Dans un rapport préliminaire publié le 19 novembre [1], trois comités scientifiques européens [2] analysent la validité de la méthode dite des Paliers de Préoccupation Toxicologique (Threshold of Toxicological Concern - TTC) pour l’évaluation des risques des substances chimiques pour la santé humaine. Basé sur le concept de « doses sûres d’exposition », l’approche TTC s’efforce d’établir des paliers d’exposition au dessous desquels la probabilité d’un risque appréciable pour la santé humaine est très faible.

Applicabilité aux cosmétiques

La Commission européenne a demandé aux trois comités scientifiques de revoir l’ensemble de la littérature ainsi qu’une étude du Colipa [3] selon laquelle le concept de TTC, bien qu’étant un outil complémentaire intéressant en l’absence de données toxicologiques spécifiques à chaque ingrédient, ce concept ne permet pas de disposer d’une évaluation complète des ingrédients et des impuretés, en particulier au niveau des effets locaux au point d’application.

Dans leurs conclusions, les trois organes scientifiques déclarent que : « Le principe de l’approche TTC en lui-même est scientifiquement acceptable. Toutefois, l’utilisation de cette méthode pour l’évaluation de l’innocuité d’une substance chimique dépend de la qualité, de la quantité et de la pertinence des données de toxicité sous-jacentes disponibles, ainsi que d’une estimation fiable de l’exposition à la substance en cause dans le champ d’application donné. »

Connaissances insuffisantes

Or, jusqu’à présent, nous ne disposons que d’une information et d’une connaissance limitées des niveaux d’exposition concernant une vaste palette de produits de consommation, tels que les cosmétiques, où « des scénarios d’expositions complexes » et « de multiples voies d’exposition » doivent être prises en compte.

Ce rapport préliminaire tombe peu avant la date limite du 30 décembre pour le pré-enregistrement des substances qui seront soumises au programme d’évaluation d’innocuité et d’enregistrement mis en œuvre dans le cadre de REACH, la réglementation européenne des produits chimiques. Les conclusions du rapport sont ouvertes pour commentaires jusqu’au 2 janvier 2009.

Préoccupations françaises

Parallèlement, à l’occasion d’une conférence scientifique sur les liens entre fertilité humaine, développement des enfants et exposition aux produits chimiques, organisée à Paris le 25 novembre, la Ministre française de la santé, Mme Roselyne Bachelot, et sa collègue du Ministère de l’écologie, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ont annoncé qu’elles demanderaient à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) d’évaluer les risques posés par les cosmétiques,durant la grossesse et pour les jeunes enfants.

Mme Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé

Deux mois plus tôt, à la suite de polémiques concernant la distribution de cosmétiques dans les maternités, l’AFSSAPS avait déjà annoncé son intention de renforcer les contrôles sur les cosmétiques destinés aux enfants de moins de trois ans. Dans le même temps, elle avait annoncé la création d’un groupe de travail ad hoc pour évaluer les méthodes d’évaluation spécifiques à ces produits développées par les fabricants de produits de soin pour les bébés.

Femmes enceintes

La Ministre de la santé a également annoncé son intention de lancer une campagne d’information des femmes enceintes a sujet des risques potentiels liés à l’exposition à certaines substances chimiques contenues dans différents de produits, tels que les peintures, les pesticides (pas spécifiquement les cosmétiques !) et qu’elle étudierait la possibilité d’un logo permettant d’identifier les produits contenant des substances toxiques pour la reproduction.

Toutefois, un tel étiquetage devrait être négocié au niveau européen où les règles gouvernant les produits cosmétiques sont d’ailleurs en cours de révision. « [Nous ne pensons pas] que ce soit une question qui soit adaptée au traitement unilatéral de la part d’un pays ou un autre pris individuellement et nous espérons que les Français soulèveront ce point lors des négociations sur la révision de la directive cosmétiques, de façon à ce que des discussions puissent avoir lieu entre les spécialistes de ces produits, » a ainsi déclaré un porte-parole du Ministère britannique des Affaires, des entreprises et de la réforme réglementaire (BERR) à The Independent la semaine dernière.

Les autorités françaises ont par ailleurs annoncé une nouvelle évaluation des substances carcinogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) classées dans la troisième catégorie de ce groupe. Les CMR sont en effet classés selon leur niveau connu de toxicité : les CMR1 sont les substances dont on sait de façon certaine qu’elles sont toxiques, les CMR2 sont les substances considérées comme probablement toxiques, et les CMR3 sont suspectées d’être toxiques mais nécessitent des études complémentaires.

Information trompeuse

Alors que les CMR1 et les CMR2 sont interdits d’utilisation dans les cosmétiques, l’emploi de CMR3 reste possible. Toutefois, la Fédération française des entreprises de la beauté (FEBEA) a démenti toute utilisation de pertubateur endocrinien [4] dans les produits cosmétiques et a dénoncé comme trompeuses toutes les informations pouvant laisser penser le contraire.

La FEBEA précise également que l’industrie des cosmétiques n’utilise pas de bisphenol A et qu’un seul phtalate (le diethylphtalate ou DEP) est susceptible d’entrer dans la composition de leurs produits. Selon le SCCP [5], le DEP n’est pas un pertubateur endocrinien. De la même manière, les parabènes qui sont autorisés dans les cosmétiques (methyl-, ethyl-, propyl-, iso propyl-, butyl-, and iso butyl-parabènes) sont considérés comme sans danger pour l’utilisateur par le SCCP.

« Il est important d’insister sur le fait que les ingrédients utilisés dans un produit cosmétique, qu’ils soient naturels ou produits par l’homme, doivent être sûrs, » ajoute de son côté la CTPA, l’association britannique regroupant les entreprises du secteur. Mais justement, quel serait la signification d’un logo alertant les femmes enceintes d’un danger potentiel alors que les législations françaises et européennes insistent précisément sur le fait que les cosmétiques doivent être sans danger ? Soit ces législations sont inefficaces et doivent être modifiées, soit cette histoire de logo est juste un non-sens, histoire de jouer à se faire peur.