Organisée par Premium Beauty News, avec la participation de Mulon Conseil, une journée d’information rassemblait le 6 juillet dernier plus de 50 professionnels de la formulation, marques et fournisseurs, tous concernés par les incertitudes pesant sur certains ingrédients dans les produits cosmétiques. Et spécialement, ces fameux parabènes, suspects en 2004 aux yeux de quelques scientifiques, interdits dans les produits pour enfants de moins de 3 ans au Danemark en 2010, accusés et menacés d’être bannis par une proposition de loi française en mai de cette année, mais aussi fragilisés par cette gigantesque vague du bio et du naturel. Les consommateurs sont méfiants et les marques en sont conscientes, alors il faut continuer à chercher pour trouver la bonne alternative à ces ingrédients très largement utilisés en cosmétique pour leur efficacité antimicrobienne et leur sécurité d’emploi.

Après un tour d’horizon de la situation réglementaire des substances concernées, Laurence Mulon a ainsi listé les solutions déjà utilisées : les produits autorisés par certains référentiels de produits naturels et biologiques (quelques conservateurs inscrits sur une liste positive) mais aussi les nouvelles approches et alternatives, comme la stérilisation, les conditionnements uni-doses ou airless, l’autoprotection de la formule (avec des substances aux propriétés microbiologiques, sans être pour autant des conservateurs), modulation du pH dans les émulsions, diminution de l’activité de l’eau, ajout d’alcool, etc.

André Jean Brin (AJ Brin Consulting), fort de son expertise en ce domaine, a livré quelques réflexions sur les écueils et options. Bien connaître les matières premières, leur composition, leur propreté microbienne mais aussi celle de l’eau : « quand il y a beaucoup d’eau dans une formule, il y a plus de risques ». Privilégier les matières premières aux propriétés bactériostatiques ou bactéricides, comme l’ylang-ylang, ou encore les « conservateurs-like » comme l’acide sorbique, tout en validant leur totale innocuité et leur autorisation sur certains marchés. Préférer la prévention à l’urgence, penser aux risques secondaires, étudier la stabilité dans le temps, « trouver peut être le bon cocktail, mais aura-t-il les bonnes propriétés cosmétiques ? Le consommateur le dira ! » Un consommateur qu’il devient urgent d’éduquer sur son propre rôle dans la contamination de ses produits cosmétiques !

Changer de posture

Régine Frick, ingénieur en chimie de formulation et experte en innovation, nous a plongé dans la science de la formulation, ses contraintes et son évolution. Un métier qui demande expertise, process, adaptation aux contingences budgétaires et réglementaires mais aussi aux tendances du marché. Ainsi celle du minimalisme, allant jusqu’à l’épure dans les formules d’aujourd’hui, pour ne conserver que l’indispensable et le plus sûr. Ainsi encore celle de la Formulation Raisonnée, une passionnante démarche expérimentale initiée dans les années 1920, qui consiste à « déconstruire le squelette de la formule en tenant compte des propriétés physico-chimiques et des performances des ingrédients, pour mieux les associer, en privilégiant les plus fonctionnels et en évitant les redondances ».

Une révolution qui nécessite de se poser, d’observer autrement les matières premières, et d’utiliser un logiciel comme Nemrod pour rationaliser les essais et connaître l’impact optimal d’un ingrédient sur un résultat voulu. Un outil qui permet de résoudre des problèmes, de simplifier les formules, de réduire temps et coûts, mais aussi d’ouvrir de nouvelles fenêtres, vers l’innovation et la créativité, et qui sait, anticiper une tendance du futur. « Une stratégie avec un minimum d’essais à réaliser pour un maximum d’information. »

Face à cette opportunité méthodologique, Ngub Nding (Ephyla) a très justement abordé l’aspect humain de la question. « Profitons de cette nécessité de formuler autrement pour faire évoluer notre aptitude au changement, formuler comme si c’était la première fois, mais surtout, s’y mettre dès maintenant ». Et ne jamais oublier la dimension créative de la chimie, qui permet d’enrichir de nouvelles propriétés biologiques certains ingrédients. Comme Ephyla l’a récemment fait avec de l’argile, en augmentant et enrichissant son espace interfolier.

Penser plus large aussi, et se dire que les alginates, l’argile, les solvants lipophiles, mais aussi les vapeurs sèches, les abrasifs, les probiotiques et les enzymes peuvent remplacer les tensioactifs dans un produit lavant. Mais éviter l’alcool, et la démarche hygiéniste… Tout cela nécessite de casser ses croyances pour laisser libre cours à son imagination et sa rationalité, investiguer dans l’innovation galénique, s’intéresser aux stratégies biomimétiques.