La mondialisation de l’économie et le développement d’une énorme sphère financière autonome peuvent être considérés comme les principales caractéristiques de la dernière décennie. Néanmoins, du point de vue de l’industrie des cosmétiques, la décennie a aussi été marquée par le développement d’une forte demande pour de produits éthiques et écologiques. Une demande d’abord centrée sur l’Europe, avec la France et l’Allemagne comme principaux marchés de la cosmétique équitable, naturelle ou bio. Mais, avant la crise financière, l’Amérique du Nord refaisait très rapidement son retard.

Selon la société d’études de marchés Kline & Company, la croissance du segment des produits naturels en 2007 aux États-Unis surpassait très largement celle du marché général, avec un taux de croissance de 13% pour le naturel, en fort contraste avec les 3% du marché général.

Le marché éthique va continuer à croître

Cette tendance va-t-elle se poursuivre ? Les informations en provenance des détaillants ouest-européens et états-uniens laissent penser que leurs chiffres d’affaires se détériorent rapidement. Au moment où les consommateurs risque de faire face à une compression de leurs revenus, certains analystes suggèrent qu’une part conséquente de la demande va se déplacer vers les produits à bas prix et vers les discounters, avec des consommateurs abandonnant leurs valeurs pour les prix bas.

« Nous pouvons déjà voir les changements d’attitude qui affectent les habitudes d’achat des clients… les consommateurs ne sont pas prêts à payer un supplément s’il ne peuvent pas sentir la différence, » déclarait tout récemment à CNNMoney.com, Andy Bond, le Pdg du britannique Asda, le second plus gros détaillant du Royaume.

Pourtant, l’intérêt des consommateurs pour les produits éco-sympathiques et le commerce équitable ne s’est tout de même pas évaporé soudainement ! En fait, le 9ème rapport annuel de la Co-operative Bank sur les dépenses vertes montre que le retournement de l’économie ne devrait pas affecter la croissance du consumérisme éthique. Le rapport, qui sert aussi de baromètre du marché éthique au Royaume-Uni, révèle qu’en dépit des premiers soubresauts de la récession ressentis vers la fin de l’année dernière, le marché de l’éthique atteignait 35,5 milliards de livres en 2007, soit une croissance de près de 15 pourcent sur les 12 derniers mois.

En ce qui concerne l’avenir, la banque mentionne l’incidence des législations vertes et des choix politiques des États comme principal facteur de croissance des ventes éthiques.

Le facteur décisif de la réglementation

« Depuis un certain temps maintenant nous avons expliqué que seule la réglementation garantira les changements nécessaires pour que les styles de vie bas carbone se diffusent vers les produits de grande distribution. L’intervention du gouvernement, en faveur des produits qui économisent d’énergie : bouilloires, gros-électroménager, et plus récemment les ampoules électriques, stimule ces marchés et assure qu’ils continuent de croître », explique Dick Parkhouse, le Directeur général « Commerces » de la Co-operative Bank.

« Bien sûr, la situation de l’économie aura un impact sur les dépenses des consommateurs, mais ce rapport montre qu’une action gouvernementale audacieuse peut permettre de dynamiser les marchés tout en prmettant aux consommateurs de réaliser des économies et de protéger l’environnement », ajoute-t-elle.

Mais savoir quel sera au final le choix des autorités gouvernementales demeure relativement incertain. Ce week-end, les discussions autour du « paquet climat-énergie » de l’Union européenne lors du sommet de Bruxelles ont bien montré que certains États doivent faire face aux pressions d’industriels déterminés à éviter tout objectif ambitieux de réduction des gaz à effet de serre susceptible de leur faire supporter un surcoût trop lourd.

Le paradoxe c’est aussi que la période de récession pourrait constituer une opportunité pour les entreprises les plus innovantes de se dégager de la masse et de prendre de l’avance sur leurs concurrents. De ce point de vue, les acteurs qui se saisiront de la durabilité comme d’un moyen pour réduire les coûts et accroître la transparence pourraient bien être les grands gagnants de l’affaire.

Le scénario de l’« écoflation »

« Les unités de production de certains fabricants de produits naturels on déjà migré vers des sources d’énergie renouvelable, telles que le vent et les soleil mais à ce jour, très peu de sociétés ont franchi ce pas, » raconte Carrie Mellage, directrice du secteur produits de soins pour Kline & Company.

Dans une étude conjointe intitulée Rattling Supply Chain, A.T. Kearney et le World Resources Institute ont analysé les effets des changements environnementaux sur les affaires. Selon l’étude, les producteurs de biens de consommation qui échoueront à mettre en oeuvre des stratégies adaptées pourraient faire face à une réduction potentielle de 13 à 31 pourcent de leur chiffre d’affaires d’ici à 2013 et de 19 à 47 pourcent d’ici à 2018.

Bien que la crise financière actuelle se soit plutôt traduite par une réduction du prix des ressources, les auteurs ont mis en évidence le fait que les contraintes environnementales continueront à influer sur la disponibilité et le prix des ressources clefs dans le long terme. Cette crise devrait donc être perçue comme une opportunité de répondre à ces défis par des transformations structurelles, et non pas comme une raison pour ne rien faire.

Pour leur étude, le World Resources Institute et A.T. Kearney ont élaboré leur scénario « écoflation » sur la base des principales tendances environnementales et grandes des orientations politiques, comme les réglementations sur le changement climatique, des politiques forestières dynamisées, une rareté croissante de l’eau, de nouvelles politiques de développement des agro-carburants. Ils ont ensuite analysé comme ces facteurs peuvent affecter les prix d’un certain nombre de ressources telles que le pétrole, le gaz naturel, l’électricité, les céréales, l’huile de palme, et le bois. Les résultats sont une illustration concrète de la façon dont les coûts environnementaux peuvent se répercuter sur l’ensemble de la chaîne de valeur, en particulier dans le cas des bien de consommations qui ont un cycle de vie court et qui sont souvent produits en grandes quantités.

Selon ce scénario, les prix du pétrole devraient augmenter de 22 pourcent d’ici 2018, 40 pourcent pour le gaz naturel, et 45 pourcent pour l’électricité. Les prix du papier devraient eux augmenter d’environ 13 pourcent.

Dans de telles conditions, rien d’étonnant si les temps difficiles favorisent le décollage de matériaux innovants comme les plastiques éco-sympathiques et biodégradable pour l’emballage. Même en dehors de leur intérêt écologique, l’utilisation des bioplastiques pourrait assez vite devenir une simple question d’intérêt économique bien compris pour les entreprises. Plus les prix du pétrole monteront, plus ils seront compétitifs.