Les dix dernières années ont en effet vu la renaissance d’anciennes marques et l’apparition de nouvelles venues, tentant de capter un public curieux et désireux d’échapper au rouleau compresseur uniformisateur des grandes marques internationales. Mais curieusement, ces marques semblent avoir du mal à trouver leur place en France. [1].

Parfumerie créative ou parfumerie de niche ?

David Frossard

Pour David Frossard, co fondateur de Différentes Latitudes, il s’agit de : «  parfums dont la démarche n’est pas dictée que par le marketing et les marchés, des parfums qui ne sont pas destinés au plus grand nombre mais à des Happy Few, une élite intellectuelle, financière et/ou culturelle ». Ce que confirme François Hénin, président de Jovoy, pour qui il s’agit d’un « phénomène intéressant qui propose à l’individu de sortir de l’homogénéité avec une vraie démarche de différenciation. »

De son côté, Gilles Thévenin, président de Lubin, insiste sur la recherche de qualité et la tradition de la haute parfumerie française.

Liberté créative, indépendance, et fabrication quasi-artisanale de haute qualité, sont aussi les traits caractéristiques mis en avant par Valérie PIanelli-Guichard, directrice générale de Comptoir Sud Pacifique.

Un problème de visibilité

Tous les intervenants s’accordent sur la réalité de la demande pour un segment qui, selon David Frossard, représente environ 4% du marché mondial de la parfumerie. Mais la situation française est à la fois particulière et difficile pour les marques, du fait de la structure très concentrée de la distribution.

« En France, il y a très peu de distributeurs pour ce type de produits, » explique David Frossard. Si l’on ajoute à cela, que les petites marques n’ont pas les moyens d’investir réellement dans la publicité et que les journalistes beauté semblent peu intéressés par le sujet, la principale difficulté que doit surmonter la parfumerie créative en France semble bien être celle de son manque de visibilité.

Individualité et différenciation

De leur côté, les marques s’efforcent de travailler leur identité propre, en n’hésitant pas à adopter des partis pris différenciants. De l’histoire sauvage et naturelle des côtes Atlantiques chez Lostmarc’h, où chaque ingrédient utilisé provient d’un sourcing local, au tour du monde olfactif proposé par Comptoir Sud Pacific, des jus réalisés par les plus grands nez chez The Different Company, aux grands classiques réédités par la maison Lubin fondée en 1798, chacun travaille avec passion son identité et son positionnement. La cliente acquiert alors un parfum qui deviendra son parfum.

Malgré un prix souvent plus élevé que dans le circuit sélectif classique, un véritable rapport affectif se crée entre la cliente, ou le client, et son parfum de créateur. « Il y a une forte fidélisation sur ce marché contrairement au sélectif qui est un marché de la nouveauté, » confirme Luc Gabriel, Directeur Général The Different Company.

Plus que jamais, la créativité reste au cœur de ce métier, car le nombre de marques de parfumerie artistique a explosé depuis le début des années 2000.

Une inspiration qui doit prendre vie dans le respect des contraintes réglementaires.

L’importance du flacon

La dernière partie de la conférence a été consacrée aux enjeux du packaging et aux besoins spécifiques des marques de parfumerie créative.

Pour la plupart des marques, l’emballage fait partie intégrante de l’univers du créateur et est source de différenciation. Travailler à partir de standards apparaît alors difficile malgré de larges possibilités de décoration et de personnalisation offertes par les fournisseurs. La difficulté est alors de trouver des industriels pouvant réaliser des moules spécifiques et de réaliser des séries en quantité limitée. Des efforts importants ont été faits par les fournisseurs de packaging et les conditionneurs pour répondre à cette demande.

Valérie Jacob, Directrice Marketing de SGD, François Chéru, Directeur commercial des Verreries Brosse, Jean-Luc Leblond, Directeur Commercial de Bormioli Rocco & Figlio, Lucie Ray, Directrice Marketing Industriel de Pochet et Isabelle Legallicier, Président, de CCI Productions, ont présenté l’intérêt de ce segment pour eux et les solutions spécifiques qu’ils proposent.

Un futur prometteur

Au final, malgré un environnement difficile la parfumerie créative répond à une vraie demande du marché. Les grandes marques de luxe s’intéressent d’ailleurs à ce segment et plusieurs grands noms de la parfumerie sélective ont mis en place des collections spécifiques. Peut-être une voie vers le déblocage des circuits de distribution.