De l’obligation à l’expérimentation

C’est lors du Grenelle de l’environnement qu’a émergé l’idée d’informer les consommateurs sur l’impact écologique des produits qu’ils achètent. Cette proposition a été traduite en termes juridiques dans l’article 59 de la loi du 3 août 2009, dite « Grenelle 1 » [1]. Selon ce texte, les consommateurs doivent disposer d’une « information environnementale sincère, objective et complète portant sur les caractéristiques globales du couple produit / emballage. »

Les premières versions de la loi dite « Grenelle 2 » prévoyaient la mise en place progressive de cette disposition à partir du 1er janvier 2011. Mais, compte tenu des difficultés techniques et des coûts de mise en œuvre importants, les parlementaires ont fortement modéré les ambitions de la loi. C’est ainsi que le texte finalement promulgué le 12 juillet 2010 [2], ne prévoit plus que la mise en œuvre d’une période d’expérimentation d’une durée d’un an à partir du 1er juillet 2011. À l’issue de cette période, une évaluation sera transmise au Parlement qui évaluera l’opportunité de généraliser ou non l’expérience.

Mise en oeuvre difficile

Compte tenu du peu d’enthousiasme de l’actuelle majorité parlementaire pour les questions écologiques, il est peu probable que l’idée d’unaffichage obligatoire généralisé à tous les produits soit retenue dans de brefs délais.

En fait, même les organisations de protection de l’environnement semblent avoir d’autres priorités ! Jugeant la mise en oeuvre de cet affichage très complexe pour un bénéfice immédiat faible, elles ont laissé l’obligation se transformer en expérimentation lors des débats sur la loi « Grenelle 2 ». Les économies d’énergie dans le bâtiment, la politique des transports et la politique agricole leur ont semblé plus importantes. Elles auraient toutefois souhaité qu’un délai soit fixé pour la phase d’expérimentation avec une mise en œuvre de l’affichage en 2014.

En ce qui concerne les cosmétiques, la Fédération des entreprises de la beauté (Fébéa), qui représente les fabricants français, assure le secrétariat du groupe de travail chargé d’étudier la mise en œuvre de l’affichage environnemental pour ce secteur. Jusque-là très proactive, l’organisation professionnelle apparaît aujourd’hui beaucoup plus prudente.

Divergences sur la méthode

Selon plusieurs participants du groupe de travail, la publication à court terme d’un guide d’affichage environnemental pour les shampooings, qui devait être la contribution de l’industrie cosmétique à l’expérimentation nationale, a pris du retard. Principale raison : d’importantes divergences méthodologiques entre les parties prenantes. L’approche globale initialement adoptée par le groupe de travail a été mise en cause, certains participants souhaitant accélérer les travaux en se concentrant sur la prise en compte de l’émission de gaz à effet de serre, à l’image de ce qui se pratique au Royaume-Uni.

De l’avis général, la date fixée pour le début de l’expérimentation (le 1er juillet 2011) est de toute façon très optimiste compte tenu de l’ampleur de la tâche à accomplir.

De nombreux industriels sont toutefois désireux de voir le dossier avancer. Ne serait-ce que parce qu’ils ont déjà beaucoup travaillé pour faire le bilan de l’impact de leurs produits et réunir les informations nécessaires à la mise en œuvre de l’affichage. Pour Philippe de Brugière, Vice-Président chargé du développement packaging de L’Occitane, qui n’a pas participé aux travaux du groupe de travail mais les a suivis de près, «  beaucoup de travail a déjà été réalisé, mais les moyens à mobiliser sont importants et l’industrie a tout à gagner à mutualiser ses efforts. »

L’Occitane, a retenu l’approche la plus globale. Au-delà de la simple mesure des émissions de gaz à effet de serre, le fabricant et détaillant français de cosmétiques cherche à prendre en compte l’impact de ses produits sur les ressources non-renouvelables, la pollution de l’air et de l’eau, etc. «  Nous avons recruté une personne qui, depuis un an, travaille spécifiquement sur ce sujet, » explique Philippe de Brugière. « Nous avons bien avancé, même si quelques données concernant certains ingrédients nous manquent encore. »