Près d’un milliard de personnes étaient concernées par un trouble mental dans le monde en 2019, soit juste avant le début de la pandémie de Covid-19, d’après des données publiées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Les inégalités, sociales et économiques, mais aussi les guerres et la crise climatique, comptent parmi les obstacles au bien-être de la population mondiale, tout comme la crise sanitaire. L’autorité mondiale estimait en 2022 à plus de 25% la hausse de la dépression et de l’anxiété au cours de la première année de pandémie. Mais il semblerait que le mal-être soit plus profond, car le moral des individus ne s’est pas amélioré au sortir de la crise sanitaire, comme le révèle une nouvelle étude mondiale.

Réalisé par Edelman Data & Intelligence à la demande de la marque de vêtements de sport lululemon, ce rapport mondial sur le bien-être a été conduit pour cette troisième édition dans 14 pays, dont la France, les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon, la Chine, et l’Australie, auprès de 1.000 personnes par marché, soit un ensemble de 14.000 participants [1]. Les conclusions témoignent de l’importance de prendre en compte la santé mentale des populations, et d’agir sur ses causes et ses conséquences pour voir se profiler un changement. Une demande précisément formulée par l’OMS il y a tout juste un an.

Une priorité pour les deux tiers de la population

Les auteurs de ce rapport ont retenu trois critères, le bien-être physique, le bien-être mental, et le bien-être social, censés refléter l’équilibre qui permet aux individus de se sentir bien. Il montre en premier lieu que le bien-être est aujourd’hui considéré comme une priorité pour plus des deux tiers de la population mondiale (67%), dont 80% des Espagnols et 72% des Singapouriens et des Thaïlandais et, a contrario, seulement 44% des Japonais et 62% des Sud-Coréens. En France, 68% de la population considère le bien-être comme une priorité, mais 40% estiment qu’elle est impossible à atteindre. Un chiffre qui grimpe à 44% au niveau mondial, et même à 48% pour la Thaïlande, Singapour, et la Corée du Sud.

Autre donnée à prendre en compte : seuls 12% des sondés affirment avoir un état de bien-être qui leur convient, au niveau monde comme en France.

À l’échelle mondiale, plus d’une personne sur trois affirme que son bien-être n’a jamais été aussi bas (34%), contre 29% pour la France, une des moyennes les moins élevées. Dans le détail, ce mal-être est perceptible en Thaïlande (48%), à Singapour (40%), et en Corée du Sud (39%), mais beaucoup moins ressenti au Japon (20%), en Chine continentale (28%) et donc… dans l’Hexagone. L’état actuel du monde, toutes problématiques confondues, ne préfigure pas une quelconque embellie dans un avenir proche, puisque 41% de la population mondiale se dit découragée quand elle y pense, contre 50% des Français. Notons malgré tout que certaines populations se disent optimistes quant au futur : c’est le cas de la Chine, à hauteur de 67%, contre seulement 42% pour la moyenne mondiale.

Changement climatique, médias et injonctions sociales

Si l’on s’intéresse aux obstacles rencontrés par les sondés pour se sentir bien— que ce soit mentalement, physiquement, ou socialement — le changement climatique est cité comme une entrave au bien-être. Plus de quatre personnes interrogées dans le monde sur dix (41%) confie qu’il aggrave leur sentiment d’anxiété, contre 44% des Français - parmi la moyenne la plus haute dans le monde après la Thaïlande (59%), la Corée du Sud (58%) et Hong Kong (44%). La problématique environnementale entame moins le moral des Allemands (34%), des Australiens (34%), des Canadiens (35%), et des Néo-Zélandais (36%).

La couverture médiatique mondiale joue également un rôle sur le moral des populations. Un sondé sur deux affirme que certains sujets abordés dans l’actualité impactent leur bien-être personnel, parmi lesquels l’inflation. Plus de la moitié de la population mondiale (56%) se dit inquiète de la façon dont elle va subvenir à ses besoins face à l’augmentation constante du coût de la vie, et 54% s’alarment même de la gestion de leurs finances pour l’année en cours. Notons que les Espagnols et les Français sont ceux qui se sentent le plus impactés par certains sujets abordés par les médias, à hauteur de 57%, contrairement aux Chinois (44%), aux Japonais (46%), aux Canadiens (48%) et aux Singapouriens (48%).

Les injonctions, quelles qu’elles soient, influencent elles aussi les niveaux de bien-être dans le monde. À l’international, près de quatre répondants sur dix (39%) considèrent que la pression de se conformer aux normes sociétales a un impact négatif sur leur bien-être mental, contre 38% pour la France. En Thaïlande, c’est plus de la moitié de la population qui pâtit de cette pression. Et c’est un cercle vicieux, car ces injonctions jouent également un rôle sur la libération de la parole vis-à-vis de la santé mentale. Dans le monde, comme en France, plus de quatre personnes sur dix (42% et 41% respectivement) affirment se sentir obligées de feindre le bonheur alors qu’elles ne sont pas heureuses. Il faut dire que plus d’un répondant sur deux (55%) estime que « que la société porte un regard critique sur les individus qui ont un bien-être mental faible ».

De la difficulté de préserver sa santé mentale

Le manque de temps, le manque de moyens financiers, et les tabous qui entourent la santé mentale, constituent autant d’obstacles pour permettre aux populations de prendre soin de leur bien-être, ou au moins de se faire aider. Les personnes interrogées déplorent également le manque d’efforts, d’accompagnement ou de services dédiés à la santé mentale. Près des trois quarts des sondés (74%) considèrent que les institutions n’en font pas assez pour faciliter le bien-être de la société, contre 79% des Français, et sept employés sur dix estiment même, dans le monde comme dans l’Hexagone, que leur employeur est responsable de leur bien-être.

Et le niveau de bien-être a des conséquences concrètes, tant au niveau professionnel que sur le plan personnel. Les Français manqueraient ainsi en moyenne six jours de travail par an en raison d’un bien-être en berne, contre cinq jours pour la moyenne mondiale. À l’international, les employés se disent également moins investis (48%) et moins susceptibles d’accepter des responsabilités (37%) lorsque leur moral est au point mort. Et cela aurait même un impact sur leur rôle de parent, puisque plus de quatre répondants sur dix (44%) affirment « ne pas être le parent dont ont besoin leurs enfants lorsque leur bien-être est faible » à l’échelle mondiale, contre 34% en France.

Mais les populations recherchent malgré tout des solutions, de façon individuelle, pour se sentir mieux. Une chose qui passe notamment par l’activité physique, le fait de fixer certaines limites dans sa vie professionnelle et personnelle, de se concentrer sur des choses positives, de prendre du temps pour soi, ou plus simplement d’exprimer librement ses besoins auprès de ses proches.