Premium Beauty News - On assiste apparemment à une redéfinition de la beauté. Bien-être et vitalité semblent jouer un rôle de plus en plus important dans la désignation de ce qui est désirable et sexy.

Leila Rochet-Podvin - Aujourd’hui plus que jamais, la beauté est un passeport de la vie contemporaine. On le voit avec le développement de notre société de plus en plus narcissique où l’image de soi se partage sur la toile, surtout chez les « digital natives ». Mais le bien paraître est aujourd’hui intimement relié au bien-être. La beauté n’est plus que superficielle, elle est transcendée. Le nouveau graal est la beauté naturellement belle, saine, qui devient la nouvelle définition du glamour. On le voit avec la montée en puissance des « wellness gourous » (Chico Shigeta au Japon, Henri Chenot en Italie, Dr. Howard Murad aux États-Unis) et des nouvelles égéries montantes, les « healthy stars », qui sont désormais très suivies sur les réseaux sociaux (Erin Heatherton - adepte du yoga, Jessica Alba - créatrice de « The Honest Company », Gwyneth Paltrow – auteur de « All is good » et bloggeuse de « Goop », Elle Macpherson – créatrice du nouveau Super Elixir, un complément wellness…)

Béatrice de Reynal - Et de plus en plus, les femmes et les hommes savent que ce qu’ils mangent, vivent, bougent... se lit sur leur peau, sur leur visage mais aussi, dans leur façon de bouger et d’être. Ainsi, la beauté devient holistique. Elle est une synthèse d’un équilibre nutritionnel, d’une qualité de vie, de nourriture, de soins, d’activité physique, intellectuelle et spirituelle...

La beauté est la partie vivante de notre corps : ça se voit, ça se travaille, se module, se magnifie.

Premium Beauty News - Vous avez identifié pas moins de six tendances regroupées sous trois grandes thématiques : anti-industrie, néo-industrie, supra-industrie. C’est le rapport à la modernité industrielle qui définit le mieux les nouvelles attitudes de consommation ?

Leila Rochet-Podvin - À l’heure de l’hyperconnexion, de l’incertitude de notre monde (économique et planétaire), les modèles de consommation de jadis - verticaux, rigides, standardisés - sont en évolution. Le consommateur devient plus volatile, polymorphe et paradoxal et révolutionne sa façon de consommer. Nous avons donc catégorisé en 3 grandes tendances des modifications autour de notre modèle industriel, qui sont communes au monde de l’alimentaire et la beauté : 1/ ANTI-INDUSTRIE (à contre-pied du modèle de masse, une réinvention du monde autour de la pureté, de la nostalgie et la frugalité) 2/ NÉO –INDUSTRIE (puisant les avantages de notre société moderne pour nous offrir plus, pour une consommation YOLO - You Only Live Once- et plus nomade) et 3/ SUPRA- INDUSTRIE (plus scientifique, prédictive voir intégrative grâce à la puissance des nouvelles technologies et qui laisse la place à l’humain).

Béatrice de Reynal - Mais de façon contradictoire, la nutrition et les soins deviennent hypertechniques, ultra sophistiqués, très performants, et toutes les technologies modernes de connectique, génétique, métabolomique, électroniques, scientifiques... sont utilisées pour préserver et déployer toute la naturalité qui est en chacun de nous.

Premium Beauty News - Vous avez souhaité mettre tout particulièrement l’accent sur les synergies entre nutrition et cosmétiques. On l’observe au niveau des ingrédients actifs, mis qu’en est-il des produits finis ?

Leila Rochet-Podvin - Aujourd’hui, beauté, santé et bien-être sont intimement liés et on alimente le corps comme on alimente la peau. Lorsqu’on demande à une jeune femme ce qui est le plus important pour avoir une belle peau, la première réponse est « boire de l’eau ! »

Béatrice de Reynal - La peau est le miroir de notre santé : elle est un livre ouvert sur notre santé, mais aussi, notre personnalité, nos états d’âme... Nourrir sa beauté de l’intérieur est un art qui requiert instinct mais aussi, savoir-faire.

Premium Beauty News - Au niveau réglementaire, les frontières entre les différents univers sont en revanche plus figées. Il n’y a pas de définition juridique pour la cosméto-food par exemple. Quelles en sont les conséquences ?

Katia Merten-Lentz - Le droit est par nature, toujours assez “figé”. Il évolue lentement, une fois que les professionnels ont déjà bien avancé sur des innovations et donné le ton d’un nouveau courant. C’est ce qui va sans doute se passer pour la cosméto-food, si la tendance devait se confirmer.

À date, il n’y a pas de définition juridique de la cosméto-food, un peu comme il y a 10 ans, lorsqu’on parlait des « alicaments ». Ce secteur est néanmoins règlementé par le cadre légal du food : étiquetage, publicité et claims Mais des zones importantes d’incertitude demeurent quant à la réaction de l’EFSA aux premières demandes d’autorisation pour des claims cosmétos… la démonstration scientifique devra être TRÈS solide !

Premium Beauty News - Dans ce contexte vous invitez les marques à faire preuve d’audace pour introduire du sens dans leurs produits.

Leila Rochet-Podvin - Premièrement nous invitons les marques à avoir une perspective élargie par rapport à leur marché et à leur univers concurrentiel. Le consommateur n’est pas morcelé comme l’est notre industrie. Sortons des silos ! Ce qui se passe en alimentaire a une forte implication dans le monde de la beauté et ne doit plus être ignoré. Deuxièmement, on vit dans une époque formidable où tout est possible. La place de l’audace et de la créativité n’a jamais été aussi importante pour le consommateur, en plus des valeurs éthiques. C’est une belle autoroute pour l’innovation !

Béatrice de Reynal - Les parts d’estomac se resserrent. Chacun mange moins, mais souhaite manger mieux : meilleur pour la santé, pour la beauté, pour le plaisir. Les cosmétofood sont maintenant une réalité et il ne faut pas laisser passer cette opportunité de satisfaire des consommateurs exigeants qui veulent tout avoir. Le beau, le bon et le plaisir.