Le marché mondial des nanotechnologies est estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars annuels. Les biens et services produits par cette dynamique pourraient même représenter jusqu’à 1000 milliards de dollars chaque année en 2015.

Le packaging aussi

Du côté contenu, on le sait, un certain nombre de produits de beauté contiennent des nano-ingrédients. Le secteur du packaging est, lui-aussi, directement concerné, pour tous les types de matériaux : bois, verre, plastique, aluminium...

Plusieurs transformateurs de la filière travaillent sur le sujet. Plusieurs réalisations sont déjà testées et l’année 2011 devrait être prépondérante dans ce domaine. Les responsables de Rexam avouent travailler dans plusieurs directions, ceux d’Alcan aussi, et Seidel est déjà bien avancé.

De quoi s’agit-il ?

Le terme de nanotechnologie désigne couramment la manipulation des atomes, des molécules et des structures supra-moléculaires dans le but de créer des structures complexes aux propriétés inédites.

Un nanomètre (nm) correspond à un millionième de millimètre ou à un milliardième de mètre [1]. On parle de nanotechnologies lorsqu’il est question de structures (par exemple un atome ou un agrégat d’atomes) qui sont sur un de leurs côtés plus courts que 100 nanomètres et qui présentent des propriétés physico-chimiques exploitables sur lesquelles on ne peut pas influer lorsqu’on travaille à une échelle supérieure. Au moyen de nanotechnologies, les ingénieurs fabriquent des structures à l’échelle du nanomètre et influent sur ces dernières afin d’obtenir certaines réactions. De nombreux matériaux modifient leur comportement lorsqu’on les observe à l’échelle nanométrique. Les nanoparticules ont en règle générale une importante surface spécifique, à l’intérieur desquelles chaque atome est très réactif. Ces particules peuvent composer des couches dures, résistantes aux éraflures, rendre des métaux "transparents" ou s’avérer très résistant à des basses températures et très "plastiques" à des hautes températures. Les surfaces nanomodifiées peuvent s’avérer imperméables à l’eau comme à la poussière et d’autres matériaux en grande quantité et avec l’énergie nécessaire peuvent même devenir "explosif", même du "simple" aluminium !

La nanotechnologie c’est donc la pénétration dans le monde de l’infiniment petit.

Environ 35 pays se sont lancés dans la course à l’innovation "nano" [2]. Publique ou privée, la recherche sur les nanosciences et les nanotechnologies représente un budget annuel international de 9 milliards de dollars.

Matériaux : quels résultats concrets ?

Martin Koepenick (Innova International) a récemment souligné que le papier, un matériau composite flexible, polyvalent et multiforme, s’avère le terrain idéal d’application pour les avancées en matière de nanotechnologies mais que, curieusement, l’industrie papetière, mène peu de discussion quant à la façon dont le papier et le carton pourraient s’insérer dans l’équation de la nanotechnologie.

Pourtant les atouts de la nanotechnologie sur ce matériau seraient nombreux :
 des papiers couchés plus minces, plus lisses, plus résistants, à base d’eau et "non toxiques" ;
 des surfaces de feuille plus lisses permettant une meilleure imprimabilité et recouvertes parfois d’encre nano ;
 une blancheur et une brillance bien en accord avec la feuille et sa surface ;
 des feuilles riches en minéraux, avec de meilleures performances et utilisant moins de fibres ;
 des papiers et cartons plus légers et plus résistants ;
 des papiers " intelligents" (RFID) ;
 des produits qui utilisent moins de matières premières, biodégradables et/ou plus faciles à recycler ;
 des systèmes d’épuration en boucle avec les systèmes de nano-filtration.

Mais les ingénieurs et chimistes de l’industrie papetière travaillent déjà aux frontières de la nanotechnologie. Ainsi les modifications sur le plan de la structure poreuse sont devenues possibles à l’échelle nano et elles peuvent conduire à des changements importants en matière d’optique et d’imprimabilité. Quant aux pigments conçus à l’échelle nano, ils contribueront un jour à améliorer la résistance du papier.

Dans le domaine des traitements de surface des métaux légers comme l’aluminium, les nanotechnologies ont d’ores et déjà démontré leur supériorité. Ainsi le chromage des surfaces de métaux légers avec des substances contenant du chrome, notoirement toxique, est relégué aux oubliettes par la technique "sol-gel" issue des nanotechnologies. En effet, les nanoparticules de métal et d’oxyde métallique se gélifient pendant la période de séchage de la solution (la laque dans sa forme liquide). Le matériau est chauffé à une température d’environ 160 °, ce qui vaporise le solvant de la couche de laque et lie les particules en un réseau stable de polymères, c’est-à-dire une liaison chimique d’unités identiques ou semblables.

Toujours au chapitre métal, Claire Garnier, dans son article "Les Alchimistes de la nanotechnologie" (www.lentreprise.com) signale que la société Quertech Ingénierie, fondée en 2005 par Denis Busardo et Frédéric Guernalec, a littéralement "décollé" avec sa technologie de « l’aluminium plus dur que l’acier » protégée par un brevet international.

