Pr. Gilles Comte, Centre d’étude des substances naturelles (CESN)

Premium Beauty News - Lors de la conférence inaugurale des Journées européennes de dermocosmétologie organisées par le CED, vous avez mis en avant le concept d’écologie chimique pour les végétaux.

Pr Gilles Comte - En effet, un végétal est à prendre dans son environnement. Le temps où les botanistes recueillaient des plantes et les analysaient isolément est révolu. Nous travaillons, au sein du Centre d’étude des substances naturelles (CESN), sur les interactions dans l’écosystème dans son ensemble et plus spécialement celles entre les végétaux et les bactéries. De nombreux types de bactéries sont associés à des plantes hôtes et profitent de cette association pour assurer leur nutrition en carbone et autres substances nutritives. La plante de son côté répond en fonction de chaque source microbienne d’une manière différente. Les bactéries s’adaptent très vite aux changements physiologiques de la plante hôte, l’inverse est un peu plus long. Entre organismes, il y a une sorte de guerre chimique dont les armes sont les médiateurs d’interaction, certains aspects sont positifs et permettent par exemple de sélectionner les partenaires, d’autres interactions conduisent à la production d’anti-bactériens, d’anti-fongiques par la plante afin d’assurer sa défense et sa survie. Au départ, la plante a certaines capacités de défense mais l’environnement dans lequel elle pousse les modifie. Il faut avoir à l’esprit que les végétaux contrairement au règne animal ne peuvent pas se soustraire à leur environnement tel que l’exposition au soleil, la présence de bactéries, d’humidité, etc.

Premium Beauty News - Quels outils d’analyse utilisez-vous pour atteindre ces médiateurs d’interaction ?

Pr. Gilles Comte - Le nombre de métabolites est de quelques milliers chez les animaux à plusieurs centaines de milliers chez les végétaux. Étudier les interactions entre organismes et leur médiation chimique nécessite une approche interdisciplinaire alliant la chimie, la biochimie, les nombreux domaines de la biologie, la génomique et notamment la métabolomique. Il s’agit d’identifier les organes, tissus et même les cellules qui produisent ou reçoivent les signaux chimiques. Nous suivons aussi l’évolution des médiateurs en fonction des conditions liées à l’environnement.

Premium Beauty News - Quels sont les principaux domaines d’application de vos recherches ?

Pr. Gilles Comte - Beaucoup de secteurs sont concernés par nos travaux, l’usage des plantes étant répandu en agroalimentaire, en pharmacie, en cosmétique, mais aussi dans les domaines de l’environnement. Nous établissons de nombreux partenariats avec des entreprises privées. Pour exemple, nous avons conduit il y a quelques années des travaux sur la rose qui a un fond chimique variable afin de définir les paramètres de culture, de récolte, de séchage, de transformation pour obtenir un produit le moins variable possible. En agroalimentaire, beaucoup de travaux portent sur des plantes alimentaires (maïs, blé, plantes aromatiques). Au niveau de l’écologie, nous pouvons répondre à des observations comme le fait que certaines plantes d’apparence identiques sont pollinisées par les insectes et d’autres non, ou encore que des espèces de plantes aient la capacité de limiter le développement de certaines de leurs congénères en utilisant des médiateurs d’interaction doués de capacités limitant la germination ou le développement. Dans ce dernier cas on peut très aisément imaginer les applications potentielles en termes de biopesticides à l’heure de la mise au ban de la plupart des produits phytosanitaires.