Difficile de toucher à un symbole ! C’est probablement la raison pour laquelle les marques restent prudentes en matière d’innovation concernant les rouges à lèvres. Mais du côté des fournisseurs, plusieurs projets semblent « dans les tuyaux ».

Tubes : la course à la sophistication

Pierre Marand, Rexam

Sur le créneau de l’emballage primaire, du tube proprement dit, le leader mondial est sans conteste le groupe britannique Rexam. Une position établie et consolidée au fil d’acquisitions successives, notamment de la société française Reboul et du géant chinois Derkwey à la fin des années 1990.

« Aujourd’hui, explique Pierre Marand le directeur de l’activité maquillage de Rexam, ce qui fait notre force, c’est aussi notre implantation industrielle mondiale (Europe, USA, Asie, Amérique du Sud) que nous avons d’ailleurs renforcée par la mise en place d’une véritable plate-forme mondiale pour nos mécanismes. »

Mais aujourd’hui, la puissance de Rexam repose tout autant sur ses capacités industrielles que sur la qualité de ses recherches et développements. « Les possibilités d’innovation sont encore grandes, souligne Pierre Marand. Nous l’avons d’ailleurs prouvé avec les nouveaux traitements de surface des tubes de la série High Shine de Dior ».

Dior Addict High Shine

Et ce n’est sans doute pas fini, notamment dans le domaine du décor. « L’innovation packaging reste un challenge, ajoute Pierre Marand, dans la mesure où la gestuelle d’utilisation est devenue quasi naturelle pour la consommatrice. C’est aussi une réelle opportunité pour nous. Nous y travaillons toujours beaucoup et cette année sera l’occasion pour nous de communiquer sur ces thèmes. »

Jacques Cohen, Axilone USA

Pour Jacques Cohen, le président d’Axilone USA : «  Il est clair que le tube de rouge à lèvres concentre ce que l’on sait faire de mieux en termes de transformation de plastique, de métal et de décoration. Il s’agit de produire un objet esthétique, qui apporte aux consommatrices les fonctionnalités attendues, tout en préservant l’intégrité des formules. Il est donc indispensable de disposer de process variés et d’une excellente maîtrise des technologies. En matière de parachèvement, il faut être le meilleur sur toutes les techniques ».

De ce point de vue, le dernier tube réalisé par Axilone pour MAC est un exemple très parlant. Il intègre plusieurs laquages, du marquage à chaud, et bien d’autres techniques, sans oublier la fabrication et l’assemblage des composants plastiques et métalliques.

MAC Monogram Collection

Local et global

Stéphane Tondenier, Alcan Packaging Beauty

La capacité de servir localement des clients globaux fait aussi partie des grands enjeux du moment. À l’instar de Rexam, Alcan Packaging Beauty en fait un acte majeur de sa stratégie depuis fin 2006. « Sur chaque région du monde, Europe, Amériques, Asie, nous allons être en mesure de fournir ce type de service à nos grands clients mondiaux », explique Stéphane Tondenier, Vice Président Commercial et Marketing de l’activité Parfums et Cosmétiques d’Alcan Packaging Beauty.

Alcan affiche aujourd’hui sa volonté d’intégrer le peloton des trois leaders du secteur au cours de l’année 2009. « Pour cela, nous avons mis les bouchées doubles », souligne Stéphane Tondenier. «  Chaque usine sera capable d’offrir de multiples technologies d’injection et de parachèvements en utilisant notre implantation industrielle globale, où l’expertise capitalisée depuis des années déjà sur les segments parfumerie, soins et cosmétiques représente un atout de taille ».

Grâce à cette stratégie, Alcan est actuellement impliqué dans huit lancements majeurs mondiaux. « Nous prévoyons de doubler notre chiffre d’affaires 2009 sur le segment du rouge à lèvres par rapport à l’année dernière, » affirme Stéphane Tondenier.

Pour le responsable d’Alcan Packaging Beauty, « il est clair que tout se joue et se jouera au niveau des capacités de décors et de parachèvements ».

Disposer d’une capacité industrielle globale n’est bien sûr pas le seul facteur de réussite. À côté d’entreprises comme Rexam, Risdon, Axilone, HCP, Shia Shin, et Alcan, d’autres acteurs tirent également très bien leur épingle du jeu.

