Ulrich Griebel, Directeur de STABILO Cosmetics

Premium Beauty News - Quels sont les points forts de Schwan STABILO Cosmetics à l’heure actuelle ?

Ulrich Griebel - Schwan STABILO reste le leader mondial des crayons cosmétiques. Ceci n’est pas une évidence, car le marché actuel est totalement différent de celui d’il y a 5 ou 10 ans. Les acteurs sont tout simplement plus nombreux.

Mais nous avons commencé très tôt à étendre notre base régionale à des sites internationaux. Nous produisons là où nos marchés sont les plus dynamiques. C’est une stratégie parfaitement éprouvée. Nous disposons désormais de six sites à l’étranger. Le dernier site en date se situe au Mexique et a été fondé en 2008. C’est un marché très important, puisqu’il représentait, il y a peu, le plus gros marché d’Amérique latine. Il a depuis été devancé par le Brésil, où nous produisons avec succès depuis quelques temps déjà.

Notre stratégie a démontré toute son efficacité en particulier durant la crise, l’année dernière. Comme l’Amérique latine est sur une pente ascendante très nette d’un point de vue économique, la crise a été nettement moins sévère qu’en Amérique du Nord ou en Europe. Il en va de même pour l’Asie.

Schwan STABILO jouit ainsi d’une bonne situation sur le plan international. Nous ressentons certes les effets de la crise, surtout aux États-Unis, où même de grandes entreprises de biens de consommation établies et stables, commercialisant des produits ne relevant nullement du segment des produits de luxe, ont fait face à fléchissement de 7 à 8 %.

Schwan STABILO a bien su maintenir sa position. Nous avons clos l’exercice comptable de l’année dernière à plus de 180 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous enregistrons certes un recul de 2 % par rapport à l’année précédente, mais nous avons parallèlement pu consolider nos données et notre base financières via une gestion des liquidités adaptée. Nous jouissons aujourd’hui d’une situation plus avantageuse et plus sûre qu’il y a un an. Voilà pour les grandes lignes.

Nos activités de base restent inchangées (nous sommes à cet égard, sans conteste, très réguliers, persévérants et endurants) : les crayons cosmétiques. En font partie les crayons traditionnels en bois et les crayons cosmétiques à tailler à capuchons en plastique, ainsi que les crayons mécaniques au format « slim » et nos eye-liners liquides (produits liquides) sous forme d’encres cosmétiques libres et d’eye-liners à encre. Sans oublier nos mascaras qui représentent un secteur avec une évolution très positive au cours des dernières années et qui est en passe de devenir partie intégrante de notre activité de base.

Premium Beauty News - Quels étaient les derniers investissements majeurs de l’entreprise ?

Ulrich Griebel - Comme je le disais, nous avons ouvert avec succès un nouveau site de production au Mexique, l’année dernière. Une usine de production pour l’injection plastique de pointe et dédiée aux nouvelles technologies (telles que la technique 2K) et d’une valeur de 6 millions d’euros a également été fondée à Weissenburg (Allemagne).

De plus, nous nous consacrons activement au développement de procédés de décoration. Une approche qui constitue un certain défi, puisqu’un crayon « brut » n’offre que peu de possibilités de variations. Il est par conséquent d’autant plus important de créer de nettes différentiations et de doter les crayons cosmétiques d’une valeur ajoutée au moyen de designs innovants ou d’effets visuels et haptiques.

Par ailleurs, nous avons fortement investi dans le domaine des produits liquides (eye-liners liquides). Il existe une série de nouveaux modèles (tels que les « Dip-Pen »), un grand nombre d’encres, de nuances nouvellement élaborées et bien plus encore.

Un autre champ d’action et un défi considérable est celui sur la reformulation de textures cosmétiques en vue de satisfaire à la législation actuelle. Je pense ici plus particulièrement au D5 (Décaméthylcyclopentasiloxane). Une matière première de base réputée, utilisée en quantités importantes, en particulier dans les cosmétiques et qui est encore autorisé, mais qui sera vraisemblablement interdite dans certains pays, dès l’année prochaine. Dans ce contexte, nous avons pu suggérer des approches de solutions allant même au-delà de la simple substitution du D5. Outre la première approche consistant à remplacer le D5 par un composant adéquat, nous sommes parvenus, à l’aide de compositions exemptes de D5, à optimiser les caractéristiques des produits.

En outre, nous avons entre-temps également résolu la problématique des matériaux d’emballage exempts de PVC et sommes présents sur le marché avec ces produits. Ce point est également résolu.
Si l’on considère la globalité de ces thèmes de mise en conformité qui se répercutent dans les diverses législations, et elles étaient relativement nombreuses au cours des 2 dernières années, nous avons sans distinction obtenu de bonnes solutions, sommes déjà présents sur le marché avec nos produits et gagnerons grâce à eux certainement en parts de marché en 2010.

Premium Beauty News - Quels ont été les lancements marquants de l’année 2009 pour Schwan ?

