Revaloriser le parfum, cela ne peut pas uniquement passer par le fait d’augmenter les prix. Cela passe aussi par l’émergence d’un nouveau discours. - Photo : © David Tadevosian / shutterstock.com

Malgré l’émergence de la parfumerie confidentielle d’une part, considérée comme non-conventionnelle, et celle des amateurs-éclairés d’autre part, le discours de la plupart des marques de parfum, surtout en sélectif, peine à sortir des sentiers battus et à s’enrichir. Il reste en effet souvent limité à un niveau qui ne rend pas compte, non seulement de la complexité et de la profondeur d’une création olfactive, mais aussi de l’expérience esthétique qu’elle peut réellement proposer au porteur.

Les clients accueillent généralement très positivement un discours riche et stimulant lorsqu’ils y ont accès. Or, les contenus diffusés via les sites internet des marques ou les dossiers de presse, sont encore essentiellement construits autour de listes de matières premières visant à légitimer la valeur du produit, et de portraits génériques et stéréotypés d’homme ou de femme dans lesquels se projetteront (ou non) les clients. Ce niveau de discours semble pourtant avoir atteint ses limites vis à vis d’une génération de consommateurs qui rejette de plus en plus la généralisation et cherche à vivre des expériences sincères avec les produits qu’elle consomme.

N’allons pas croire cependant que tout était mieux avant, comme il est coutume de dire dans ces cas-là : le discours sur le parfum a toujours été marqué par une forte utilisation de stéréotypes et d’images fantasmées. En 1985, on pouvait lire dans un dossier de presse pour une nouveauté : “Ce parfum évoque toute la sensualité et la fougue d’une femme livrée à sa passion. Il crée le mythe d’une femme qui s’adonne à une obsession amoureuse et qui invite un homme à en faire autant.” Ce type de message aurait tout à fait pu être écrit en 2016. Cependant, en 1985, le parfum était encore vendu dans des espaces où le conseil avait une place plus importante, où la relation client était perçue et vécue comme moins mercantile qu’aujourd’hui. Et ce, d’autant plus que le conseil est resté pendant longtemps, une des seules formes d’éducation au parfum.

L’avènement de la parfumerie libre-service, à partir des années 90, a brisé le modèle sur lequel la vente de parfum était bâtie et a laissé la place à un discours qui, dans les grandes lignes, n’a pas évolué. Comme il échoue désormais à faire comprendre pourquoi il faut payer près de 70 euros pour un flacon de parfum (50ml), on parle alors de réenchanter la relation avec le client et de revaloriser le parfum.

Or, revaloriser le parfum, cela ne peut pas uniquement passer par le fait d’augmenter les prix. Cela passe aussi par l’émergence d’un nouveau discours de la part de celles et ceux qui font le parfum. Si les difficultés à rendre tangible ce sens par les mots sont bien réelles, elles sont de mieux en mieux affrontées par certaines marques, surtout dans la parfumerie confidentielle, qui ont compris que la transparence était synonyme de confiance, des valeurs particulièrement valorisées par les consommateurs de nos jours.

Des marques comme Nomenclature, qui met en avant de grandes molécules synthétiques, ou Parle Moi de Parfum, qui montre au public à quoi ressemble un laboratoire, entendent dévoiler l’envers du décor et démonter certains lieux communs sur le parfum. Cette démarche pourrait être à terme profitable à tous, professionnels et consommateurs. Car en suscitant des échanges plus intéressants et animés, on redonne de la substance à son produit et on est mieux armé pour démontrer sa singularité par rapport aux concurrents. À l’arrivée, cela pourrait avoir un impact positif sur la créativité, une notion qui est ardemment réclamée de part et d’autre, justement.