Barbara Lavernos, Directrice générale des Achats, L’Oréal

Premium Beauty News - 38 usines dans le monde, un département achats qui compte aujourd’hui 600 personnes, un budget de plusieurs milliards d‘euros… Une belle machine !

Barbara Lavernos - C’est vrai qu’à mon arrivée au service achats Groupe en 2004, la fonction achat était répartie un peu partout dans les usines avec des équipes dédiées avec tous les avantages mais aussi les inconvénients d’une telle organisation. Nous avons souhaité mettre en place une organisation bicéphale, l’une qui soit tournée vers les fournisseurs et l’autre vers l’ensemble de nos clients internes (marketing, recherche, production..).

Et quand je dis vers les fournisseurs, si je prends l’emballage, je veux dire un acheteur spécialisé pour chaque filière. J’ai donc des spécialistes du verre, du plastique, du papier-carton, des machines et, ceci, dans chaque grande partie du monde où nous sommes présents, en Europe, aux États-Unis, au Brésil, en Chine, etc. Bien entendu, il y a des pays stratégiques dans l’emballage où nous n’avons pas d’implantation industrielle, comme la Corée, ou encore le Japon, où nous avons aussi un acheteur sur place. En revanche, pour l’Afrique et le Moyen-Orient, les achats sont coordonnés depuis Paris, avec des acheteurs dans chaque grand pays de cette zone.

Ce qui est important, c’est que les responsables achats aient également une vision complète du produit final. En fait, ce sont de véritables « Sourcing Centers » avec la volonté d’optimiser la chaîne d’approvisionnement.

Premium Beauty News - Ces centres doivent gérer des fortunes !

Barbara Lavernos - C’est vrai ! Nous avons des Lead buyers qui gèrent des portefeuilles entre 50 et 150 millions d’euros ! Ce qui est certes considérable mais renforce leur responsabilité. Il est clair que nous avons considérablement étoffé les équipes au cours de ces dernières années. Rien que pour l’emballage, nous avons embauché 40 personnes sur les 150 actuelles en 2 ans.

Premium Beauty News - Quels sont les enjeux ?

Barbara Lavernos - Ils sont immenses. Imaginez : L’Oréal renouvelle chaque année environ 1/3 de ses produits. En fait, cela sous-entend que nous pourrions potentiellement changer l’intégralité de nos fournisseurs tous les trois ans ! Mais, qu’on se rassure, nous sommes fidèles. J’en profite pour rappeler que nous ne souhaitons pas peser plus de 25 % du chiffre d’affaires de nos fournisseurs pour ne pas risquer de les fragiliser ou créer des situations d’interdépendance qui, à la fin, ne sont pas une bonne idée ni pour nous, ni pour le fournisseur.

Les enjeux « achats » sont particulièrement stratégiques. Pour cette raison, nous avons profité de ces changements d’organisation pour créer des fonctions transverses de SRM [1], mais aussi des fonctions clés de contrôle et d’analyse économiques, des tableaux de bord et de pilotage mondiaux.

Aujourd’hui, nous sommes capables de disposer d’une vision claire de nos relations, à un instant donné, avec l’un ou l’autre de nos fournisseurs, avec une vision mondiale. Et ce, sans parler de l’interactivité permanente qu’un tel outil nous permet d’avoir avec eux, en particulier dans le cadre de nos appels d’offre, le tout avec le souci constant de l‘éthique la plus rigoureuse.

Premium Beauty News - Quid du full service ?

Barbara Lavernos - Si vous sous-entendez par là «  est-ce que nous allons de plus en plus faire appel à la sous-traitance ? ». La réponse est non ! Nous avons nos propres usines, ainsi qu’un programme de construction de nouveaux sites de production pour les trois ans à venir. Nos usines nous permettent de produire au plus près de nos consommateurs. Nous considérons qu’il s’agit d’un modèle pertinent, et le maintenons. Actuellement, la tendance est évidemment à l’automatisation. Pour certains domaines très spécifiques, les crayons par exemple, nous avons recours à des entreprises de sous-traitance qui nous permettent de bénéficier de leur expertise.

Premium Beauty News - L’opération Cherry Pack organisée l’année dernière a été le point d’orgue de ces relations que vous souhaitez pérennes avec vos fournisseurs ?

Premium Beauty News - En quelque sorte, oui ! Cette opération, qui s’est merveilleusement déroulée, en est l’illustration. Nous avions sélectionné cinq fournisseurs et nous leur avons proposé de nous présenter leurs dernières innovations. Cette rencontre a permis de nombreux échanges et nous allons donc la renouveler cette année. La prochaine rencontre est prévue fin 2011.

Premium Beauty News - Présenter des innovations en exclusivité à L’Oréal peut être considéré comme délicat par certains fournisseurs.

Barbara Lavernos - Je vois à quoi vous faites allusion ! En effet, nous avons pu avoir par le passé une attitude perçue comme arrogante sur ce point. Mais qu’on se rassure, ce n’est pas le cas. L’innovation est au cœur de notre entreprise. L’Oréal et l’innovation ne font qu’un. Nous sommes donc très conscients de ces enjeux. Et des initiatives comme le Cherry Pack sont prises très au sérieux et entourées de toutes les garanties nécessaires en terme de confidentialité et de propriété intellectuelle.

Ajoutons que la nouvelle organisation, qui a été mise en place ces dernières années, est aussi une garantie pour nos fournisseurs. Il n’y a plus de dilution des responsabilités chez nous, dilution qui pouvait entraîner quelques mauvaises pratiques.

Premium Beauty News - D’autres initiatives sont en cours ?

Barbara Lavernos - Oui ! Nous avons décidé par exemple de mettre en place depuis six mois un programme de Solidarity Sourcing avec un service à part entière dirigée par Chéa Lun. Il s’agit de dédier une partie des achats du Groupe à des communautés défavorisées et d‘y associer nos fournisseurs. Ces actions que nous souhaitons mener en « écosystème » s’adresseront aux personnes handicapés, aux populations des quartiers dits « difficiles » mais aussi, plus globalement aux populations vivant dans des régions du monde qui accumulent certains retards, sans oublier aussi les petites entreprises (moins de cinquante personnes), etc. Nous sommes conscients de nos responsabilités dans ce domaine et inscrivons notre démarche dans un engagement à long terme. Plus de 100 projets sont déjà à l’étude.