Premium Beauty News - Quelle est la proposition de valeur de la maison Solférino Paris ?
Philippe Bénacin - Cette nouvelle collection est liée au siège social d’Interparfums. Lorsque nous nous sommes installés à cette nouvelle adresse, 10 rue de Solférino, le segment des marques de collection était en plein développement. Interparfums avait déjà une connaissance de ce marché par la collection Van Cleef & Arpels démarrée en 2012. Avec mes équipes, il nous a semblé que le nom Solférino sonnait bien et que ce bâtiment parisien historique pouvait être le point de départ pour développer une histoire, avec du sens, autour des lieux emblématiques de Paris.
Nous avons travaillé les noms de lieux proches, comme le Quai Voltaire ou Saint-Sulpice et plus largement à l’échelle de Paris. Solférino s’appuie sur un patrimoine qui ne nous appartient pas en propre : Paris et ses lieux qui ont une mémoire et une histoire.
Premium Beauty News - En quoi se distingue la marque sur un marché de la parfumerie de niche déjà bien occupé ?
Philippe Bénacin - Par rapport à nos concurrents, nous ne distinguons pas tant en termes de valeur, de produit et de jus, qu’en termes de storytelling. Celui de notre marque est très différenciant et sonne juste parce que nous sommes vraiment établis à l’adresse parisienne qui donne son nom à l’un des dix parfums. Moi-même, j’ai passé 95% de ma vie à Paris.
Nous avons construit cette marque de niche en déclinant l’architecture de l’hôtel particulier qui héberge maintenant l’entreprise. L’entrée de la boutique de la rue Saint-Honoré est la même que celle de notre siège social, avec le même dallage noir et blanc, les mêmes moulures au mur. Au dos, les packagings sont ornés d’illustrations de Paris qui reprennent le motif de ce damier.
Premium Beauty News - Cette collection est-elle prioritairement destinée à une clientèle internationale ?
Philippe Bénacin - Ce n’était pas mon idée initiale. Mais nous nous ajustons aux premières remontées des points de vente. Les chiffres d’affaires ont été importants ces trois premières semaines au Drugstore des Champs Élysées comme chez Selfridges. L’Asie et le Moyen-Orient nous font un très bon accueil.
Nous sommes présents dans une trentaine de points de ventes internationaux (Taiwan, Singapour, Marbella, Angleterre, Italie, bientôt au Moyen-Orient et à New York…), essentiellement des grands magasins. Soyons clairs, la France ne représente que 10% du marché du parfum, 90% des ventes se font à l’étranger.
Premium Beauty News - Hormis la boutique récemment inaugurée rue Saint-Honoré, quels sont les circuits de distribution envisagés ?
Philippe Bénacin - Comme évoqué, nous ciblons les grands magasins et nous aurons des boutiques en propre. Dans quelques années, il sera possible de sélectionner une dizaine d’espaces de vente de type parfumerie sélective, mais c’est prématuré à présent. Nous allons bientôt ouvrir un espace au Printemps, mais trois points de vente parisiens sont suffisants.
Premium Beauty News - Sur quelles ressources internes et externes vous êtes-vous appuyé pour imaginer et développer cette marque ?
Philippe Bénacin - La marque a été réfléchie en interne, nous sommes trois ou quatre personnes à travailler sur ce projet. Je m’y suis particulièrement impliqué sur la phase de création au démarrage, tout comme je suis très présent en ce moment sur les projets chez Off-White et Longchamp qui vont bientôt sortir.
Les flacons ont été élaborés rapidement. La partie packaging a été plus lente à définir, notamment celle des symboles à mettre en avant. Finalement, nous sommes allés vers ce soleil or. Parallèlement, nous avons briefé des parfumeurs avec qui nous travaillons par tranche d’olfaction afin d’obtenir dix jus assez différents sur trois catégories olfactives. Je compile en quelques mots 18 mois de travail. En l’absence de licence, les processus de décision sont raccourcis.
Nous avons fait appel aux parfumeurs d’IFF, de Givaudan et de dsm-firmenich. L’agence de design Carret Basset, à l’origine de Van Cleef & Arpels, a créé les flacons. Les illustrations au dos des packaging sont le travail d’une graphiste.
Premium Beauty News - Interparfums vient d’acquérir la maison Goutal. Parallèlement à la création de Solférino Paris, est-ce que ce rachat montre une volonté d’aller vers des segments de marché plus premium ?
Philippe Bénacin - Oui, absolument. Au départ, le rachat de Goutal était plutôt opportuniste, car Amorepacific souhaitait s’en séparer. Cependant, pour Interparfums, il y a une vraie raison à détenir trois marques de collection (avec Van Cleef & Arpels et Solférino Paris) : il s’agit de prendre une position forte sur ce marché.
La parfumerie de niche fait une croissance d’environ 15% en valeur et de 7% en volume. Le prix de vente est environ le double des produits vendus en sélectif. Je n’envisageais pas cette évolution de marché il y a 10 ans. Or il y a une demande réelle de la part des consommateurs, même si elle est inégale selon les pays. On s’aperçoit que tout un segment de population souhaite des produits plus travaillés, plus chers et de haute qualité. Des produits avec un vrai storytelling et surtout, que tout le monde n’a pas.
À terme, nous envisageons d’ouvrir 200 ou 300 portes à l’international, donc de garder une distribution serrée qui justifie l’excellence et le fait que la marque Annick Goutal ne soit pas accessible à tout le monde. Un modèle à l’image de celui de la couture, par rapport à celui du prêt-à-porter.
Philippe Bénacin - Dans une conjoncture complexe, en quoi la marque Solférino Paris entre-t-elle dans votre vision stratégique ?
Philippe Bénacin - Nous n’avons jamais tablé sur la conjoncture pour définir notre stratégie. Nous avons démarré ce projet il y a deux ans, alors que la conjoncture n’était pas aussi mauvaise qu’en cette année 2025. Nous visons le long terme et nous avançons quoiqu’il arrive. Nous avons des développements très importants qui viendront en 2026 et 2027, quel que soit le contexte.
Cette marque nous offre de nouvelles opportunités de clientèle et de distribution. Solférino Paris s’ajoute à nos deux autres marques de collection et nous donne plus de poids sur ce segment. Avec ce portefeuille consolidé, chaque marque pèsera davantage et nous pourrons plus facilement négocier des espaces en grands magasins. Ce qui nous demande du temps, c’est d’obtenir suffisamment d’espace et pas seulement du linéaire de la part des retailers de façon à valoriser ces produits.




























