Le marché des cosmétiques a progressé de 17% en Afrique du Sud et de 8% au Nigéria. (Photo : © Matthias G. Ziegler - shutterstock.com)

Des marchés cosmétiques en plein boom

À Johannesburg comme à Lagos, les cosmétiques ont le vent en poupe et les produits français sont particulièrement prisés : en Afrique du Sud, la France s’imposerait comme le premier fournisseur Beauté avec des parts de marché parfois spectaculaires - notamment 46% de parts de marché observés sur le secteur Parfumerie… Soins de peau, produits capillaires, maquillages, les produits cosmétiques font culturellement partie de l’art de vivre à la nigériane ou à la sud-africaine, et leur origine France serait perçue comme un gage de qualité. « Les cosmétiques français ont une image d’innovation et de raffinement, qui répond assez bien au besoin d’affirmation des consommateurs par rapport à leur apparence et au souci de coller aux tendances  », explique Chidinma Sibeudu, responsable du secteur Art de vivre au bureau Business France du Nigéria.

De fait, avec 17% de croissance en Afrique du Sud [2] et 8% au Nigéria, le secteur des cosmétiques présente dans ces deux pays les meilleurs résultats du continent : respectivement premier et second d’Afrique sur ce secteur, le marché sud-africain atteignait 3,2 milliards de dollars US en 2017 tandis que le nigérian représenterait en valeur 1,3 milliards de dollars US en 2018. Une prouesse quand on connaît les contextes macroéconomiques de ces deux pays, en pleine phase de redémarrage post-crises.

Des hubs régionaux ouverts sur l’extérieur

Au-delà de leur consommation intérieure, ces pays présentent aussi l’avantage d’exercer un effet d’entraînement sur leurs voisins : « Même s’ils concentrent une population plus restreinte, le Botswana, la Namibie et la Zambie sont des marchés facilement atteignables quand on s’implante en Afrique du Sud car les distributeurs y sont bien souvent les mêmes », explique Maxime Bieliaeff, chargé de développement sur les cosmétiques en Afrique du Sud pour Business France.

Même constat au Nigéria où les accords douaniers de la CEDEAO permettent à ces produits de ne pas avoir à solliciter d’homologation supplémentaire pour les autres pays de la zone. « La seule contrainte réglementaire est l’enregistrement du produit pour cinq ans auprès de la NAFDAC, » explique Chidinma Sibeudu. « À part cela, c’est un marché très accessible… ». Une caractéristique commune avec l’Afrique du Sud où aucun enregistrement de produits n’est demandé… pour l’instant. Car si la création de la South African Product Health Regulatory Authority vise les produits pharmaceutiques et médicaux, elle pourrait bien à long terme s’appliquer aux produits cosmétiques. « Raison de plus pour pénétrer le marché maintenant », appuie Maxime Bieliaeff.

Bio, afro-centric et produits hommes

Certains pans de la cosmétique sont notamment particulièrement porteurs : en Afrique du Sud comme au Nigéria, les soins de la peau et les produits capillaires trustent ainsi les premières places : les premiers représentent pas moins de 30% de la consommation cosmétique au Nigéria (17% en Afrique du Sud), et les seconds 20% (14% en Afrique du Sud). Sur ces segments, des marques françaises établies comme Yves Rocher, Avène ou Bioderma tirent la croissance française, tandis que L’Oréal établit en Afrique du Sud la 3e part de marché du secteur. Mention spéciale aussi à la parfumerie qui, en Afrique du Sud, réalise pas moins de 20% de la totalité des ventes de produits cosmétiques dans le pays.

