Dr. Henry W. Lim

Dans un article de commentaire publié dans le Journal of the American Academy of Dermatology (JAAD), les dermatologues Henry Lim, Steven Wang et Stephen Dusza [1] expliquent qu’il n’y a aucune preuve que le retinyl palmitate (palmitate de vitamine A) [2] contenu dans les écrans solaires puisse être une cause de cancer.

Réponse aux mises en garde médiatiques

« Plus tôt cette année, l’Environmental Working Group (EWG) [3] a émis une alerte sanitaire indiquant que les écrans solaires contenant du retinyl palmitate pourraient présenter un risque de cancer, » a expliqué le Dr Henry W. Lim, dermatologue, membre de l’American Academy of Dermatology, président du Département de dermatologie à l’hôpital Henry Ford de Détroit. «  Cette mise en garde a obtenu beaucoup d’écho médiatique et a causé une grande confusion dans le public. Notre rapport devrait aider à dissiper les discours désinformants sur les dangers des écrans solaires, d’autant que les écrans solaires sont d’une importance vitale pour réduire vos risques de cancer de la peau, au lieu d’en être la cause. »

Les auteurs du commentaire expliquent que, bien que le retinyl palmitate été désigné pour faire l’objet de vérifications de la part du National Toxicology Program (NTP), le simple fait d’être contrôlé ne signifie pas, pour les produits concernés, qu’ils sont dangereux ou à risques. Selon eux, si le retinyl palmitate a été retenu, c’est surtout en raison la fréquence de son utilisation dans les cosmétiques et les produits de protection solaire. De nombreuses substances d’usage courant, telles que l’aloe vera, dioxyde de titane nanométrique, et l’oxyde de zinc sont ainsi en cours d’étude par le NTP.

Aucune « preuve concluante »

Les préoccupations de l’Environmental Working Group sont principalement basées sur une série de huit études in vitro réalisées depuis 2002 et montrant que le retinyl palmitate peut produire des radicaux libres, susceptibles de perturber le fonctionnement des cellules. Selon le Dr Steven Q. Wang, co-auteur de l’article, ces études en éprouvette sont trop éloignées des conditions réelles d’utilisation pour être biologiquement pertinentes. « Par exemple, quand un écran solaire avec du retinyl palmitate est appliquée sur la peau, un certain nombre d’antioxydants vont travailler ensemble pour atténuer le risque de formation de radicaux libres que l’on constate dans ces expériences in vitro, » explique-t-il.

Le Dr Wang et son équipe ont également écarté les résultats d’une étude à grande échelle sur l’animal réalisée par le NTP et au cours de laquelle des souris glabres et albinos ont développé des tumeurs plus tôt lorsqu’elles étaient recouvertes de retinyl palmitate plutôt que d’une crème placebo. Ils ont notamment fait valoir que « à ce stade, les conclusions de cette étude n’ont pas été publiées dans une revue à comité de lecture, » et que « les souris utilisées pour l’étude du NTP sont très sensibles aux effets des rayonnements UV et peuvent développer des cancers de la peau ou d’autres anomalies de la peau dans les semaines suivant l’exposition aux UV, même en l’absence de retinyl palmitate. »

Bien qu’il n’existe aucune étude publiée réalisée sur l’homme concernant le potentiel carcinogène du retinyl palmitate ou d’autres rétinoïdes, l’article conclut que les observations réalisées au cours de plusieurs décennies de pratique clinique n’apportent aucun appui à la thèse selon laquelme le retinyl palmitate contenu dans les écrans solaires causerait ou favoriserait les cancers de la peau.

« Au contraire, des années de recherches suggèrent que les rétinoïdes permettent de réduire votre risque de cancer de la peau », soutient le Dr Wang. « Les gens doivent continuer à utiliser les écrans solaires avec vigilance, en plus d’autres précautions destinées à réduire le risque de cancer de la peau et vieillissement prématuré - telles que limiter leur exposition au soleil, rester à l’ombre, et porter des vêtements de protection solaire, des chapeaux et des lunettes de soleil. »

L’EWG réfute les critiques

L’Environmental Working Group a vivement critiqué les conclusions de l’article. L’ONG a déclaré qu’elle avait identifié «  de nombreuses erreurs et des arguments trompeurs » dans le commentaire publié dans le JAAD, « ainsi que des connivences avec l’industrie non divulguées par deux des trois auteurs. »

« Leur analyse fragmentaire d’une étude publique exonère un ingrédient utilisé par des entreprises pour lesquelles ils ont réalisé un travail rémunéré en tant que consultants », a déclaré Jane Houlihan, Senior vice president for research d’EWG.