Le Parlement européen a validé mercredi 10 avril — par 481 voix (79 contre, 26 abstentions) — l’accord conclu fin janvier entre les eurodéputés et les États membres sur une révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires. Le texte prévoit notamment de demander aux industries de la pharmacie et des cosmétiques de contribuer financièrement à la dépollution des eaux usées. Médicaments et cosmétiques sont en effet considérés comme les deux principales sources des micropolluants entrant en stations d’épuration.

Des normes durcies

Le texte, qui révise une réglementation de 1991, abaisse drastiquement (dès 1.000 habitants) le seuil à partir duquel les agglomérations seront obligées d’ici 2035 d’éliminer les matières organiques biodégradables dans les eaux usées avant rejet dans l’environnement.

Les stations des grosses agglomérations (traitant les eaux de plus de 150.000 habitants) devront par ailleurs garantir d’ici 2039 l’élimination de l’azote et du phosphore, puis d’ici 2045 d’un large spectre de micropolluants, avec des cibles intermédiaires pour les réduire d’ici là. Les stations plus petites (à partir de 10.000 habitants) seront également concernées après 2045, sous conditions. Par ailleurs, le texte renforce la surveillance de paramètres de santé publique (comme les virus connus et les agents pathogènes émergents), de polluants chimiques (notamment PFAS) et des microplastiques.

Le texte introduit également un objectif de neutralité énergétique d’ici 2045 : les stations d’épuration d’eaux usées urbaines devront augmenter progressivement leur part d’énergies renouvelables, à 20% d’ici fin 2030, 40% d’ici 2035, puis 70% d’ici 2040 (en moyenne au niveau national).

Les industriels de la pharmacie et des cosmétiques devront payer

Surtout, le texte voté établit un principe "pollueur-payeur" inédit en imposant à l’industrie pharmaceutique et des cosmétiques une "responsabilité élargie" : selon Bruxelles, 59% des micropolluants en stations d’épuration viennent des produits pharmaceutiques et 14% des cosmétiques.

Ces deux secteurs devront couvrir conjointement 80% des coûts supplémentaires de modernisation et traitement pour l’élimination des micropolluants. Pour les 20% restants, le texte mise sur un financement national, notamment afin d’éviter une répercussion financière trop forte sur les laboratoires et indirectement sur les prix des médicaments —de peur de compromettre leur disponibilité ou accessibilité aux plus vulnérables.

Coûts « sous-estimés » ?

« Nous avons veillé à ce que ces règles n’aient pas d’impact disproportionné sur le caractère abordable des médicaments », a souligné l’eurodéputé finlandais rapporteur du texte, Nils Torvalds (Renew, libéraux).

La Commission européenne avait initialement proposé de facturer 100% des coûts aux industriels, un taux abaissé sous la pression du Parlement et des secteurs ciblés.

« Ces frais dont l’ampleur est largement sous-estimée pénaliseront principalement les médicaments génériques abordables », pour lesquels les marges de rentabilité sont déjà faibles, s’était insurgé en janvier Adrian van den Hoven, patron de la fédération Medicines for Europe.

Au risque de réduire la production de médicaments déjà touchés par des pénuries, selon l’organisation, qui pointe aussi « lla complexité, voire l’impossibilité de remplacer certains médicaments existants par des alternatives plus écologiques ».

« Nous regrettons que seuls la pharmacie et les cosmétiques soient couverts (...) tous les émetteurs de micropolluants devraient être inclus », a renchéri mercredi la Fédération européenne des industries pharmaceutiques (EFPIA), jugeant que « l’impact négatif sur l’accessibilité des médicaments » n’avait « pas été pris en compte ».

À l’inverse, Aqua Publica Europea, association des opérateurs publics de l’eau, a récemment déploré « l’introduction d’un co-financement national qui générera des divergences au sein du marché intérieur », selon les marges budgétaires des gouvernements.

L’organisation européenne des acteurs privés, EurEau, s’inquiète aussi de la facture pour les pouvoirs publics au risque de renchérir le prix de l’eau pour les consommateurs.

Le projet doit encore être officiellement approuvé par les représentants des vingt-sept États membres de l’UE.