Aude de Livonnière, Livcer

Après la multiplication des revendications « sans parabène », l’actualité récente autour de la méthylisothiazolinone (MIT) a montré qu’aucune réponse simple n’existe. Les contraintes réglementaires, combinées aux restrictions marketing que s’imposent certaines marques, tendent à réduire le champ des possibles.

Dans le même temps, la tendance du marché est clairement orientée vers un moindre usage des conservateurs et même vers le lancement de produits sans conservateurs.

Le boom de l’airless

La solution packaging protectrice la plus largement utilisée aujourd’hui est l’airless. Les doseurs airless sont des systèmes distributeurs inviolables, non pressurisés, associant une pompe à action mécanique et un contenant qui délivre le produit sans reprise d’air. Par construction, ils sont relativement protecteurs.

Les systèmes airless peuvent être adaptés aussi bien sur un flacon que sur un pot, un stylo ou une seringue. Promens a même récemment présenté Slidissime, un airless de taille identique aux pots classiques, qui ne fonctionne pas pression mais permet en un simple effleurement de la membrane (pompe tactile) permettant d’obtenir la dose de crème nécessaire à l’application. Quasi simultanément, Aptar beauty + home lançait Serumony, un stylet airless destiné en priorité aux formules de soins délicates et précieuses.

Toutefois, même s’il réduit considérablement les risques, un simple doseur airless n’est pas suffisant pour se prémunir totalement contre les risques de rétro-contamination. Chacun des grands spécialistes du secteur a ainsi développé ses solutions complémentaires ou alternatives : Aptar propose la pompe Irrésistible, dotée de filtres stérilisants de 0,2 micromètre et d’un obturateur hermétique, Promens le système D.e.f.i., une capsule dotée d’un système de fermeture breveté qui permet de conserver une formule stérile absolument intacte, et qui peut être adaptée à un simple tube, Megaplast un système de bouton poussoir obturateur.

Matériaux actifs

Un autre type de solution packaging consiste à modifier la nature chimique du matériau pour lui apporter un caractère bactériostatique. La société Pylote travaille ainsi directement sur les matières plastiques. «  Nous modifions la composition des granulés plastiques en ajoutant des particules minérales selon notre procédé breveté Pylengo®. Ces granulés sont ensuite utilisés pour la fabrication de tout type de flaconnage plastique et permettent d’éviter la contamination bactérienne à l’intérieur de l’emballage,  » explique Loïc Marchin. Le mécanisme d’action est lié au contact direct entre le packaging et la formule et non à une diffusion des particules dans le produit.

De son côté, Strand Cosmetics Europe a développé une solution de traitement des fibres textiles des brosses de mascaras par un apprêt composé d’un conservateur selon un procédé breveté Purcilon®. «  Nous proposons depuis 2007 la 1ère brosse de mascara antiseptique,  » s’est ainsi félicitée Dominique Bouvier, la dirigeante de la société lyonnaise.

Au-delà du packaging

Mais quelles que soient ses performances, le packaging ne saurait être suffisant en soi. Se passer de conservateur implique aussi de savoir produire des formules propres, non colonisées par les micro-organismes, et d’être capable de les conserver dans cet état tout au long du processus de conditionnement.

Comme de nombreuses matières premières, notamment d’origine naturelle, sont porteuses de micro-organismes, une phase de décontamination s’impose. Parmi les méthodes les disponibles : la stérilisation UHT (pour « ultra haute température »), l’irradiation (l’envoi de rayons ionisants sur le produit mis en palettes), la stérilisation par technologies hautes pressions. Mais ces méthodes restent encore marginales, notamment pour des raisons de coûts.

En ce qui concerne le conditionnement, plusieurs solutions existent. Le remplissage sous flux laminaire permet, par exemple, d’obtenir un environnement dont le taux de particules est très bas. En pratique, l’air passe au travers d’un filtre absolu et est pulsé verticalement, expulsant l’air non filtré en dehors de la zone protégée, permettant de remplir les produits dans un environnement quasiment stérile. L’inertage à l’azote, permet de stabiliser et contrôler l’oxydation pour protéger et augmenter la durée de conservation des actifs contenus dans les formules.

« Mais attention, si le système de flux laminaire est utilisé depuis longtemps, l’inertage est une technique assez nouvelle et demande un peu de recul mais elle semble intéressante pour un avenir où les conservateurs sont de moins en moins ‘acceptés’ par les consommateurs,  » souligne Aude de Livonnière, dirigeante de Livcer, spécialiste français de la fabrication et du conditionnement d’échantillons et de monodoses thermoformés.

Dans un contexte réglementaire tendu, doublé de pratiques marketing d’auto-restrictions, un fort mouvement d’innovation est toutefois engagé et une autre vision du métier et du produit est en marche.