Ulrich Griebel - En fait, l’année 2009 n’a pas été empreinte de nouveaux procédés, mais elle a marqué la fin de nombreuses problématiques en suspens, telles que le D5 dont je viens de parler, qui vacille depuis déjà 3 ou 4 ans au sein de la branche, déstabilise l’industrie cosmétique et engendre régulièrement des changements de politique. Il n’y avait jusqu’alors aucune bonne réponse, mais nous avons traité un grand nombre de thèmes de ce type en 2009 pour nous consacrer désormais sereinement à des thèmes novateurs et porteurs d’avenir.

Premium Beauty News - Le contexte économique actuel ne porte-t-il pas préjudice aux efforts de durabilité ? Quels sont les objectifs du groupe Schwan dans le domaine de l’environnement ?

Ulrich Griebel - Je pense que cela ne fait aucun doute. Les jeunes pousses qui se sont imposées sur le marché et plus précisément dans les secteurs des cosmétiques bio, de la durabilité et du respect de l’environnement sont certainement toujours présentes. Mais la tendance forte qui s’est dégagée il y a 1 ou 2 ans et qui est à l’origine du vif intérêt pour ce sujet est actuellement à la baisse. À cet égard, l’on note actuellement une tendance de retour aux fondamentaux.

D’un autre côté, nous pouvons cependant constater que les entreprises qui évoluaient déjà dans ce secteur par le passé et qui suivent ces thèmes depuis plusieurs années déjà, restent actives. Elles poursuivent leur croissance même en temps de crise, peut-être plus lentement qu’auparavant, mais elles se développent et nous supposons qu’à moyen et long terme, les thèmes axés sur l’environnement se seront totalement ou plus largement imposés.

Dans ce secteur, Schwan STABILO s’est développée de manière avérée, mais il ne s’agit pas là de révolutions. Nous avons par exemple toute une gamme de produits certifiés Ecocert, c’est-à-dire que nous pouvons désormais proposer toute notre gamme de crayons à tailler en tant que produits cosmétiques naturels et en tant que produits certifiés selon les normes Ecocert, et ce, pas uniquement avec une seule texture mais dans les catégories les plus diverses. Nous sommes parallèlement en train de développer les secteurs des mascaras, des eye-liners liquides et des crayons mécaniques.

Premium Beauty News - À votre avis, quelles tendances vont marquer durablement le milieu des cosmétiques dans les années à venir ?

Ulrich Griebel - Je pense qu’il convient de faire une distinction à cet égard entre l’avenir proche et ce qui pourrait affecter le secteur bien au-delà.

Ce que 2010 nous réserve se dessine d’ores et déjà nettement. La concurrence dans ce secteur sera vraisemblablement plus rude que jamais. Toutes les marques, tous les fabricants luttent pour des parts de marché.

Nous constatons dans certains marchés que le segment des produits de prestige, qui est sorti quasiment indemne des cycles économiques au cours des dernières années, semble cette fois plus touché.

De plus, il n’est pas du tout certain que les consommateurs reviennent à leurs anciens modes de consommation traditionnels au sortir de la crise économique. Il se peut donc tout à fait que le commerce suscite des décalages au sein des segments, entraînant ainsi une hausse sensible de la pression sur les canaux de distribution ainsi qu’une pression nettement plus forte exercée par les canaux de distribution. On assiste ici à une lutte effrénée des prix, tant du côté des fournisseurs que du côté des marques. La lutte des prix domine actuellement sans aucun doute l’ensemble du secteur !

Premium Beauty News - Quel message aimeriez-vous transmettre en cette fin d’année à l’ensemble de l’industrie cosmétique ?

Ulrich Griebel - Mon message est à vrai dire relativement clair. Les luttes de prix, les batailles pour décrocher des parts de marché, via le « discounting » de produits sont, à mon avis, concevables, mais à moyen et à long terme, la question cruciale est de savoir comment attirer les consommateurs et les consommatrices dans les magasins.

Ici aussi, il est clair que les consommateurs et les consommatrices ne franchiront la porte des magasins que s’ils sont assurés d’y trouver des produits captivants, passionnants et palpitants. Si les produits ne sont que moins chers, alors nous assisterons à court ou moyen terme à une suspension des achats et à une grève des acheteurs. Les clients n’achèteront alors plus ni tel produit moins cher ni tel autre produit plus avantageux, et ce, peu importe la marque.

L’industrie doit renouer avec des innovations émerveillant à nouveau les consommatrices et consommateurs. Les luttes de prix ne peuvent qu’être un intermède.

Premium Beauty News - En conclusion, comment envisagez-vous l’évolution de Schwan STABILO Cosmetics en 2010 ?

Ulrich Griebel - Nous escomptons une stabilisation l’année prochaine. Des modifications auront définitivement lieu. Des modifications entre certains segments, des modifications au sein des chaînes de livraison, des modifications dans la relation client, mais ceci se stabilisera en 2010. Le paysage sera alors peut-être quelque peu différent par endroits et je pense que nous atteindrons alors une nouvelle base nous permettant d’évoluer à nouveau vers des thèmes porteurs d’avenir autour des concepts de produits, de l’orientation vers le client et de l’innovation.

Propos recueillis par Dr Kerstin Lötzerich-Bernhard (décembre 2009)