Laurence Mulon

Premium Beauty News - D’abord, qu’est-ce que REACH ?

Laurence Mulon - Le Règlement européen sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et la restriction des substances chimiques (Registration, Evaluation, Autorisation of Chemicals) est entré en vigueur le 1er juin 2007 avec pour objectif d’évaluer les risques pour la santé et l’environnement des substances commercialisées en Europe à partir d’une tonne par an. Le principe de Reach est simple : « No Data, No Market ».

D’autre part, il y a aussi une obligation pour les industriels de partage des données dans le cadre de cette évaluation, notamment dans le but de diminuer les tests sur animaux vertébrés.

Premium Beauty News - En quoi consiste la procédure d’enregistrement ?

Laurence Mulon - Elle est devenue obligatoire depuis le 1er juin 2008. Les substances déjà commercialisées en Europe et qui ont été préenregistrées bénéficient d’une période transitoire en fonction de leur tonnage. La première échéance est fixée au 30 novembre 2010 pour les substances de plus de 1000 tonnes par an, les R50/53 de plus de 100 tonnes par an et les CMR 1 et 2. Deux autres délais sont les suivants : 2013 pour les plus de 100 tonnes par an et 2018 pour les plus de 1 tonne par an.

L’enregistrement a un coût plutôt élevé et il faut s’attendre à la disparition de substances que les fournisseurs ne voudront pas soutenir, ainsi qu’à l’augmentation du coût des substances qui seront enregistrées.

Premium Beauty News - Comment REACH s’articule-t-il avec les exigences réglementaires cosmétiques ?

Laurence Mulon - La réglementation cosmétique européenne a évoluée. Les tests sur les animaux ont été supprimés pour les produits, et pour les ingrédients selon un échéancier précis, l’étiquetage des allergènes de parfumerie est obligatoire et l’utilisation des CMR 1 et 2, et de certains éthers de glycols, est désormais interdite.

Concernant les ingrédients cosmétiques, REACH vient s’ajouter aux exigences de la réglementation cosmétique.

Cependant, il y a des exigences contradictoires de ces deux réglementations dans le cadre de l’évaluation toxicologique des substances rentrant dans les ingrédients cosmétiques : les tests sur animaux qui sont interdits par la réglementation cosmétique sont prévus par REACH. Dans une mise au point, la Commission a indiqué que cette évaluation toxicologique pourrait être réalisée par des tests sur animaux pour tout usage n’entrant pas dans le champ de la cosmétique.

Premium Beauty News - Comment dans ces conditions concilier exigences réglementaires et innovation ?

Laurence Mulon - Il existe pour les fabricants de cosmétiques et de parfums de nombreuses sources d’inspiration et d’innovation, qu’ils utilisent des substances chimiques définies ou des substances naturelles. Les premières sont prises en charge par REACH, mais pour les secondes c’est plus délicat. Le règlement REACH n’est pas adapté à leur spécificité car il ne gère ni la complexité ni la variabilité.

C’est pourquoi les organisations professionnelles constituant la chaîne de production et d’utilisation des substances naturelles ont établi une position commune, présentée à la Commission Européenne (novembre 2007) et à l’ECHA fin 2008.

Premium Beauty News - Comment pensez vous qu’il faille réagir face à REACH ?

Laurence Mulon - Je pense que les contraintes de REACH devraient pouvoir stimuler l’apparition d’innovations.

Tout d’abord par le sourcing de nouvelles matières premières qui soient à la fois plus respectueuses de l’environnement, plus éthiques et plus « naturelles ».

Mais également par des innovations de procédés de fabrications plus « verts », par des reformulations utilisant de nouvelles combinaisons d’actifs ou de nouvelles textures.

Enfin, des innovations organisationnelles doivent s’opérer intégrant les notions de substance (au lieu de matière première) et de développement durable à tous les niveaux de la Supply Chain.

Premium Beauty News - Quel est le futur de l’innovation ?

Laurence Mulon – Quand on regarde en arrière, les produits de l’industrie de la beauté ont sans cesse été soumis à des contraintes qui ont stimulées l’innovation. À l’avenir on va observer une augmentation de ces exigences réglementaires mais aussi une augmentation des pressions au niveau Européen et International, à travers les médias et les ONGs. Ces nouvelles exigences deviennent le moteur de l’innovation.