Dans un contexte de prise de conscience généralisée, les acteurs de la filière cosmétique – détaillants, marques, fournisseurs d’ingrédients ou fabricants d’emballages – s’efforcent eux aussi de répondre à l’urgence climatique et environnementale. Portés par la demande des consommateurs, les projets de recherche et développement s’orientent massivement vers la conception de solutions moins gourmandes en ressources, plus facilement recyclables et biodégradables, les programmes de RSE s’étoffent et le nombre d’entreprises engagées dans des démarches de certification croît de façon exponentielle.

Tournant collaboratif

Mais il n’est pas certain que cela suffise ! Car l’ampleur de la tâche reste considérable. « Certains projets très intéressants peinent à se déployer à grande échelle », note Armelle Le Peniec, Directrice de la division Actifs et Ingrédients Cosmétiques des Laboratoires Expanscience.

Dans une conférence lors du salon I Feel Good, un événement dédié à la clean beauty qui s’est tenu à Paris les 19 et 20 septembre 2023, elle a souhaité mettre en avant l’enjeu du collaboratif dans la marche vers une industrie cosmétique à impact positif.

Pour Armelle Le Peniec, l’approche de la RSE reste en effet très concurrentielle. C’est la logique, par exemple, d’un label comme le Sustainability Rating d’EcoVadis : le niveau obtenu par les entreprises est basé sur leur performance environnementale relative. Celles qui se hissent dans le 1% des meilleures pratiques obtiennent la rang Platinum, celles qui se classent parmi les 5% les plus performantes obtiennent le rang Gold et ainsi de suite. L’efficacité de cette approche est indéniable : pour progresser comme pour conserver son rang des efforts continus sont requis !

« Mais notre conviction est qu’aujourd’hui la RSE ne devrait plus être uniquement un axe de différentiation. Si nous voulons accélérer le rythme de transformation de l’industrie, davantage de coopération est indispensable ! », insiste la dirigeante. « Nous pensons que cela permettra de faire encore mieux ».

Projets concrets

Il existe aujourd’hui des exemples concrets inter industries qui montrent que ce tournant collaboratif est possible. Le « Grand Défi Ferments du Futur » réunit ainsi, dans un partenariat public-privé, des parties prenantes aussi diverses que des marques de l’agro-alimentaire, des organismes de recherche, des fabricants d’ingrédients, des syndicats professionnels, des laboratoires. Certains ont une dimension intersectorielle, comme le consortium Carbios pour le développement du recyclage enzymatique du PET, auquel participent des géants comme Nestlé, Pepsico, Suntory Beverage et L’Oréal.

Du côté des matières premières, les efforts de coopération pour structurer des filières responsables autour de sujets sensibles sont loin d’être rares. On peut citer, entre autres, le Sustainable Coconut Partnership et la Responsible Mica Initiative. Des projets permettent aussi de construire des bonnes pratiques communes entre fournisseurs d’ingrédients cosmétiques, à l’image de la Traceability Alliance for Sustainable Cosmetics (TRASCE) pour la mutualisation d’une plateforme de traçabilité, ou du label ERI (Eco Responsible Ingredient).

Les marques aussi coopèrent ! Au sein du consortium Pharma-Recharge les Laboratoires Expanscience (avec leur marque Mustela), Garancia, La Rosée Cosmétiques, Bioderma (NAOS) et Pierre Fabre Dermo-cosmétique ont ainsi décidé d’unir leurs forces pour diminuer l’impact des emballages via la recharge en pharmacie. Les marques du consortium sont engagées depuis longtemps dans la transition écologique, certaines avaient même déjà testé leurs propres solutions de recharge. Avancer vers une solution pérenne à grande échelle nécessitait de dépasser une logique concurrentielle et de coopérer pour s’accorder sur un système de recharge, un flacon commun…

Des projets comme Pulp in Action, qui vise à remplacer le plastique des emballages par des fibres de cellulose, ou l’EcoBeautyScore Consortium, pour mettre au point un système d’évaluation et de notation de l’impact environnemental des produits cosmétiques, relèvent aussi de cette logique collaborative entre marques. La B Corp Beauty Coalition réunit de son côté 40 sociétés certifiées B Corp, dont les Laboratoires Expanscience, qui sont en quête de changements profonds pour améliorer l’empreinte sociale et environnementale de l’industrie cosmétique.

« Ces projets ont des objectifs, des structures et des gouvernances assez différents. Certains avancent plus vite que d’autres, mais ils montrent que l’on est meilleurs ensembles qu’isolés », poursuit Armelle Le Peniec. « Des initiatives de grande ampleur sont même possibles à l’échelle internationale ».

Entraîner l’ensemble de l’industrie

Cette dynamique collective est d’autant plus cruciale que les demandes des consommateurs sont fortes : 86% attendent des marques qu’elles s’engagent au-delà de leur produit et de leur activité, notamment en soutenant les communautés locales, en suscitant des changements positifs dans la société, ou en donnant de l’argent à de bonnes causes. Et les nouvelles générations ne se contentent pas de mots, elles veulent des preuves ! [1]

Pour Armelle Le Peniec, marques, distributeurs, fournisseurs ont donc intérêt à amplifier ces coopérations, à travailler main dans la main pour aller vers une cosmétique à impact positif. Et les sujets ne manquent pas !

« On parle beaucoup de l’emballage final, mais les emballages industriels vont également être soumis à des obligations de recyclage renforcées. Là aussi on pourrait penser au réemploi. Dans le secteur des actifs cosmétiques, les volumes de commandes sont souvent petits. On peut envisager de mutualiser les stockages, les transports, réfléchir à une logistique plus verte, à des alternatives à l’aérien. La plupart des entreprises ont développé des chartes d’achat, il serait peut-être possible de les harmoniser pour reprendre les meilleures pratiques. Même dans des domaines comme la communication ou les ressources humaines il est possible de mutualiser certaines actions, ou d’harmoniser certaines pratiques, dans l’intérêt général et sans nuire à la nécessaire concurrence », explique-t-elle.

Les Laboratoires Expanscience se sont fixés avec leur stratégie RSE et leur programme d’engagements ImpACT, de devenir une entreprise à impact positif et régénératrice. En tant que société à mission et entreprise certifiée B Corp, Expanscience s’engage dans une démarche de progrès continu pour ses activités ainsi qu’à contribuer à une dynamique collective au sein de l’industrie. « Dans le secteur des actifs et ingrédients cosmétiques nous sommes un petit fournisseur très engagé depuis plus de 20 ans, et ce, notamment grâce à l’impulsion de l’entreprise et de ses marques. Grâce à notre programme ImpACT, co-construit en interne avec des équipes inter-directions, chaque activité a sa propre feuille de route à 2030, partagée et suivie par la direction. Pour nos actifs cosmétiques, nous visons ainsi la certification Bio ou Fair For Life pour 50% de nos ingrédients, et 80% d’ingrédients upcyclés ou biomimétiques. C’est un programme qui va au-delà du développement de nos produits, avec des objectifs sur la préservation de la biodiversité, sur l’impact de nos usines ou encore des engagements RH. Et bien sûr, nous avons un objectif clef vis-à-vis de nos parties prenantes ; la coopération est un vrai moyen d’entraîner l’ensemble de la filière vers un impact positif », conclut-elle.