Autre exemple de l’impact de la nanotechnologie, cette fois au service du verre, la mise au point d’un enduit protecteur hydrophobe, proposé notamment par Prelco, un producteur canadien de verre de sécurité.

On sait que l’eau adhère au verre sous l’effet d’une force moléculaire appelée « tension de surface ». A l’aide d’un enduit protecteur brêveté appelé « nano-fusion », les molécules d’eau n’interagissent plus directement sur le verre. Ainsi les gouttelettes d’eau perlent et ruissellent car elles sont repoussées par les propriétés physiques de l’enduit. Principaux avantages du système : repousse l’eau et l’huile, résistance accrue aux impacts et aux éraflures, protection contre la saleté et les tâches, protection contre les marques laissées par les doigts, antimicrobien, procure 20 % de plus de brillance au verre, rend la surface du verre 30 % plus lisse.

Dans le domaine des plastiques, l’un des derniers exemples en date est la fabrication d’un film hydrophile par nano-impression. Des chercheurs créent un moule à structure nanométrique dont ils se servent pour imprimer à la surface d’un film plastique normalement hydrophobe une structure nanométrique qui le rend hydrophile. Aucune goutte d’eau ne se forme à la surface du film si celui-ci est aspergé.

La technique de moulage permet également de créer des motifs à la surface des matériaux qui peuvent ainsi comporter des parties hydrophiles et des parties hydrophobes.

L’arrivée du nano-packaging

Plusieurs industriels du packaging sont prêts à lancer des produits dans ce cadre dès 2011. Ces « nano-packagings » se contenteront-ils d’incorporer un produit (matière, composant, etc.) élaboré par un procédé de nanotechnologie, ou bien, seront-ils eux-mêmes entièrement transformés à l’aide d’un procédé relevant de la nanotechnologie ?

Le terme nanotechnologie est effectivement un domaine si vaste qu’on encourre le risque de le voir se transformer en "fourre-tout".

Derrière cette question se pose celle de savoir ce que peut prétendre apporter un acteur de l’emballage aux deux communautés principales visées, ses clients et les consommateurs (indirectement ou directement) ?

Concernant les matériaux, dans le cas du verre, du plastique ou du métal, on peut effectivement constater des procédés assimilables à un simple traitement de surface ou équivalent à une "décoration", avec des fonctionnalités supplémentaires limitée au simple effet design, tel l’exemple "hydrophobie / hydrophilie".

On peut s’interroger néanmoins sur la pertinence de mentionner le rapprochement du procédé aux nanotechnologies : il se peut en effet que celles-ci se transforment en procédé de production de masse dans lequel le simple intérêt à long terme serait de produire à faible coût - ce qui pourrait amener à renforcer la concurrence entre acteurs et à les concentrer - ce qui n’est pas le but premier de procédés innovants - faisant basculer la science-fiction dans la banalité.

Au final la question est peut être la suivante : « nanotechnologie : nouvelle technologie de pointe ou future production de masse ? »

N. Thorne, d’Alcan Packaging Beauty, indique que sa société «  a suivi le progrès des nano technologies depuis des années, car leur incorporation dans des polymères, vernis ou même des colles est susceptible d’améliorer les caractéristiques essentielles telles que la dureté, la barrière … En réalité notre suivi n’a pas été passif, mais très actif, avec la participation par exemple dans le projet européen « NanoHybrid » à coté des noms comme Fiat, le CEA en France, Pirelli et bien d’autres. L’objectif était l’obtention de polyoléfines plus résistants à la rayure ou possédant des propriétés barrière améliorées. D’autres travaux ont pu poursuivre l’effort depuis. Après des années de recherche, la grande révolution, initialement espérée, reste toujours à venir, mais des applications sont désormais envisageables et nous travaillons aujourd’hui sur le transfert de nos acquis vers des applications concrètes ».

Pour Yannick Brunat, Pfeiffer, « d’un point de vue formulation, le sujet est plus que d’actualité et sous deux formes opposées. D’abord ceux qui utilisent des procédés usant des nanotechnologies, ou des ingrédients issus des nanotechnologies, et qui patientent jusqu’à 2013 pour se mettre soit en conformité avec la réglementation européenne [3], soit pour l’interpréter, ensuite ceux qui font de même et qui communiquent dès aujourd’hui sur le mode nano ».

Pour Andreas Ritzenhoff, Pdg de Seidel, «  il est clair que cette nouvelle technologie est l’un des enjeux majeurs pour Seidel pour les toutes prochaines années. Nous travaillons très étroitement dans ce domaine avec des universités spécialisées. Cela ne concerne pas seulement l’aluminium mais également d’autres matériaux. Les applications sont extrêmement vastes et ne concernent évidemment pas que le traitement de surface mais aussi, par exemple, les enjeux environnementaux ». La firme n’exclut pas de mettre sur le marché "quelque chose" dans les douze à vingt quatre mois qui viennent.