« Ce qui est intéressant, c’est de voir les nouvelles tendances qui attirent le consommateur sud-africain, notamment jeune. Les produits bio et organiques ont le vent en poupe, particulièrement dans des villes comme Cape Town », explique Maxime Bieliaeff. « Mais il y a aussi toutes les gammes de produits pour hommes (en augmentation de 59% entre 2013 et 2017) et les produits ethniques comme les soins pour peaux mates ou métisses [3] ». Des niches de marché en pleine expansion également au Nigéria, où « l’afro-centric » s’impose dans le marketing de la filière. « Cependant, aucune offre locale n’arrive vraiment à s’imposer sur le marché : 70% des produits cosmétiques vendus au Nigéria sont importés », confie Chidinma Sibeudu. En Afrique du Sud, la marque Black Like Me qui propose des soins pour la peau noire réalise ainsi 4% de parts de marché [4].

Priorité au marketing digital

Cette faiblesse dans la concurrence locale ne signifie pas que le secteur reste acquis aux produits français : « La compétition reste âpre avec les autres pays, segment de marché par segment de marché : avec le Moyen Orient pour la parfumerie, avec les pays asiatiques pour les soins de peau et avec les pays européens et nord-américains pour les soins capillaires », avertit Chidinma Sibeudu.

Dans ce contexte, une approche stratégique (prix, distribution, marketing) du marché demeure un préalable indispensable : « La communication est un gros pilier, poursuit Chidinma Sibeudu. Les nigérians sont très connectés (161 millions d’abonnés) et les avis d’influenceurs en ligne comme Dimmameh ou Rankeh Raji importent beaucoup. Il ne faut surtout pas négliger Instagram ou Facebook ! » De même, en Afrique du Sud, où le pouvoir de la marque est important pour coller aux standards occidentaux…

« En tant qu’exportateur, il faut pouvoir se démarquer, se différencier sur le marché et pour cela, il faut accepter d’investir sur du temps long », conseille Maxime Bieliaeff.

Drugstores

Pour Maxime Bieliaeff, le consommateur sud-africain doit se voir offrir des tarifs inférieurs aux standards occidentaux. « Pas forcément le cas au Nigéria », réplique Chidinma Sibeudu qui voit sur le marché nigérian une élasticité prix assez importante sur les produits premium. « Bien sûr, cela dépend du lieu d’export : l’approche ne sera pas la même si c’est une grande ville ou une ville secondaire ».

Dans les deux pays, l’emprise des grandes chaînes de magasins sur les circuits de distribution impose une grande attention aux critères de sélectivité : « Parfois cela passe par un importateur spécialisé, parfois les acteurs du retail s’adressent directement aux marques », observe Maxime Bieliaeff. Et si les department stores restent un référent traditionnel du secteur cosmétique, leur dynamisme est mis en cause par la percée des réseaux de parapharmacie qui s’imposent au Nigéria comme en Afrique du Sud. « Des chaînes comme Clicks ou Dis-Chem déploient rapidement leurs points de vente et rachètent des pharmacies indépendantes. S’ils peuvent parfois tirer les tarifs à la baisse, leur progression rapide et le développement de leur propre structure d’import doivent attirer l’attention des exportateurs », témoigne Maxime Bieliaeff.

Au Nigéria, outre cette percée des parapharmacies, la vente en ligne - via des sites spécialisés comme Beauty King, Natural Nigerians ou Girly Essentials - reste un incontournable. Enfin, les réseaux professionnels (instituts de beauté, spas, etc.) peuvent également servir de rampe de lancement, comme ce fut le cas pour les produits de la société Biologique Recherche, distribués dans un hôtel de luxe de Johannesburg.

« Il y a de la place pour de nouveaux entrants sur ces marchés, notamment sur les niches évoquées (bio, skincare, hommes) mais aussi sur les marchés de production à façon ou d’ingrédients », interpelle Maxime Bieliaeff. Pour cette raison, les bureaux Business France du Nigéria et d’Afrique du Sud organisent des rencontres d’affaires conjointes en novembre prochain, avec la présence d’une délégation d’entreprises françaises. Au programme : visites de points de vente, ateliers d’information marché, et mise en relation avec des donneurs d’ordre. (Inscriptions ici.)

« Nous avons identifié de nombreux points communs sur cette filière entre nos deux pays : associer nos efforts permettra ainsi aux sociétés d’optimiser leur prospection », conclut Maxime Bieliaeff.