Dr. Isabelle James

Premium Beauty News - Vous êtes chirurgien pédiatre, spécialisée en chirurgie réparatrice de l’enfant, vous êtes intervenue lors de l’édition 2013 des Journées européennes de dermo-cosmétologie sur la thématique de la cicatrisation chez l’enfant, quel regard portez-vous sur la peau ?

Dr Isabelle James - La peau est un organe et non pas un tissu simple. Il est constitué de multiples unités qu’il convient de réparer le plus complètement possible si l’on veut obtenir à la fois un résultat esthétique acceptable et surtout une fonction satisfaisante chez un individu en croissance. La peau réparée doit suivre l’évolution. Elle est un grand vecteur d’intégration sociale et tout problème nécessite une prise en charge afin d’offrir du bien-être à l’enfant, ne dit-on pas « être bien dans sa peau ? ». Dans le cadre de mon travail de chirurgien pédiatre, dans le domaine de la chirurgie réparatrice de l’enfant, je traite les malformations congénitales mais aussi des accidents, des séquelles de brûlure, ou toute pathologie qui est à l’origine d’un délabrement tissulaire et qui demande une réparation avec les conséquences cicatricielles que cela implique.

Premium Beauty News - Comment se répartissent vos activités ?

Dr Isabelle James - L’une de mes principales activités est la prise en charge des fentes labio-palatines pour lesquelles nous suivons différents axes de recherche. Le premier concerne le diagnostique prénatal, nous travaillons en collaboration avec des médecins du collège d’échographie fœtale afin d’améliorer les signes échographiques évoquant cette pathologie. Le second axe se rapporte à la prise en charge des familles dans le cadre de consultations d’éducation thérapeutique. Les parents et l’enfant sont vus avant les interventions par l’équipe d’hospitalisation pour apprendre les soins et l’alimentation post-opératoire afin d’arriver moins anxieux le jour de l’hospitalisation. Nous proposons également un accompagnement psychologique mais aussi un lieu d’échange entre professionnels et parents par l’intermédiaire de notre association Le Trèfle (constituée de l’équipe de traitement des fentes labio-palatines d’Écully). En France, la proportion de fentes labio palatines est de 1 pour 700 naissances. Le dernier axe de recherche s’intéresse à la croissance faciale et aux moments optimaux pour faire une intervention chirurgicale. Dans notre équipe, nous intervenons dès le deuxième mois de l’enfant avec une prise en charge précoce de l’orthodontie et de la chirurgie osseuse secondaire et de symétrie du nez afin que l’enfant puisse entrer à l’école primaire avec une meilleure symétrie du visage. Aux États-Unis, certaines équipes travaillent in-utero, ce qui sur le plan théorique est très avantageux puisque la cicatrisation sur le fœtus est optimale (le fœtus cicatrise par apposition de tissus normaux et non pas par production de tissus cicatriciels) mais l’opération est très délicate et les conséquences en termes de risques de prématurité majeure importantes.

Premium Beauty News - Associez-vous l’acte chirurgical à des techniques de dermo-cosmétique connues chez l’adulte mais peut-être moins développées chez l’enfant ?

Dr Isabelle James - Tout à fait, les techniques de dermo-cosmétique permettent d’améliorer très nettement les résultats esthétiques à un moment où la chirurgie n’a plus d’indication. La dermabrasion, le dermo-maquillage, la dermo-pigmentation ou le lipo-filling se pratiquent de plus en plus chez l’enfant en particulier après des greffes cutanées sur le visage. On peut mieux définir le regard par des dermo-pigmentations sur le sourcil, voire même des cils au niveau des paupières. Dans des séquelles d’hémangiome, le maquillage permanent labial aide à symétriser le vermillon et à définir la ligne cutanéo-muqueuse. Enfin les lipo-filling sur la face ou d’autres régions du corps permettent de combler des dépressions tissulaires et d’améliorer à la fois la trophicité de la peau de surface mais également la cosmétique du volume tissulaire. Par ailleurs la dermo-cosmétique est très présente à l’issue de tout acte chirurgical avec notamment la prescription de produits de soins, comme les crèmes de massage, les gels de silicone et protecteurs solaires.

Premium Beauty News - Quelles techniques émergentes dans le traitement des cicatrices vous semblent prometteuses ?

Dr Isabelle James - Dans le traitement des cicatrices plusieurs temps sont à envisager. En premier lieu, la prévention en utilisant des techniques chirurgicales générant le minimum de cicatrice possible. Ensuite, les greffes cutanées sont très intéressantes, elles sont prises sur des sites donneurs le plus près possible du site receveur afin d’optimiser à la fois la trophicité et la couleur de la peau. Dans le cas de lésions de très grande taille on peut avoir recours à une technique d’expansion cutanée qui consiste à faire une production tissulaire en posant un ballonnet siliconé sous la peau, qui est gonflé progressivement, afin de produire la quantité de peau nécessaire à la réparation secondaire. Cette peau peut être utilisée soit comme un lambeau local (attachée à son site donneur), soit comme une greffe, déplacée sur un autre site. Enfin dans certains cas où les « peaux totales » ne sont pas utilisables il est possible de réaliser des greffes cutanées fines associées à un derme artificiel. Ces techniques sont employées dans des cas d’urgence pour de la chirurgie réparatrice lors de traumatisme ou de brulure et encore peu adaptées à des gestes à visée purement esthétique compte tenu des cicatrices plus inflammatoires qu’avec une peau native de l’enfant. Récemment, la technique de ReCell® qui associe dermabrasion puis vaporisation de kératinocytes prélevés par une petite incision généralement rétro-auriculaire est intéressante. Elle permet la réfection de cicatrice déjà établie, des pigmentations de greffe ancienne mais aussi une accélération de cicatrisation de brûlure.

Le but ultime de nos travaux est, quelle que soit la discipline, de rétablir une anatomie fonctionnelle et esthétique le plus tôt possible par une prise en charge globale de l’enfant et de sa famille pour obtenir un maximum de « bien être », même s’il peut persister des séquelles esthétiques ou fonctionnelles.