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Premium Beauty News - Vous avez cherché à faire le point de la stratégie digitale des fabricants d’ingrédients cosmétiques. Quels en sont les premiers constats ?

Anne Aime - Si tous les fournisseurs étudiés disposent d’un site internet, ils en attendent peu, par ignorance de son potentiel, faute d’avoir une activité qui se prête au e-commerce . Le plus souvent, il s’agit simplement d’un outil de communication destiné à présenter l’entreprise et ses produits. Les fournisseurs les plus avancés proposent un accès privé à leurs clients et/ou distributeurs. Le site devient alors un outil de productivité, plus seulement un centre de coûts. Cette vision est restreinte à la relation clients au sens strict et ne s’étend pas au développement commercial, le site internet n’étant pas identifié comme outil de vente, aux côtés des forces commerciales.

Seuls 20% des entreprises étudiées favorisent les usages directs par les collaborateurs, mais exclusivement dans le cadre d’une communication interne (blogs internes, chat, réseau social interne). Par ailleurs, environ 13% des fournisseurs d’ingrédients étudiés possèdent un ou plusieurs comptes sur les réseaux sociaux, toujours sous le nom de leur entreprise, division ou marque. Il ne s’agit pas d’usages individuels à titre professionnel. Ce sont pourtant ces usages-là qui sont une vraie opportunité pour la vente en BtoB, a fortiori à l’international.

Premium Beauty News - Ces sociétés mesurent-elles l’impact de leur présence sur le web ?

Anne Aime - C’est souvent un non-sujet. Pour 61% des répondants le lien entre les outils digitaux utilisés et ce que cela rapporte à l’entreprise n’est pas identifié. Lorsque des mesures sont faites, elles sont partielles. Principale raison : les objectifs et les moyens sont souvent limités. On veut un site internet, sa simple existence et sa refonte régulière sont en soit l’objectif. Si les entreprises qui mesurent sont aussi les plus avancées sur le sujet, c’est souvent une question de culture d’entreprise. En effet, une particularité du digital est son caractère empirique et les besoins d’évangélisation qui rendent indispensable la définition et le suivi d’indicateurs de performance.

Premium Beauty News - Finalement, les fournisseurs d’ingrédients cosmétiques semblent plutôt à la traine sur leurs investissements dans le digital !

Anne Aime - D’une manière générale, la cosmétique en B2B est en retard sur le digital, si l’on prend comme indicateur la part des budgets marketing qui y sont consacrés. C’est d’autant plus vrai si l’on considère que la plupart des investissements digitaux ne sont pas opérationnels, mais ponctuels, notamment pour la refonte des sites internet. Les freins sont les mêmes partout : les dirigeants n’ont pas de vision claire de la corrélation entre digital et business, les directions opérationnelles commerciales et marketing se heurtent à des enjeux de changement (« pas le temps, pas le budget »). En réalité le digital gagne du terrain tous les jours, il est indispensable de s’en occuper pour rester proche de ses clients qui sont des internautes comme les autres, optimiser les budgets marketing et valoriser le capital humain, sans parler des enjeux d’image.

Premium Beauty News - La situation s’améliore donc un peu !

Anne Aime - Pas vraiment, car le retard relatif s’accumule. Dans l’écrasante majorité des cas, le digital est confié à un département existant, ce qui, en soit, est plutôt une bonne chose. Reste que ces départements ne sont pas toujours soutenus par du conseil d’expert externe et que les collaborateurs manquent de formation et d’expérience. Souvent l’approche reste technique, alors que le vrai sujet est « l’évangélisation pour transformer l’entreprise. » Dans tous les cas, seules 60% des entreprises déclarent faire appel à des prestataires externes, consultants ou agences avec une approche outil et non business.

Premium Beauty News – Que préconisez-vous ?

Anne Aime - Une approche business, centrée sur les attentes clients et la stratégie globale de développement de l’entreprise. À partir de là, il faut choisir l’usage que l’on souhaite donner aux outils pour qu’ils servent le business dans sa spécificité (et non adopter un outil parce qu’il aurait un usage universel). Le site internet est l’outil premier, mais sa conception doit être cadrée en interne. Avec la méthode adaptée (expérience utilisateur), un site peut être conçu au niveau macro par tout professionnel de la communication, du marketing ou du commercial de l’entreprise. Sous traiter cette partie, c’est risquer de se retrouver avec un site tendance en matière de communication, mais avec pas ou peu d’impact business.

Concevoir un site internet n’est pas une question de créativité ni de tendance, c’est une question de technique de conception marketing, en tout cas pour les sociétés commerciales. Même si avoir une équipe commerciale avec un usage avancé des réseaux sociaux est un investissement rentable bien plus rapidement, avoir un site web, c’est avoir un domicile pour une entreprise. Les filiales « condamnées » à un site de communication et non business par le siège, se passeront provisoirement du « domicile idéal » et investiront d’abord le département commercial où elles ont la main. Cela permettra d’apporter les premières « preuves » et de transformer ensuite le site internet d’un espace de communication à un outil business.

Les sociétés les plus conscientes (21%), et souvent les plus expérimentées, identifient des outils efficaces comme les réseaux sociaux ou les applications mobiles, et enfin, l’approche globale de la transformation digitale, la seule qui réponde complétement aux enjeux de compétitivité d’aujourd’hui. A fortiori sur des marchés, internationaux par nature, où le « niveau » digital est parfois plus élevé hors de l’hexagone (USA, Brésil…).