Dans le sillage de la génomique, l’étude de l’ensemble des gènes, la famille des « sciences omiques » (omics en anglais), se répand et s’impose dans la recherche médicale comme au sein des services R&D des fabricants de produits cosmétiques. « Ce sont des technologies qui donnent accès aux différents composants du vivant,  » a déclaré à l’AFP Dominique Bernard, responsable de la Plateforme Omics chez L’Oréal Recherche et Innovation. « Depuis l’ADN, jusqu’au métabolite, c’est-à-dire la petite molécule produite par l’activité de la cellule  ».

En pratique, la cosmétologie a recours aux sciences omiques pour comprendre les mécanismes cellulaires de la peau et identifier des « cibles » d’action pour la mise au point de nouveaux produits.

© Olga Miltsova / shutterstock.com

L’utilisation des omiques a explosé avec le développement de techniques puissantes d’analyse, comme les puces à ADN. Ces outils de biologie moléculaire, qui reposent toujours sur une approche globale, sont désignés grâce à des néologismes formés sur le même modèle, tout au long de la chaîne des composants du vivant. La transcriptomique analyse comment un génome est traduit en protéines grâce aux ARN messagers (acide ribonucléique messager). La protéomique explore l’ensemble des protéines produites par un génome. La métabolomique se consacre à l’ensemble des métabolites d’une cellule.

« La complexité augmente à chaque fois : on parle de 21.000 gènes, mais on arrive à plusieurs centaines de milliers de protéines », souligne le biologiste.

Identifier des « cibles »

Les omiques peuvent ainsi générer des masses d’informations sur la biologie de la peau et du cheveu. La difficulté pour les industriels est d’arriver à en sortir les éléments pertinents pouvant conduire à la mise sur le marché d’un produit qui arrive à satisfaire le consommateur.

«  Nous devons créer des systèmes bioinformatiques capables d’extraire les informations les plus utiles de ces big data pour pouvoir, par exemple, analyser les différents types et sous-types de peau à travers le monde  », explique Dominique Bernard. « Nous cherchons aussi à trouver ce que nous appelons des ‘cibles’, parce que quand vous avez identifié une cible, vous pouvez développer de nouvelles molécules capables de moduler cette cible, et donc développer de nouveaux produits cosmétiques », poursuit-il. Par exemple de nouveaux actifs anti-âge.

Les technologies omiques vont également permettre de déterminer des « signatures » spécifiques à certains types de vieillissement, chrono-vieillissement ou photo-vieillissement dû à une exposition répétée au soleil. Puis de sélectionner des actifs pour essayer de « compenser » ces signatures.

« Ce qui est merveilleux avec la peau, c’est qu’elle est très accessible », relève le biologiste. « On a accès à sa surface et on peut déjà en tirer de nombreuses informations sans avoir à être invasifs ».

Au-delà de la peau

La sueur est aussi une source précieuse d’informations pour les industriels de la cosmétique. « Si vous connaissez la composition de la sueur, vous pouvez proposer un maquillage qui tient durablement sur la peau », indique Claudie Willemin, présidente de la Société française de cosmétologie, organisatrice du congrès. « Vous pouvez développer des produits qui évitent à la peau de briller, par exemple pour les pays avec un fort niveau d’humidité  », ajoute-t-elle.

Les scientifiques s’intéressent aussi de plus en plus au microbiome, ces centaines de millions de micro-organismes, comme les bactéries ou les champignons, présents à la surface de la peau et avec lesquels les cellules humaines « dialoguent » en permanence.

Les chercheurs récompensés

Le congrès de l’IFSCC est aussi l’occasion de remettre trois prix scientifiques. Cette année, le jury présidé par Patrice Bellon a récompensé :

 pour le Prix de la Recherche Fondamentale, Haruka Goto de la société Pola pour ses travaux sur un peptide antimicrobien le hBD-3 qui joue un rôle clef dans la survenue de l’acné durant la période prémenstruelle,
 pour le Prix de la Recherche Appliquée, Alban Muller qui, en collaboration avec l’Université de Rouen et la maison de parfum Payan Bertrand SA, propose une nouvelle stratégie pour la protection de la peau contre les allergènes de parfumerie. Le consortium a identifié et mis en œuvre un ingrédient de la famille des protéines, les prolamines qui crée sur la peau un film imperceptible, sans odeur ni couleur et assure une protection contre les allergènes présents dans le parfum au moment de la pulvérisation.
 pour le Prix du Meilleur Poster, Ezure Tomonobu de Shiseido, pour une nouvelle approche anti-âge basée sur le renforcement des structures d’attaches au niveau du derme pour un effet raffermissant du visage.

Pour son retour en France, le Congrès de l’IFSCC a rassemblé environ 1500 participants venus de 40 pays. «  Nous avons voulu un congrès qui n’aborde pas les avancées scientifiques par métiers (l’anti-âge, le capillaire, le solaire,...), mais montre réellement que la cosmétologie implique des expertises et des savoirs qui dépassent les frontières du seul secteur cosmétique  », fait valoir Mme Willemin.

La prochaine édition du Congrès de l’IFSCC se tiendra à Zurich, en Suisse, du 20 au 23 septembre 2015.