé, à ce stade, les marques devraient s’être organisées et avoir anticipé les réponses à certaines questions clés : Qui complète et transmet le formulaire aux autorités compétentes ? Qui assure le suivi du cas ? Qui assure la relation avec les autorités compétentes ?

Premium Beauty News - Et au niveau des distributeurs ?

Emmanuelle Amsler - Effectivement, ils sont soumis à l’obligation de notification des cas graves au même titre que la personne responsable. Les distributeurs sont directement en contact avec les consommateurs, on peut imaginer que c’est vers eux que ceux-ci se dirigeront spontanément en cas de problème. Eux aussi doivent s’organiser et structurer leur relation avec la personne responsable.

Premium Beauty News - Des divergences il risque d’y en avoir avec les autorités compétentes ?

Emmanuelle Amsler - Il est en effet envisageable, selon les différences d’expérience en matière de cosmétovilance des différents États membres de l’Union européenne qu’il puisse y avoir des divergences dans l’évaluation des cas. Il est difficile aujourd’hui d’anticiper comment cela va se passer. Il y aura assurément besoin de pouvoir communiquer/expliquer/argumenter en cas de divergence sur un cas.

Premium Beauty News - Que pouvez-vous apporter aux marques ?

Emmanuelle Amsler - IRIS est un centre de vigilance unique qui, avec plus de 20 années d’expérience, offre aux marques une aide à la prise en charge et à l’investigation de leurs cas de cosmétovigilance. À la demande des marques, nous contactons les consommateurs concernés pour recueillir les informations pertinentes et spécifiques à l’effet indésirable signalé. Puis, selon le cas, nous pouvons proposer un contact téléphonique avec un médecin, ou une consultation avec une éventuelle investigation allergologique (tests avec le produit, et si besoin ses ingrédients). Tout ceci permet de documenter le cas, étape indispensable à son évaluation. A l’issue de l’investigation, une conclusion validée par un médecin en interne est adressée à la marque. Ce document précise notamment le diagnostic de la réaction présentée, s’il est possible d’en poser un, et l’évaluation de l’imputabilité entre l’utilisation du produit et l’effet indésirable rapporté.

Avec le nouveau règlement, et la gestion des cas graves, cette mission reste d’actualité et IRIS a complété ses services pour assister les marques dans leurs obligations réglementaires, notamment en réalisant un jugement sur la gravité et en les aidant à renseigner les formulaires de notification.