Pierre Miasnik, Fiabila

Premium Beauty News - Le marché du vernis à ongles n’échappe pas à la tendance du naturel ?

Pierre Miasnik - Aujourd’hui, le green est beaucoup plus qu’une tendance. C’est un mouvement de fond, irréversible et universel, qui touche toutes les catégories cosmétiques. Plus les consommateurs sont jeunes, plus ils sont sensibles à ces questions. Nous avons déjà beaucoup investi en recherche et développement sur ce sujet. Depuis cette année, Fiabila est d’ailleurs en mesure de proposer à ses clients un vernis 100% naturel, c’est un tour de force technique !

Néanmoins, les résines naturelles ne sont pas aussi performantes que les résines de synthèse. C’est pourquoi nous proposons un vernis répondant à toutes les exigences des consommatrices en termes de couleurs, de brillance, de couvrance, de séchage, de tenue et d’application avec 77% d’ingrédients naturels et aucune substance problématique mais avec un plastifiant bio sourcé breveté en 2010. Là aussi, c’est un défi technologique !

Premium Beauty News - Il est donc plus judicieux de parler de « clean product » ?

Pierre Miasnik - Il faut une approche réaliste. Notre objectif est de garantir l’innocuité des produits tout en minimisant leur impact environnemental. Pour cela, il ne faut pas viser le naturel à tout prix mais plutôt effectivement le « clean product ». C’est une opinion de plus en plus partagée par les marques et qui fait son chemin dans l’esprit des consommateurs. On le voit avec l’essor de la clean beauty aux États-Unis et le succès de concepts comme The Detox Market ou Credo Beauty.

Un produit de synthèse n’est pas forcément « dirty » tout comme un produit naturel n’est pas forcément « clean ». Beaucoup de composants de synthèse sont sans aucun danger pour les consommateurs ou l’environnement, et a contrario certaines matières naturelles sont produites de façon non durable où sont même dangereuses pour la santé. Il ne faut pas avoir une position bloquante face à un produit de synthèse, ni un optimisme béat face à un produit naturel. C’est tout l’intérêt de la notion de clean beauty et c’est précisément ce qu’exprime Credo Beauty lorsqu’ils expliquent à leurs clients : « Les ingrédients synthétiques peuvent être sûrs et durables, et les ingrédients naturels peuvent être nocifs et non durables ».

L’essentiel est d’avoir des matières premières « clean » et sans danger à tous points de vue, mais aussi un outil de production « propre ». Ce dernier point, souvent négligé, est aussi le plus compliqué avec un ticket d’entrée élevé. Mais il y a de grands enjeux de crédibilité.

Premium Beauty News - Qu’avez-vous mis en place dans ce sens ?

Pierre Miasnik - Dès 2001, Fiabila a supprimé de ses formules les matières à risque comme le formaldéhyde, les phtalates, le toluène, etc., pour travailler uniquement avec des matières premières « clean », aux niveaux de pureté élevés. Les sites de production sont donc exempts de traces de toluene ou de formaldéhyde.

Nous avons aussi lourdement investi pour éviter les contaminations croisées ou la pollution des matières premières. Pour cela, nous avons construit depuis 2015 des unités de production spécifiques aux vernis à ongles, sécurisées et automatisées en France, aux USA et au Brésil. Cela nous permet de garantir le niveau de pureté de nos matières et des produits que nous livrons aux clients. Concrètement, nous louons à l’année six trailers, chacun dédié au transport d’une matière première (résines, solvants, plastifiants…) et chaque matière dispose de son propre système de stockage, de pompage et de son circuit de canalisation jusqu’aux réacteurs de fabrication. Nous sommes le seul fabricant de vernis à avoir des usines totalement « clean », dédiées aux seuls vernis à ongles ce qui nous donne une grande avance.

Enfin, nous continuons à investir en R&D et nous progressons, entre autres, sur le développement de pigments naturels qui, aujourd’hui, ne couvrent pas encore toute la palette. Nous doublons par ailleurs la superficie des laboratoires du site de Maintenon.

Premium Beauty News - Précisément, côté innovation, quelles sont les dernières propositions de Fiabila ?

Pierre Miasnik - Nous avons lancé en mars dernier l’innovation Salon Prodigy, une alternative aux gels permanents sans leurs inconvénients. Ce développement est la suite des vernis Sun Prodigy dont la solution brevetée repose sur le développement d’un oligomère novateur qui se polymérise à la lumière du jour et qui offre ainsi un durcissement physique et la flexibilité d’un vernis classique mais avec une tenue et une brillance pouvant aller au-delà de 7 jours. C’est un message qui doit encore être bien transmis à la consommatrice de la part des marques même si les produits commencent à bien pénétrer le marché. D’autre part, en exploitant l’un de nos vrais brevets sur les nitrosamines, nous produisons une formule inédite à taux de nitrosamines originelles particulièrement faible dans laquelle nous ajoutons un inhibiteur breveté efficace.

Par ailleurs, nous avons constaté une demande croissante pour les produits de soin et nous répondons avec une offre complète dédiée à la santé de l’ongle. Il y a un véritable enjeu d’efficacité sur ces produits.

L’avenir est clairement vers l’adoption de davantage de solutions naturelles, durables et renouvelables. Il y a déjà 9 ans nous avons déposé un brevet sur un plastifiant naturel. Cette année nous avons créé le premier vernis 100% naturel. Notre recherche est donc clairement orientée vers des solutions toujours plus vertes, sûres, durables et responsables. Mais sans dogmatisme. S’il n’existe pas d’alternative naturelle, sûre et durable à une substance synthétique « clean » il faut garder le synthétique jusqu’à trouver une meilleure solution. De ce point de vue, les applications comme Yuka ou Clean Beauty, certes encore perfectibles, vont jouer un grand rôle d’éducation et de lutte contre le green washing.