« Interfaces. » Le fil conducteur du 10e Symposium scientifique organisé par LVMH Recherche Parfums & Cosmétiques laissait la porte ouvre à une multitude d’approches, qu’elles soient anthropologiques, biologiques, chimiques, ou même historiques. C’est finalement la perception d’une cosmétologie comme une science plurielle qui a émergé.

de gauche à droite et de haut en bas : Frédéric Bonté, Pr. Nina Jablonski, Pr. Desmond Tobin, Dr. Emmanuelle Noblesse, Dr. J.W. Wiechers, Pr. Sylvie Hénon, Dr. Germaine Gazano, Pr. Marc Giget, Eric Perrier

En effet, la notion d’interface peut s’appliquer à de nombreux domaines, à commencer, bien sûr, par la peau elle-même. «  La peau, destination finale des produits cosmétiques, est aussi notre interface avec le monde extérieur : une interface de couleur, une interface visible protectrice et support de notre relation aux autres. Interfaces biologiques mais aussi physicochimiques, psychologiques, interfaces d’interactions avec la lumière, où diverses sources de stress deviennent le quotidien de la peau, » explique Frédéric Bonté, Responsable de la communication scientifique de LVMH Recherche.

La peau comme interface de communication

Le Professeur Nina G. Jablonski, Directrice du Département d’Anthropologie de la Pennsylvania State University, a montré le caractère unique de la peau humaine, avec ses poils sans de fonction propre importante, sa forte densité de glandes sudorales et sa gamme étendue de couleurs naturelles et sa capacité à être délibérément décorée à des fins sociales. « Les humains sont des animaux très visuels, et il est probable que nous ayons décoré notre peau nue tout au long de l’histoire de notre espèce. La reconstruction des détails de cette histoire est difficile, mais les découvertes archéologiques indiquent que les hommes décorent leur peau avec des pigments d’origine minérale depuis au moins 80000 ans. »

La peau apparaît ainsi comme un instrument de communication sociale, y compris dans la couleur que l’on cherche à lui donner par le biais du bronzage ou, au contraire, d’agents éclaircissants.

La peau comme interface de protection et de réception

De son côté, Desmond Tobin, Professeur de biologie cellulaire et Directeur du Centre des sciences de la peau (CSS) de l’Université de Bradford, présente la peau humaine comme «  stratégiquement localisée à l’interface entre le milieu interne et le milieu externe nocif. », Elle «  joue un rôle substantiel en captant tous les types de lumière et en y réagissant, » précise-t-il. D’une manière générale, les êtres humains cherchent et fuient la lumière du soleil : ils en ont besoin, mais elle peut être dangereuse. Sur ce dernier point, ce sont les effets des rayonnements ultraviolets sont les plus étudiés, mais selon le Pr. Tobin, les autres types de lumière méritent d’être plus attentivement étudiés.

Par exemple, la lumière infrarouge représente 33% de la lumière du soleil qui agit sur la peau humaine et son incidence sur le vieillissement cutané a été récemment mis en évidence. L’effet sur la peau de la lumière visible intéresse aussi la recherche. À ce niveau, les découvertes récentes sont surprenantes, des protéines photosensibles, la rhodopsine et l’opsine, que l’on pensait être l’apanage des cellules visuelles, ont été détectées dans l’épiderme humain.

Pour Desmond Tobin, la peau apparaît comme un gigantesque organe photoprotecteur tout autant que photorécepteur, sensible à toutes sortes de lumières qui peuvent avoir des effets sanitaires, positifs ou négatifs, non négligeables.

Si la compréhension de la structure de la peau et de sa biologie a énormément progressé ces dernières années, c’est notamment grâce à l’évolution des techniques de microscopie. Emmanuelle Noblesse, Responsable de la Plateforme Imagerie du Vivant, du Département Biologie et Objectivation Cutanée, de LVMH Recherche, a montré le rôle de l’imagerie dans la mise en évidence des différents mécanismes biologiques à l’œuvre dans les tissus cutanés.

Produits cosmétiques, produits d’interfaces

Au-delà du rôle de la peau, LVMH Recherche a voulu montrer que la notion d’interfaces s’appliquait aussi aux produits cosmétiques, qu’il s’agisse de produits de soin, de maquillage ou de produits parfumants, en tant que systèmes moléculaires complexes, mais aussi en tant que produits de consommation qui doivent faire sens dans l’esprit des consommateurs.

Le Dr. Johann W. Wiechers a ainsi exposé une méthode permettant de caractériser les structures d’émulsion, pour une meilleure compréhension du comportement des agents tensio-actifs aux interfaces entre phases aqueuses et huileuses. Cette théorie a été récemment transformée en un programme informatique qui peut être employé par les formulateurs, avec pour objectif de mieux prévoir le comportement d’un système tensio-actif et ainsi réduire le nombre de manipulations nécessaires à l’obtention de l’émulsion souhaitée.

Sylvie Hénon, Professeur de Physique à l’Université Paris Diderot (Paris 7), a ensuite expliqué que les produits utilisés en cosmétologie sont majoritairement des milieux divisés (dispersions, émulsions, mousses sont constituées de particules solides, de gouttelettes liquides ou de bulles de gaz dispersées dans un liquide) dont les propriétés sont largement dictées par les grandes quantités d’interfaces qui existent entre la phase dispersée et la phase dispersante. Créer ces interfaces coûte de l’énergie, ce coût est la tension interfaciale. Les agents tensio-actifs diminuent cette tension et font partie des différentes stratégies qui permettent de stabiliser les dispersions et émulsions.

Enfin, dans un tout autre registre, Germaine Gazano, Directrice Marketing et Consumer Intelligence de LVMH Recherche, s’est employée à décrire les différentes méthodes utilisées pour décortiquer les perceptions des consommateurs vis-à-vis des produits qui leurs sont proposés ; des méthodes basées sur l’analyse de leurs réactions verbales, autrement dit, l’interface sémantique.

L’évolution remarquable de l’efficacité, de la présentation et des modes d’application des produits cosmétiques est basée sur un ensemble d’avancées faisant appel à un large spectre de connaissances scientifiques. LVMH Recherche en a donné un étonnant aperçu lors de cette journée.