Quand la question de l’écoresponsabilité s’est-elle posée chez TechnicoFlor ?

Bérengère Bourgarel - Cela fait quinze ans que le groupe développe des produits 100% naturels, comptant parmi les pionniers en la matière. L’éco-responsabilité est ancrée dans notre ADN. Nous avons d’ailleurs lancé une démarche RSE dès 2013, à l’origine de la création de filières équitables, du lancement de la formulation naturelle, et de l’intégration de matières équitables dans nos compositions.

Nous pouvons aujourd’hui dire que nous sommes experts en formulation naturelle et responsable. Nous avons pris un virage encore plus grand en termes d’éco-responsabilité il y a deux ans avec le lancement de nombreuses initiatives, dont un outil qui permet de calculer la biodégradabilité de nos formules de parfum, une politique d’achats responsables, et un éco-score qui évalue l’impact de nos formules sur l’ensemble de la chaine de production, de la création à la livraison du parfum chez nos clients.

Quelles sont les solutions mises en place par le groupe pour tendre vers des formules et compositions plus naturelles et responsables ?

Bérengère Bourgarel - Quand on pense parfum, on pense souvent flacon et bouchon, mais le parfum lui-même, le jus, doit aussi être plus responsable vis-à-vis de l’environnement. Pour cela, il faut notamment faire des formules un peu plus courtes, et utiliser des ingrédients - des matières premières - toujours plus éco-responsables. Il a donc fallu se renseigner, chercher, et essayer de comprendre auprès des fournisseurs comment nous pouvions procéder, sachant que cela passe autant par la naturalité que par le process.

Cette année, nous sommes parvenus à lancer une collection à partir de matières premières upcyclées, et nous nous sommes rendu compte que certaines matières l’étaient en réalité déjà, comme l’écorce de clémentine, sans être prises en compte comme telles. Nous avons désormais une trentaine de matières premières upcyclées, synthétiques et naturelles, et cette collection répond en prime à un cahier des charges très restrictif d’un point de vue environnemental. Chacun des parfums devait être composé d’une de ces matières, afficher un indice de biodégradabilité supérieur à 80%, et intégrer un maximum d’ingrédients issus du commerce équitable.

Comment fonctionne l’upcycling en parfumerie ?

Bérengère Bourgarel - Chez TechnicoFlor, nous ne produisons pas de matières premières. Nous les achetons auprès de nos fournisseurs, que ce soit sous forme de poudre ou de liquide, puis nous créons nos compositions à partir de ce que nous avons sourcé. Tout le travail consiste justement à rechercher auprès de nos fournisseurs des matières premières qui sont upcyclées. Et elles peuvent provenir de différentes industries ; ce qui nous a permis de découvrir différentes facettes olfactives que nous ne connaissions pas. Il y a, par exemple, les copeaux de bois qui sont récupérés dans des ébénisteries, la lie de vin blanche issue du dépôt collecté dans des fûts, ou encore les cabosses de cacao qui, de façon assez surprenante, possèdent des molécules odorantes. À terme, on trouvera forcément d’autres matières premières à valoriser. Aujourd’hui, il y a une grosse problématique autour des déchets, et l’upcycling permet justement d’essayer de la régler.

Est-il difficile de combiner l’art de la parfumerie conventionnelle à des techniques, ou solutions, moins nocives pour l’environnement ?

Bérengère Bourgarel - Créer un parfum avec un cahier des charges restrictif représente forcément un challenge, mais c’est aussi ça qui est intéressant dans ce métier. Il faut creuser, pousser notre créativité, et trouver une nouvelle façon de travailler. Cela prend juste un peu plus de temps. Il va y avoir de plus en plus de contraintes, donc il faut simplement s’adapter, et faire preuve de créativité.

Les déchets sont aujourd’hui au cœur de toutes les attentions, devenant des matières premières de prédilection dans de nombreux secteurs. Est-ce réellement une solution pérenne ?

L’avenir nous le dira. On tend forcément vers ça, car grâce à la biotechnologie on peut quasiment obtenir tout ce que l’on veut. Étant donné que les ressources naturelles s’épuisent progressivement, le secteur de la parfumerie, comme d’autres industries, pourrait à l’avenir reposer sur les biotechnologies. Quoi qu’il en soit, il y a une véritable prise de conscience dans la parfumerie, et on voit que les choses évoluent très vite en matière d’éco-responsabilité. Ça ne peut aller que dans le bon sens.

Diriez-vous que vous mettez aujourd’hui des déchets en bouteille ?

Bérengère Bourgarel - Je ne sais pas si je peux aller jusque-là. Le mot ’déchet’ est tellement péjoratif… On a l’image de quelque chose qui n’est pas engageant, qui ne sent pas bon, à l’opposé de la parfumerie finalement. Mais ils sont sans doute l’avenir. On va manquer de place un jour sur Terre, et les déchets en prennent beaucoup, c’est problématique, donc l’upcycling fait forcément partie intégrante de l’avenir de la parfumerie.

Quelle sera la prochaine étape en parfumerie pour tendre vers un modèle encore plus responsable ?

Bérengère Bourgarel - Comme je l’ai dit tout à l’heure, la prochaine étape sera la biotechnologie. C’est le summum de l’éco-responsabilité.

La révolution verte de la parfumerie sera évoquée, parmi de nombreux autres sujets, lors de la prochaine édition du Fragrance Innovation Summit le 1er décembre 2022 à Paris. Pré-programme et inscriptions : www.fragranceinnovation.com