Alors que le dernier trimestre 2008 a été marqué par la confirmation de l’entrée en récession des États-Unis et de plusieurs économies européennes, Nathalie Dessirier met en garde : «  il ne faut pas se tromper de crise concernant les cosmétiques ». Pour l’industrie cosmétique, le plus grand danger pourrait ne pas être la crise de liquidités mais la crise de confiance, la perte de la valeur symbolique des produits.

L’écologie et les divergences sociales

De ce point de vue, répondre aux préoccupations de développement durable reste, selon elle, un enjeu prioritaire. D’autant qu’une réelle méfiance vis-à-vis des cosmétiques conventionnels s’est installée parmi les consommateurs. Elle se traduit, par le développement des produits « bio », et par un fort besoin d’information et de transparence concernant la fabrication des produits, les ingrédients et leur provenance.

L’autre facteur qui permet de comprendre l’évolution des besoins et des tendances de consommation, c’est la divergence qui apparaît au niveau mondial entre, d’une part, la montée en puissance d’une nouvelle strate de consommateurs riches dans les pays émergents, et, d’autre part, la précarisation des classes moyennes, y compris dans les pays développés.

Acheter moins mais mieux

Selon la co-fondatrice de l’agence Cap beauty, les tendances majeures de la période à venir peuvent déjà être entrevues : «  Le repli sur soi, le besoin d’être rassuré, et au final consommer moins mais juste… Être acteur dans sa consommation, arbitrer sur le choix et le budget alloué aux achats mais, et on serait tenté de dire heureusement, avoir toujours envie de se faire plaisir quand l’occasion se présente ».

Pour Nathalie Dessirier, l’industrie de la beauté a donc tout intérêt à remettre le consommateur au cœur de sa problématique, c’est à dire « revenir aux fondamentaux, comprendre les besoins du client et l’accompagner dans sa démarche d’achat ». En l’occurrence « avoir une approche éthique et durable, et expliquer son produit en toute transparence, car aujourd’hui le consommateur se sent manipulé par les marques. »

Rendre le rêve durable

Il faut continuer à faire rêver, à dynamiser les rayons mais sans tomber dans la spirale des lancements…. En clair, « revenir à des innovations pragmatiques, plus ancrées dans le temps et s’inspirer d’univers différents ».

Les campagnes de communication que l’on voit fleurir sur des notions comme l’éco-responsabilité, l’authenticité, la transparence et les « services/conseils » prouvent qu’un certain nombre d’acteurs économiques a bien compris l’importance de ces nouvelles démarches.

Coty avec le lancement pour Home Skin Lab d’un protocole personnalisé et « coaché », Olay qui propose une consultation personnalisée illustrent la tendance vers davantage d’individualisation des services… En matière d’éco-responsabilité, la campagne d’Aveda « 100 % wind power » est une parfaite illustration du genre. En ce qui concerne la volonté d’information, d’éducation et de transparence, Burt’s Bees et sa campagne d’information sur les ingrédients, ou bien Yves Rocher pour sa gamme Culture Bio, sont de bonnes illustrations. Enfin, en matière de marketing « vrai », il suffit de se souvenir de Dove et sa campagne pour révéler la beauté de toutes les femmes.

Ré-enchanter la beauté

«  En même temps, il faut que le marché de la beauté continue de faire rêver et continue de créer un lien émotionnel, » insiste Nathalie Dessirier. Le consommateur n’est pas à paradoxe, surtout quand il s’incarne simultanément dans un riche Indien avide de luxe et dans un employé européen serrant son budget.

Dans le domaine du rêve, les actions entreprises sur d’autres créneaux de consommation sont riches d’enseignements. Nespresso, par exemple, a su markéter un produit de grande consommation comme une marque de luxe.

Des succès similaires existent dans le monde de la beauté, comme Serge Lutens qui reçoit sa cliente dans un salon privé où la ligne de maquillage lui est présentée et expliquée en toute discrétion.

En conclusion, affirme Nathalie Dessirier «  la crise est un moment de rupture mais elle permet l’émergence de nouvelles opportunités (e-commerce), de nouveaux marchés (le bio), d’innovations techniques. Mais pour être audacieux et innovant, il faut écouter le consommateur, bien connaître le marché, être curieux de tout ce qui se passe, notamment sur les marchés annexes ».