La société allemande Oekametall, par exemple, qui possède, selon Gerald Oehlhorn, son dirigeant, « quatre atouts majeurs » : « un bon mécanisme bien éprouvé, évidemment, sans lubrifiant, une intégration totale de la fabrication y compris l’injection, le parachèvement et l’assemblage, le fait d’être une entreprise familiale où les décisions se prennent rapidement, le fait aussi d’être une entreprise allemande qui a su s’adapter aux contraintes internationales et aux autres cultures ».

L’innovation face à une gestuelle éprouvée

Quant à l’innovation « mécanique » sur la gestuelle d’utilisation du rouge à lèvres, là prudence ! «  Nous avons bien sûr de multiples solutions dans nos cartons, précise Stéphane Tondenier, mais le rouge à lèvres reste un produit plutôt traditionnel et il ne faut pas s’attendre pour l’instant à de grands changements, même si on a pu voir apparaître ces derniers temps quelques tentatives nouvelles ».

Chez Texen, l’innovation est plutôt centrée sur le processus industriel. «  Nous détenons un mécanisme breveté avec une pièce de moins que ceux des confrères, » explique Georges Lachas, le directeur commercial. Ce qui n’interdit pas à l’entreprise d’explorer des voix différentes concernant l’utilisation des produits. « Les évolutions majeures sont plus tournées vers les possibilités de rouge à lèvres double avec un connecteur, » précise Georges Lachas.

Pour Eric Bigotte, Risdon (40 % du chiffre d’affaires dans le tube de rouge à lèvres) : « L’innovation a principalement consisté chez nous à lancer un rouge à lèvres ‘une main’ avec un mécanisme non rotatif, illustré par le ‘Pro to Go’ de Avon. Risdon est le créateur et détient la licence du tube poussoir et nous sommes en train de développer un lip gloss et un mascara sur le même principe ».

Avon Pro to Go

Mais pour Jacques Cohen d’Axilone USA, si l’exemple du tube poussoir permettant l’utilisation avec une seule main reste évidemment une idée intéressante, elle ne semble pas devoir se développer. « Les arguments marketing sont évidents mais il est rare que nos clients nous mentionnent cette caractéristique dans leurs nouveaux développements ».

Opinion partagée par Georges Lachas, Texen : « Le modèle de Chanel semble un vrai succès, mais à ce jour ce choix, semble se cantonner aux produits de protection ou de soin, mais en dehors de Chanel peu de maquillage. »

Un produit « anti-crise » ?

« Le rouge à lèvres est un produit à part dans l’univers des produits cosmétiques et de maquillage », explique Jacques Cohen d’Axilone USA. C’est, pour beaucoup de consommatrices, un objet de luxe accessible et qui dure dans le temps. «  Aux États-Unis, son prix est bien souvent inférieur à 20 dollars, même pour les grandes marques. Les consommatrices utilisent souvent plusieurs couleurs depuis de nombreuses années et ce n’est pas encore assez cher pour que les femmes fassent l’impasse sur le bien être qu’il procure ».

Une analyse partagée par Florence Robilliart, Intercos : «  Nous pensons que le maquillage dans sa globalité va moins souffrir que d’autres segments de la beauté, en particulier le rouge à lèvres qui reste un élément indispensable dans la panoplie de base du maquillage d’une femme ».

Plus de prudence en revanche du côté d’Eric Bigotte, Risdon : «  Le rouge à lèvres va souffrir du climat actuel car, comme le parfum, l’offre est très grande et le consommateur est un peu perdu. En revanche il est vrai que le tube de rouge est presque devenu un bijou, et correspond à un certain statut social où la mode joue à plein. Je ne serai pas surpris de voir apparaître des lignes de rouges à lèvres et de maquillage issues de célébrités ».

Et la concurrence du gloss alors ? Pour Georges Lachas, le débat n’a pas vraiment de raison d’être. «  Les gloss ont certainement pris une part sur le volume global des rouges classiques, mais le volume global rouges et gloss est bien supérieur aux rouges seuls. Le gloss a gagné de nouvelles parts de marché chez les moins de 30 ans notamment, et la notion de gloss est souvent complémentaire,une utilisatrice de gloss n’a pas automatiquement abandonné le rouge classique, c’est une diversification plus qu’une substitution ».