«  Nous sommes entrés dans une société d’hybridation. En croisant leurs sources d’information, en puisant dans plusieurs influences pour satisfaire leurs envies, les consommateurs tendent à mettre en question les segmentations traditionnelles,  » explique Leïla Rochet-Podvin, directrice et fondatrice de Cosmetics Inspiration & Creation et co-auteure de l’étude [1]. Dans ce contexte, marqué par l’évolution rapide et parfois contradictoire des envies et des besoins des consommateurs, les marques en quête d’innovation doivent décloisonner leur regard autant que le font les consommateurs.

Les deux agences appuient leurs réflexions de nombreux exemples d’innovations produits et de concepts de boutiques illustrant les références croisées et multiples entre l’alimentaire et la cosmétiques. Elles mettent ainsi en évidence, l’usage d’ingrédients communs, ou encore des références communes à la pureté et aux avantages de certaines eaux comme à la puissance du monde marin. Alimentaire et cosmétiques en sont venus simultanément à un nouvel éloge du sucre, mais aussi de la fraicheur, du local, et même de la sensualité.

Dix tendances à suivre

Sur cette base, Leïla Rochet-Podvin et Béatrice de Reynal, proposent ainsi de suivre dix tendances susceptibles d’influencer fortement ces deux secteurs en 2013.

Les deux premières (GRIN’IFIC et iControl) font référence à la pénétration croissante de la technologie, de la science et de l’information dans le quotidien des consommateurs. La montée de l’homo numericus, se traduit aussi par une volonté de prise de pouvoir de la part du consommateur, qui devient un stratège au service de l’affirmation de sa personnalité et de ses désirs.

Les deux suivantes (Senstory Gamers et Hyperlife & SuperStress) mettent en évidence les besoins d’élévation, de personnalisation, de calme retrouvé, dans des vies de plus en plus rapides, interconnectées et multiples.

La cinquième (Clean & Sain) et la sixième (Healthy) sont les deux faces complémentaires d’une même recherche de bien-être et de santé, avec d’une part la volonté de se préserver de l’empoisonnement, la volonté de se détoxifier, et d’autre part la recherche de la forme, du bien-être, d’une beauté synonyme de santé et d’équilibre, de vieillesse assumée mais sans problèmes.

Les trois suivantes sont davantage le reflet des grandes évolutions du monde. La montée en puissance de l’Asie se traduit ainsi par une sorte de ruée vers l’Est, avec une influence croissante des modes et des styles de vie venus de l’extrême orient, notamment le Japon et la Corée. «  Ce qui s’est passé avec les BB Creams ne restera pas un cas isolé,  » estime Leïla Rochet-Podvin. « Les consommateurs d’Europe et d’Amérique du Nord sont de plus en plus sensibles à la valeur des racines de la culture chinoise, même s’ils en rejettent le consumérisme outrancier actuel, » ajoute-t-elle. De même, la part croissante des séniors dans la société (toutes les 8 secondes dans le monde une personne fêtera son cinquantième anniversaire) et la mixité ethnique grandissante des populations devraient inciter les marques à changer leur regard sur ces deux sujets.

Enfin, Sustainably True, la dixième et dernière tendance relevée par les deux agences, prolonge la tendance du bio et du naturel mais avec une exigence accrue de sens, de transparence, une attention renforcée aux communautés, à l’origine des produits, à leur signature humaine. Les ressources de la planète sont toujours perçues comme épuisables, mais la méfiance vis-à-vis d’une greenwashing s’est renforcée et les consommateurs demandent de plus en plus de concret. À noter dans ce contexte, une montée en puissance du discours sur la durabilité parmi les marques de luxe.

En conclusion, Cosmetics Inspiration & Creation, et NutriMarketing recommandent de mettre le consommateur au centre du processus d’innovation, pour lui permettre de renouer avec un achat valorisant, qui lui permette de s’exprimer, de réaliser sa personnalité (« upgrader l’ego »), mais aussi de lui redonner envie par une valeur ajoutée véritablement attractive (« désirable bénéfice »), tout en réintroduisant la dimension émotionnelle de l’expérience d’achat (« réenchanter »).

« Il s’agit ni plus ni moins pour les marques de revenir au bon sens et à l’audace, d’assumer leur rôle sociétal plutôt que d’en parler, bref d’accéder au statut de shaper, celui qui donnera forme à son marché,  » estiment les deux auteures de l’étude.