Est-ce encore une question éthique ? L’engagement dans le développement durable semble de plus en plus guidé par le principe de réalité et le bon sens. L’épuisement manifeste de nombreuses ressources naturelles, à commencer par le pétrole, oblige les entreprises à repenser leur stratégie de long terme. « La compétitivité et la pérennité des activités de LVMH dépendent très directement de notre capacité à préserver et valoriser les ressources naturelles,  » explique ainsi Sylvie Bénard, Directrice Environnement du Groupe LVMH.

Sylvie Bénard, Directrice Environnement du Groupe LVMH

À l’instar d’autres grands groupes, le géant français du luxe recherche activement les révolutions technologiques qui feront entrer la cosmétique dans une nouvelle ère.

Épuisement des ressources pétrolières

L’extrême abondance du pétrole, la facilité de son extraction et la surface de ses applications en ont fait une ressource de première importance, et aujourd’hui 400 millions de tonnes de pétrole sont utilisés par les industries chimiques et les trois-quarts environ servent à fabriquer des matières plastiques. Mais le pic de production a probablement été dépassé, et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit dès 2020, la disparition de près de 30% de la production des puits actuels. Certes de nouveaux gisements devraient être découverts, mais le coût de leur exploitation sera bien plus élevé.

Ces questions entraînent les industries chimiques dans une véritable révolution combinant l’anticipation de l’épuisement des ressources pétrolières avec la réduction drastiques des émissions de gaz à effet de serre, et une pression réglementaire forte concernant la toxicologie et l’écotoxicologie.

Chimie verte

De grands efforts ont été accomplis grâce à la chimie verte sur les nouvelles synthèses industrielles. « La chimie issue du végétal ou des algues pourrait en partie remplacer la matière première pétrole. Les biomasses végétales ainsi gérées dans des bioraffineries permettent d’obtenir du glucose et des acides gras, futures bases de monomères et de polymères,  » précise Frédéric Bonté, Responsable de la Communication Scientifique pour LVMH Recherche.

Frédéric Bonté, Responsable de la Communication Scientifique pour LVMH Recherche

Mais, si aujourd’hui la biomasse, représente une ressource renouvelable considérable, son utilisation à des fins industrielles implique de préserver son utilisation en tant que ressource alimentaire.

Dans les années 1990, les premières recherches ont porté sur les bio-polymères, un secteur maintenant en pleine explosion puisque sa croissance est estimée à plus de 23000% entre 2005 et 2015. Plus récemment, des feuilles de routes technologiques ont arrêté une liste de grands précurseurs chimiques vers lesquels les recherches scientifiques devront se diriger

« Aujourd’hui, les matières bio-sourcées constituent des alternatives sérieuses à des intermédiaires chimiques de volume ou de spécialité que propose la pétrochimie,  » estime Frédérique Lafosse, Directrice Générale de Soliance. Mais, prévient-elle, « elles ne peuvent être déconnectées de leur environnement industriel et des procédés scientifiques et techniques engagés pour les obtenir et les produire de façon robuste.  »

Frédérique Lafosse, Directrice Générale de Soliance

Très concrètement, Carine Alfos, Directrice Innovation d’Iterg, a mis en évidence le développement de l’oléochimie verte qui représente déjà 7% du marché mondial des huiles végétales (hors saponification et biodiesel).

« Outre-atlantique, des travaux de recherche sont menés sur plusieurs espèces, dont l’huile présente un profil spécifique en acides gras : jojoba, crambe d’Abyssinie, lesquerella, vernonia, cuphea, limnanthes. En Europe, et à cette fin d’usage dédié à la chimie verte, plusieurs oléagineux à profil d’acides gras particulier ont commencé à percer : le colza érucique, le colza bas linoléique ou colza oléique, le lin oléagineux, le tournesol oléique et peut être demain le tournesol stéarique. »

Bien sûr, les difficultés techniques sont nombreuses, mais jusque-là ces alternatives ont surtout pâti d’un manque de compétitivité par rapport aux ingrédients issus de la pétrochimie. Un rapport de force économique qui pourrait bien s’inverser à moyen terme.