Premium Beauty News - Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés en prenant la direction de Cosfibel ?

Marie Sermadiras - Cosfibel existe depuis 20 ans, c’est une PME détenue par son fondateur, ce qui est notable dans cette industrie, donc ce nouveau chapitre devra se faire dans la continuité avec la préservation de l’héritage mais en amenant une forme de transformation. L’objectif est de moderniser la manière dont nous travaillons, tout en revalorisant cette filière du pack secondaire et du gift. En termes chiffrés, le groupe réalise 90 millions de chiffre d’affaires aujourd’hui et mon ambition est d’atteindre 300 millions d’ici trois à cinq ans.

Premium Beauty News - Comment vous y employez-vous ?

Marie Sermadiras - C’est une stratégie en trois grands axes et sur plusieurs années. Le premier étant de préserver nos forces historiques que sont la créativité, avec notre agence de design intégrée, la fiabilité qui nous caractérise, et la connaissance de nos clients. Le second est de poursuivre la diversification entamée depuis deux ans. Nous sommes connus pour servir le secteur du luxe en cosmétique, mais nous travaillons également pour les secteurs des vins et spiritueux, l’épicerie fine, le retail, et de plus en plus la mode, l’horlogerie et la joaillerie, etc. Diversification géographique également, en renforçant nos bureaux de Shanghai et de New York. Diversification aussi de notre présence industrielle, en renforçant nos propres capacités de production. Nous avons une usine historique à Barcelone, un atelier à Porto et, depuis peu, deux usines en Belgique que nous avons rachetées. L’idée est de continuer à acquérir de nouveaux sites principalement en Europe, avec de nouveaux savoir faire dans le métal, le bois et le carton. Aujourd’hui nos usines maitrisent principalement le carton et le RPET, nous avons envie de diversifier nos matériaux. Le troisième axe est l’innovation pour moderniser notre métier et revaloriser la filière.

Premium Beauty News - Comment s’oriente cette innovation ?

Marie Sermadiras - L’innovation est conditionnée à l’approche RSE. Nous sommes passés au niveau Platinium chez Ecovadis, une belle reconnaissance du travail fait pour changer notre manière de faire au niveau de l’éco-design, de la supply chain, pour être plus respectueux de l’environnement et des sujets éthiques et sociaux. Mais l’étape suivante est de trouver de nouveaux matériaux. Nous avançons beaucoup sur cette recherche en open innovation, avec des partenaires, des laboratoires, des centres de recherches, nos fournisseurs et aussi avec nos clients, pour inventer de nouveaux matériaux ou utiliser des matériaux qui ne sont pas utilisés dans notre métier et les adapter à nos contraintes. L’idée est de trouver un maximum de solutions pour aider nos clients à changer leur manière de faire et ainsi combiner RSE et luxe. Par exemple, un RPET plus sophistiqué qui donne l’impression d’un faux cuir ou d’un velours, des cuirs recyclés, des textiles à partir de pulpe de papier, de textiles recyclés, des filières lin plus intéressantes que le coton … le travail de la matière est un vrai sujet. Idem pour les systèmes de fermetures. Comme pour les matières ou les procédés techniques, nous avons déposé beaucoup de brevets pour avoir des systèmes de fermeture 100% mono matériaux, sans aimants mais avec des systèmes par friction ou sans fermeture éclair. Cela change complètement la recyclabilité de nos packs.

Premium Beauty News - Est ce que le pack & gift est compatible avec une démarche RSE ?

Marie Sermadiras - Il fait partie de l’expérience consommateur. Les marques premium ou de luxe ont besoin de ces outils pour convaincre, cela reste un des leviers d’achat les plus importants. En revanche il faut vraiment changer la manière dont on le fait, penser de manière plus vertueuse, réduire les quantités, faire de l’écoconception, travailler sur la supply chain et la logistique, le poids. L’ode à la légèreté est en train de devenir un des codes du luxe. Cela nous invite à repenser la manière dont on conçoit le pack & gift, travailler la matière pour qu’elle soit légère. C’est un des changements forts.

Premium Beauty News - Comment vous démarquez vous par rapport à vos concurrents ?

Marie Sermadiras - Par cette innovation, ces nouveaux matériaux et systèmes qui vont permettre de changer la manière de faire. L’autre point qui nous caractérise est la volonté de remonter davantage en amont avec les équipes marketing de nos clients. Je viens de cet univers et suis familière des attentes marketing et des consommateurs. Nous nous positionnons comme un partenaire créatif pour créer des expériences, comme le spécialiste de l’unboxing.

Le but est d’accompagner nos clients sur la création de cette expérience pour augmenter la valeur perçue. Le tout avec un œil international puisque nous avons la chance d’avoir une vingtaine de bureaux à travers le monde. Cela permet de s’adapter aux codes marketing de chaque pays. De s’inspirer aussi des marchés qui ont souvent un cran d’avance, comme les États-Unis ou l’Asie.

Premium Beauty News - Vous avez vos propres usines en Espagne et en Belgique mais sous-traitez également une partie des produits en Chine, avez-vous mis en place une stratégie de relocalisation comme beaucoup d’acteurs du marché ?

Marie Sermadiras - Je précise que nous sous-traitons la fabrication mais concevons tous les produits sur-mesure pour nos clients avec nos bureaux de design. Nous avons également nos équipes sur place dans les usines partenaires. Par rapport au contexte, je prends le contrepied de cette relocalisation massive et préfère parler d’équilibre. Il faut savoir que le time to market en Europe est plus long, paradoxalement, qu’avec l’Asie. Si je briefe la Chine sur un projet, j’aurai mon produit plus tôt que si je le fais en Europe, même en transport maritime. Aujourd’hui en Europe nous n’avons pas les capacités pour faire ce que fait l’Asie, surtout depuis que tout le monde a rapatrié une partie de sa production. Par ailleurs, les prix des matières premières et de l’énergie ont augmenté beaucoup plus qu’en Chine. Donc la relocalisation oui, mais il faut trouver un équilibre pour diversifier le sourcing. Cela permet aussi d’assurer la sécurité des approvisionnements, ce qui est le gros sujet pour nos clients, le plus grand risque aussi.