Pendant des années, de riches touristes chinois se sont rendus en Europe pour faire du shopping dans les boutiques de luxe du continent, mais lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé, le pays a introduit des restrictions draconiennes qui les ont empêchés de quitter le pays. Ces mesures ont également plongé la deuxième économie mondiale dans un ralentissement dont elle a du mal à se remettre, la confiance des consommateurs étant ébranlée et l’attitude à l’égard des achats haut de gamme commence à changer. Aujourd’hui, alors que la Chine sort de la brume du coronavirus, les marques de luxe tentent de faire revenir les acheteurs. Dans ce contexte difficile, elles souhaitent éviter d’être prises au piège des tensions commerciales entre l’Union européenne et la Chine.

Alors que le président chinois Xi Jiping est en France pour une visite d’État, le secteur du luxe espérer porter sur la table plusieurs dossiers sensibles.

Droits de douane et barrières réglementaires

L’UE a multiplié ces derniers mois les enquêtes sur les subventions étatiques chinoises à plusieurs secteurs industriels, notamment aux véhicules électriques. En réponse, la Chine a ouvert une enquête anti-dumping contre le secteur européen des spiritueux et menacé certains produits – notamment le cognac et l’armagnac – d’une hausse préventive des droits de douane.

Le 18 avril, à l’issue de l’Assemblée générale de LVMH, Bernard Arnault qui avait confié qu’il espérait que la visite du président chinois permettrait de faire baisser les tensions commerciales avec Pékin. « J’espère que nous pourrons poursuivre une collaboration économique solide avec la Chine ; il est souhaitable que les tensions économiques s’apaisent », avait-il souligné.

En ce qui concerne le cognac, ses voeux ont été exaucés, la hausse des droits de douane est, semble-t-il, suspendue.

Mais ce n’était pas le seul sujet d’inquiétude pour le luxe français, l’industrie des cosmétiques souhaite de son côté que la lourde réglementation que Pékin veut mettre en œuvre soit allégée. L’enjeu est de taille car les exportations du secteur français des parfums et cosmétiques sont l’un des rares domaines excédentaires, alors que la France accuse un déficit commercial annuel de 46 milliards d’euros avec la Chine.

« Pour que les échanges soient équitables, il faut aussi que les accès au marché des uns et des autres soient réciproques. Nous avons discuté de la manière d’engranger de réels progrès en matière d’accès aux marchés. Je reste convaincue que des améliorations sont encore possibles. Dans le même temps, nous sommes prêts à utiliser pleinement nos instruments de défense commerciale si cela s’avère nécessaire », a commenté la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à l’issue de la rencontre trilatérale avec le Président français Emmanuel Macron et le Président chinois Xi Jinping.

Ralentissement en Chine

Ces tensions commerciales interviennent au plus mauvais pour l’industrie du luxe. Plusieurs marques mondiales souffrent fortement du ralentissement du marché chinois. Le cabinet Bain & Company prévoit ainsi une croissance à un chiffre du marché du luxe en Chine cette année, contre 12% en 2023.

« Le ralentissement économique a un impact sur la confiance des consommateurs chinois de luxe », indique Lisa Nan, correspondant du Jing Daily spécialisée dans ce secteur. « On fait face à des consommateurs de plus en plus prudents et attentifs à la valeur des biens, qui vont aussi vérifier la valeur d’un sac sur le marché d’occasion avant d’acheter ».

Après les années Covid, on observe aussi un changement dans les habitudes des consommateurs. Certains consommateurs déclarent préférer voyager plutôt que d’acquérir des biens hors de prix.

Cette tendance transparaît dans le récent rapport de la société d’études Hurun sur les préférences des plus riches. « Il y a un vrai basculement vers des expériences de luxe, plutôt que des biens de luxe », explique Lisa Nan.

Les perspectives pour le secteur restent « compliquées », prévient Fflur Roberts, Head of Luxury Goods chez Euromonitor. « Cela étant, il y a encore en Chine plus de 2,5 millions de personnes avec une fortune personnelle nette de plus d’un million de dollars », note-t-elle.