Dans un pays profondément conservateur, les critères de masculinité et de virilité imposent aux hommes une certaine austérité, le style flamboyant étant réservé aux femmes. Mais de nouvelles tendances métrosexuelles apparaissent dans les grandes villes, où les salons pour hommes ouvrent peu à peu.

Si les Pakistanaises ont depuis longtemps accès aux soins esthétiques et à la coiffure, les manucures et les soins du visage onéreux deviennent de plus en plus courants chez les hommes, au fur et à mesure de l’expansion de la classe moyenne et de l’accroissement du pouvoir d’achat. En 2017, le revenu par habitant a fait un bon de 6,4%. Dans ce contexte, une pétillante culture des réseaux sociaux nourrit le désir d’être en permanence prêt pour un selfie et des influenceurs tels que Adnan Malik et Osman Khalid Butt sont suivis par des centaines de milliers de passionnés de mode.

Cette photographie prise le 10 octobre 2017 montre un coiffeur pour hommes...

Cette photographie prise le 10 octobre 2017 montre un coiffeur pour hommes appliquant de la couleur sur la moustache d’un client dans un salon pour hommes à Islamabad. Photo : © Aamir Qureshi / AFP

Chez Men’s, les clients déboursent en moyenne 1.400 roupies (10 euros) par visite, une somme conséquente quand le salaire mensuel d’un serveur atteint péniblement 12.000 roupies (90 euros). Par comparaison, une coupe chez un coiffeur traditionnel, certes moins branché, se négocie aux alentours de 200 roupies (1,5 euro). « Les hommes aussi ont le droit que l’on prenne soin d’eux et les temps ont changé, il ne s’agit plus seulement d’être coiffé  », observe Tauseeq Haider, le propriétaire du lieu, qui a ouvert en 2015. « Les gens d’un certain âge, les fonctionnaires, n’ont pas honte de dire : ‘j’ai besoin d’un soin du visage, d’un massage, mes ongles doivent être faits, s’il vous plaît suggérez-moi quoi faire’, » ajoute-t-il.

Dans les zones rurales, le Coran régit les questions d’hygiène et la taille des barbes. Alors que Bollywood et les films occidentaux ont longtemps influencé les codes des Pakistanais urbains, ce sont désormais les réseaux sociaux qui lancent les modes. Au sein de cette société en pleine croissance, ils valorisent le bien-être au masculin et donnent de l’importance à l’apparence physique et au look.

Pouvoir d’achat en hausse

« L’homme pakistanais devient plus métrosexuel. C’est complètement dû à internet et à l’ère des chaînes TV satellite », affirme le Libanais Michael Kanaan, propriétaire de deux salons de beauté au Pakistan, où il vit depuis plus de dix ans. La hausse des salaires et une plus grande exposition à la culture mondiale attisent une demande en plein essor.

Les campagnes publicitaires en ligne jouent aussi leur rôle, souligne l’économiste Minhajul Haque, pour qui « le marketing intelligent sur les produits de beauté pour hommes stimule la demande ».

Propriétaire terrien de 49 ans, Humayun Khan, explique ne pas regarder à la dépense quand il se fait pomponner. « Je me sens bien quand on me coupe les ongles, les cheveux, qu’on me fait un soin du visage  », affirme-t-il, qui dit venir deux fois par mois au salon de beauté. « Si je ne suis pas beau, ma femme ne m’aimera plus », sourit-il.

Les hommes pakistanais sont ainsi bien plus préoccupés qu’auparavant par l’aspect de leur peau, observe l’esthéticien Ghulfam Ghori. Selon lui, un nombre croissant d’entre eux opte pour l’extraction des points noirs, les traitements contre l’acné et même pour un peu de maquillage lors de grandes occasions, comme les mariages. « Les soins du visage deviennent indispensables pour eux, » observe-t-il.

Les salons ne sont pas les seuls bénéficiaires de cette nouvelle tendance. « Je peux vous dire qu’une révolution est en marche dans la psyché des hommes au Pakistan », souligne ainsi Zafar Bakhtawar, le PDG du groupe D. Watson, l’une des principales chaînes de pharmacies pakistanaises. « Une véritable révolution est cours au sein de la population masculine du Pakistan. Ils accordent bien plus d’importance à leur beauté, à leur visage, à leurs cheveux, à leurs vêtements. C’est une grande révolution ».