Prolonger la tendance bio

Les filières équitables et éthiques qui commencent à se structurer en parfumerie et cosmétique apparaissent comme un prolongement de la tendance bio. Le défi est de taille : proposer des produits élaborés dans le cadre de filières d’approvisionnement responsables, accordant autant d’attention à l’environnement qu’aux êtres humains.

L’objectif est de ne pas perdre de vue le souci d’équité et de partenariat social qui animait, notamment, les pionniers du bio. Au moment où, à grands renforts de normes, de labels, et avec l’entrée sur le marché de multinationales et de marques de distributeurs, le bio tend à devenir une question purement technique, les filières éthiques cherchent à renouer avec le pilier social du développement durable.

« C’est la suite logique de notre engagement il y a six ans dans la fabrication de compositions parfumées naturelles, » explique ainsi François-Patrick Sabater, Pdg de Technico Flor, créateur et fabricant de compositions aromatiques pour la parfumerie. Quant à la filière d’approvisionnement en beurre de karité mise en place par L’Occitane, qui regroupe cinq coopératives et fait travailler près de 12 000 femmes au Burkina Faso, elle résulte, explique Maud Reboul, Chef de Projet Ingrédients & Filières durables de L’Occitane, de l’engagement d’Olivier Baussan, le fondateur de la marque, il y plus de trente ans, en faveur de ce qui ne s’appelait pas encore développement durable.

Ecocert, avec le lancement de son référentiel "ESR - Equitable, Solidaire, Responsable" et Cosmébio qui a fait évoluer sa charte pour prendre en compte les questions éthiques et équitables sont dans la même logique.

Élargir l’offre

La Table Ronde « Parfums et Cosmétiques Équitables » avait pour objectifs principaux une meilleure compréhension du concept de commerce équitable et la mise en relation des acteurs engagés. Julie Stoll (Plateforme Française du Commerce Equitable - PFCE), Maud Reboul (L’Occitane en Provence), Patrick Collin (Golgemma), François-Patrick Sabater (Technico Flor), Jérôme Vaquier (Ecocert) ont présenté leurs actions dans ce domaine et échangé avec les marques et les parties prenantes réunies à cette occasion.

Parmi les priorités mises en avant par les différents protagonistes, la nécessité de développer l’offre est apparue au premier plan. Le marché des parfums et cosmétiques issus du commerce équitable reste encore très marginal en France et l’offre demeure confidentielle, contrairement au marché anglais tiré par des grandes marques dynamiques et par un engouement avéré des consommateurs.

Les différents participants ont cependant admis que les filières équitables demeurent encore peu nombreuses. La plus grande difficulté ne tenant pas tant aux surcoûts éventuels qu’au temps nécessaire pour véritablement structurer les filières et obtenir les qualités souhaitées. « Mais cette un démarche progressive, avec différents paliers, on n’est pas obligé de tout faire tout de suite, il faut s’engager dans une démarche de progrès avec une planification sur 2 ou 3 ans, » tempère Claudie Ravel, Directrice générale et responsable marketing de la société Guayapi, parmi les pionniers en France dans ce domaine.

D’où l’importance de fédérer toutes les parties prenantes et de développer les partenariats pour développer des programmes équitables. « En partageant notre expérience, nous espérons susciter l’intérêt d’autres opérateurs qui pourront également à leur tour travailler avec les producteurs que nous soutenons, les rendant ainsi moins dépendants de L’Occitane, » explique Maud Reboul.

Créer de la valeur

Une fois les filières mises en place, la création de valeur semble en revanche au rendez-vous. Notamment du fait d’une amélioration sensible de la qualité des matières produites, grâce au renforcement des liens et de la coopération avec les fournisseurs.

« Notre retour sur investissement -humain et financier- est bel et bien bénéficiaire pour les producteurs à Madagascar et pour Golgemma. C’est véritablement un cercle vertueux social, commercial et environnemental, » explique Patrick Collin, Directeur général de Golgemma, entreprise spécialisée dans la production et le négoce d’huiles essentielles bio, d’hydrolats et d’huiles de macération.

Même position pour François-Patrick Sabater, pour qui : « Le commerce équitable génère une réelle dynamique au sein de Technico Flor, mais aussi auprès de nos clients et fournisseurs. Cette démarche nous conduit à davantage de transparence et exalte notre créativité. Par ailleurs, notre engagement en faveur du développement durable s’est fortement enrichi. Pour preuve, l’ensemble de nos parfums peuvent aujourd’hui bénéficier d’excellentes huiles essentielles équitables. »

Une démarche qui devrait donc rapidement susciter davantage d’intérêt tant parmi les industriels que les consommateurs, même si comme le rappellent tout les parties prenantes, ce n’est pas une panacée universelle. En effet, par définition, les filières équitables ne concernent que certains producteurs et laissent les autres dans le cadre des échanges classiques.