Rania Naïm, directrice artistique du groupe Panouge

La Maison s’était endormie plusieurs décennies laissant les amoureux de Green Water et Iris Gris à leurs souvenirs. Lorsque Rania Naïm réveille Jacques Fath, elle souhaite redonner toute leur place aux fragrances, tout en créant un univers fidèle à la personnalité avant-gardiste et moderne du créateur, contemporain de Christian Dior. « Je voulais traduire son esprit par les parfums », explique-t-elle. Elle pense immédiatement à Cécile Zarokian, parfumeur indépendant aux multiples créations en parfumerie alternative.

« J’étais très honorée mais aussi impressionnée car les parfums Jacques Fath sont de grandes références en parfumerie », confie Cécile Zarokian.

La renaissance de Green Water

La première collection Fath’s Essentials voit le jour en 2016, inspirée par l’univers du voyage et des couleurs, avec trois créations libres mais surtout la réédition du célèbre Green Water. « S’attaquer à un tel monument fut un grand challenge pour moi. Ce parfum a ses adeptes qui l’attendaient, il ne fallait pas les décevoir », explique Cécile Zarokian. Pour s’approcher au mieux de la version originale de 1947 du parfumeur Vincent Roubert, elle travaillera au nez et sans formule à partir de l’original conservé à l’Osmothèque.

Comme à l’époque du couturier où l’on ne s’arrêtait pas au prix du concentré pour laisser libre cours à la qualité de la création, Rania Naïm laisse travailler la créatrice avec une grande liberté de choix et de quantité de matières premières. « Il n’y a pas de brief pour chaque parfum, je laisse travailler les créateurs et n’impose pas de limite de budget, mais ce doit être avec de belles matières premières », confirme la directrice artistique.

Green Water pour retrouver son sillage d’origine, a par exemple nécessité 5% d’essence de Néroli. « C’est énorme, mais indispensable car, outre le côté hespéridé et aromatique, le Néroli est vraiment l’un des ingrédients clé de ce parfum », ajoute Cécile Zarokian, qui se réjouit d’une liberté d’action identique pour la composition des trois autres jus de la collection : Curaçao Bay, Vers le Sud et le sensuel Bel Ambre.

Une seconde collection composée par le parfumeur italien Luca Maffei est venue enrichir l’univers de la marque en 2017 de quatre nouvelles fragrances, directement inspirées par l’œuvre du créateur. Les deux parfumeurs seront réunis pour une nouvelle collection en 2019.

Iris gris se mue en L’Iris de Fath

Deux ans après cette renaissance, les parfums Jacques Fath abordent aujourd’hui l’autre grande référence de la maison, Iris Gris. Une réédition baptisée Iris de Fath vient d’être présentée sur le salon Esxence à Milan. Les contraintes de création furent les mêmes que pour Green Water. Sans formule existante, il était nécessaire de recomposer la fragrance au nez, ce qui a nécessité une année de développement.

Soucieuse d’être le plus fidèle possible à la version originale mythique, Rania Naïm a souhaité s’entourer d’un jury de grands parfumeurs et a ouvert le challenge à différents créateurs. « L’enjeu était tel, que l’on ne pouvait pas être les seuls à décider. J’ai sollicité l’avis des meilleurs nez sur les différentes propositions », explique-t-elle.

En blind test, le jury a unanimement retenu la version du tout jeune parfumeur Patrice Revillard du laboratoire de parfums indépendant Maelström. La grande quantité de concrète et d’absolu d’Iris qui la compose en fait le concentré le plus cher du monde.

À ce titre, le parfum ne sera édité qu’à raison de 150 flacons par an au prix de 1500 euros environ les 30 ml. Le flacon respecte à l’identique le design de l’original complété de quelques touches plus travaillées. La renaissance d’Iris Gris s’annonce comme l’un des événements marquants de l’année dans l’univers de la haute parfumerie.