Philippe Bonningue Global Director of Sustainable Packaging & Development chez L’Oréal

Premium Beauty News - Quelle votre conception de l’emballage et de son rôle aujourd’hui en cosmétique ?

Philippe Bonningue - L’emballage est le premier lien identitaire entre une marque et son consommateur, notre rôle est de donc de concevoir des packs qui respectent l’identité des marques tout autant que satisfaire les attentes de l’utilisateur. Il faut savoir conjuguer dans sa conception, le sensoriel, le rationnel, l’émotionnel tout en intégrant les critères durables et sociétaux, exigence omniprésente liée à notre politique environnementale.

Premium Beauty News - En quoi ce rôle a t il évolué au cours de ces dernières années ?

Philippe Bonningue - Au-delà de ses fonctions de protection, de contenant, d’information, il a aujourd’hui un rôle stratégique et multidimensionnel dans le développement des nouveaux produits, toujours en ligne avec la qualité que le consommateur attend et la sécurité qu’il doit assurer à l’usage. C’est un vecteur d’innovation clé. Pour rappel, L’Oréal dépose chaque année plus de 80 brevets de packaging. Un exemple, l’aérosol avec cercle de diffusion lancé pour les déodorants Mixa et Garnier, né de la technologie Deoz. Il a nécessité 5 années de recherche et bénéficié de 10 brevets d’innovation. Mis sur le marché en réponse à la demande de certaines consommatrices qui recherchaient plus de douceur par rapport au spray classique, cet aérosol inédit comporte deux anneaux imbriqués permettant la diffusion de la formule sous forme de brume et un ressenti plus agréable.

La valeur perçue par l’utilisateur de l’emballage est un point qui a pris une dimension capitale ces dernières années. Elle se traduit par l’ergonomie, la facilité d’usage, la performance qu’il apporte à la formule, mais également par le fait qu’il devient de plus en plus connecté, intelligent. Ce qui a changé également de manière évidente, c’est la conscience de plus en plus forte du consommateur par rapport à l’impact sur l’environnement. Le pack responsable est un élément devenu prépondérant aujourd’hui, dans l’acte d’achat.

Premium Beauty News - Comment avez vous intégré cette exigence ?

Philippe Bonningue - Le packaging, c’est 50 % de l’impact environnemental tout au long de la vie du produit (hors produits rincés). Chez L’Oréal nous y répondons par un engagement fort via notre politique Packaging & Environnement, mise en place depuis 2007 et enrichie très régulièrement. Elle intègre nos process d’écoconception et la démarche des 3 R (Respecter le consommateur et l’environnement, Réduire le packaging en volume et en poids, Remplacer des matériaux par d’autres aux impacts environnementaux moindres).Par exemple, chacun sait qu’un bon moyen de réduire l’impact environnemental, c’est de faire en sorte que le produit soit réutilisé ou rechargé. Nous avons donc développé un certain nombre de projets intégrant le concept de recharges. L’objectif étant bien sûr de faire en sorte que l’expérience consommateur reste la meilleure possible, que le geste continue à satisfaire tout en prenant en compte les enjeux environnementaux. Plusieurs projets ont déjà été développés comme sur le parfum avec la marque Viktor & Rolf, le maquillage également car c’est un segment où il y a peu de formule pour beaucoup de packaging et un renouvellement rapide des tendances. Notamment des recharges de rouges à lèvres et de palettes de maquillage pour Shu Uemura. Nous allons continuer à avancer dans ce sens.

Premium Beauty News - Comment cela se traduit il dans votre relation avec vos fournisseurs ?

Philippe Bonningue - Nous sélectionnons nos fournisseurs en conformité avec notre politique d’achats responsable (L’Oréal Buy & Care) qui repose sur 5 critères comptant a parts égales, à savoir, leur capacité à innover et à répondre à nos exigences de qualité, de service, de responsabilité environnementale et de compétitivité économique. Cette politique de sélection nous permet de connaître et de maitriser la traçabilité des matières premières et articles de conditionnement utilisées pour nos produits, d’assurer la fiabilité des filières d’approvisionnement, du respect des hommes et du droit du travail. Parmi ces critères, la responsabilité sociale et environnementale est pour nous essentielle, avec un niveau de demande très élevé. Par exemple, aux dires de nos fournisseurs, nous sommes l’une des entreprises les plus exigeantes sur l’utilisation de matériaux recyclés, PCR (Post Consumer Recycle) que ce soit pour le verre ou le plastique PET.

En terme de process, nous intégrons l’ensemble des enjeux très en amont, lors de la phase de conception, dès le brief marketing. Nous imaginons alors à ce que sera le produit quand ça ne sera plus un produit (produit utilisé et vide). Innover est un challenge, innover durablement l’est encore plus, mais c’est aussi une formidable opportunité.

Premium Beauty News - Consommateurs et marques sont ils prêts pour le pack connecté ?

Philippe Bonningue - On vit dans un monde hyperconnecté donc oui, le consommateur est prêt mais surement un perdu face à l’offre. C’est la raison pour laquelle il est essentiel que la connexion serve, qu’elle ait une véritable valeur ajoutée pour le consommateur, un rôle pédagogique et une véritable utilité dans le quotidien. La beauté connectée est une tendance et une attente consommateurs à laquelle nous répondons en intégrant les technologies digitales dans la conception et le développement des produits, mais nous refusons d’en faire un gadget. Une première application majeure a été lancée en juillet dernier avec l’UV patch de La Roche-Posay qui permet de connaître son capital soleil soit directement (lecture sur le patch posé sur la peau) soit via une application connectée au patch. D’autres projets sont à l’étude sur des produits qui ne sont pas encore lancés.

Premium Beauty News - NFC, impression numériques … quelles technologies ont votre préférence ?

Philippe Bonningue - Toutes les technologies dont la puce NFC et l’impression/reconnaissance numérique sont en exploration. Elles se conjuguent, on ne peut en exclure aucune. Notre politique vise d’ailleurs à intégrer toutes les nouvelles technologies dans tous développements de produit pour répondre aux besoins spécifiques des consommateurs.

On peut également parler des technologies de 3D printing que nous utilisons déjà par exemple en phase de production pour une nouvelle capsule de shampooing Kérastase.

Premium Beauty News - Quelles sont les autres grandes tendances qui définissent le pack de demain ?

Philippe Bonningue - Au delà du développement durable et de la beauté connectée, il y a la personnalisation, attente majeure des consommateurs qui cherchent à vivre une expérience unique quel que soit le circuit de distribution, mais surtout le e-commerce. Pour rappel, il représente 5 % du Chiffre d’Affaires du groupe avec une progression de plus 38 % l’année dernière. En Chine, c’est 20 % du chiffre d’affaires.

C’est une tendance importante qui pourrait engendrer le sacrifice de certains aspects comme la performance de la formule ou l’impact environnemental en recourant au suremballage, choses que nous ne voulons pas faire. Nous intégrons donc très en amont dès la conception du produit, toutes les contraintes de distribution spécifiques à ce canal d’achat (un même pack étant soumis à beaucoup plus de ruptures de chaines que dans un circuit classique), pour optimiser nos packagings et toujours satisfaire l’ensemble des consommateurs avec des produits innovants, fiables qui tiennent compte de nos engagements pour l’environnement.