Incertitude scientifique

Plusieurs études suggèrent que certains produits contenant des nanomatériaux peuvent présenter des risques pour la santé et pour l’environnement. C’est en tout cas la conclusion de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset), qui vient de publier les résultats d’une expertise collective sur l’évaluation des risques liés aux nanomatériaux pour la population générale et pour l’environnement.

L’Afsset a identifié plusieurs centaines de produits de consommation courante contenant des nanomatériaux (cosmétiques, textiles, produits alimentaires, équipements sportifs, matériaux de construction), pour lesquels elle constate « un contexte d’incertitude scientifique ».

L’agence souligne que l’exposition des consommateurs aux nanomatériaux manufacturés, ainsi que la dispersion environnementale consécutive à leur consommation, se révèlent «  extrêmement complexes à évaluer, aussi bien qualitativement que quantitativement, » notamment du fait de la faible traçabilité des nanomatériaux dans les produits destinés à la consommation. Quant aux études concernant les risques pour la santé et l’environnement, elles ne représentent que 2% des études publiées sur les nanomatériaux, et elles sont souvent affectées de nombreux biais (caractérisation des nanomatériaux absente ou incomplète, études conduites sur des molécules de synthèses non issues des produits finis, études sur des doses bien supérieures à celles de l’exposition réelle, etc.).

Crèmes solaires

Pour tenter de mieux évaluer l’ampleur des risques, l’Afsset a retenu et analysé quatre types de produits intégrant des nanoparticules : chaussettes antibactériennes (nanoparticules d’argent), ciment autonettoyant, crèmes solaires (nanoparticules de dioxyde de titane), et sucre en poudre (nanosilice alimentaire). Ces produits sont largement utilisés et représentatifs des différentes voies d’exposition directe (cutanée, par inhalation ou par ingestion), mais l’Afsset précise que, dans ce domaine, « l’étude d’un cas concret ne permet en aucun cas de généraliser les conclusions ou d’extrapoler à un autre produit de la même catégorie ».

Concernant les crèmes solaires, l’agence constate que si, jusqu’à très récemment, les différentes études ne montraient pas de passage des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) de la barrière cutanée, «  les résultats de certaines études récentes montrent, à l’inverse,l’existence d’un passage cutané et la possibilité pour ces nanoparticules de TiO2 de se retrouver dans la couche profonde de l’épiderme ».

dioxyde de titane (TiO2) de taille nanométrique

L’Afsset considère que le risque pour la santé humaine ne peut donc être exclu pour les écrans solaires contenant du TiO2, « étant donné les incertitudes sur le potentiel de pénétration cutanée et sur l’activité phototoxique. » Quant à l’écotoxicité, aucune donnée solide n’est vraiment disponible.

Vers l’interdiction ?

Face à cette situation d’incertitude, au nom du principe de précaution, l’Afsset recommande d’agir sans attendre.

L’agence recommande ainsi :

 de rendre obligatoire la traçabilité des nanomatériaux, ce qui passe par une obligation de déclaration par les industriels,
 la mise en place d’un étiquetage clair qui mentionne la présence de nanomatériaux dans les produits et informe sur la possibilité de relargage à l’usage,
 d’aller jusqu’à l’interdiction de certains usages des nanomatériaux pour lesquels l’utilité est faible par rapport aux dangers potentiels, lors d’une conférence de presse, Martin Guespereau, directeur de l’Afsset s’est ainsi prononcé pour l’interdiction des chaussettes antibactériennes, compte tenu des risques potentiels et de leur faible utilité sociale,
 l’harmonisation des réglementations françaises et européennes pour généraliser les meilleures pratiques, avec en particulier, une révision de REACH pour prendre en compte les nanomatériaux manufacturés de manière spécifique et quel que soit leur tonnage.

De ce point de vue, la réglementation concernant les cosmétiques anticipe sur plusieurs points. Le nouveau Règlement CE 1223/2009 du 30 novembre 2009 prévoit ainsi la notification et l’évaluation de la sécurité des produits cosmétiques contenant des nanomatériaux (applicable dès le 1er janvier 2013) et l’indication des nanomatériaux dans la liste des ingrédients.

Par ailleurs, compte tenu de l’urgence à faire progresser les connaissances sur les expositions et les dangers potentiels des nanomatériaux , l’Afsset fait également des recommandations pour construire une méthode renouvelée d’évaluation des risques sanitaires qui soit adaptée aux spécificités des nanomatériaux.