Jonathan Cohen, DuPont

Premium Beauty News - Quelques mots sur votre groupe et sa présence sur le marché de la beauté.

Jonathan Cohen - On ne le sait pas toujours, mais DuPont a plus de deux cents ans d’existence. Nous avons été créés en 1802. Aujourd’hui DuPont emploie quelque 57 000 personnes réparties dans 70 pays et notre service Recherche et Développement compte 75 laboratoires dans le monde. En 2008, notre chiffre d’affaires a dépassé les 30 milliards de dollars.

Dans le domaine de la beauté, DuPont est actif à la fois sur le marché des ingrédients cosmétiques et sur celui du packaging. Au sein de notre offre packaging, on trouve le Surlyn® utilisé pour ses propriétés esthétiques, de résistance chimique et d’optimisation des coûts pour les bouchages de parfums ou les pots de crèmes, mais aussi les flacons extrudés-soufflés résistants à la rayure ou transparents. Nous offrons également le Selar® PA pour les mascaras et les vernis a ongles, ainsi que le Tynex® pour les filaments de brosse. Parmi nos nouveautés, nous lançons en ce moment la technologie de surmoulage Surlyn® 3D pour aider les marques à mieux encore différencier leurs emballages de luxe, et des bio-matériaux a haute performance comme le Biomax®.

Premium Beauty News - Sur le plan environnemental, vous vous êtes fixé des objectifs à court terme !

Jonathan Cohen - Très court terme, même ! Nous avions des objectifs de développement durable pour 2010 depuis 1990 que nous avons atteints en 2007 ! Nous avons donc décidé de nous fixer de nouveaux objectifs pour 2015. Concrètement, en ce qui concerne les rejets dans l’atmosphère des émissions de gaz à effet de serre, nos usines les ont déjà réduits de 72 % depuis 1990 et nous les réduirons encore de 15 % d’ici à 2015. Nous avons également des objectifs importants sur la qualité de l’air, l’utilisation d’eau ou nos flottes de véhicules.

Mais ce qui est vraiment ambitieux, c’est que nous nous sommes fixés, en plus de ces objectifs de réduction de notre propre empreinte environnementale, des objectifs pour aider nos clients à réduire leur empreinte d’ici à 2015. Par exemple, nous avons comme objectifs de vendre 2 milliards de dollars de technologies et nouvelles matières qui permettent de réduire les émissions en CO2 ou d’économiser de l’énergie. Nous voulons aussi doubler nos revenus qui ne sont pas liés à l’utilisation de ressources fossiles d’ici 2015. Et nous investissons en R&D en conséquence dans les matières d’origine renouvelable par exemple. Chez DuPont, le développement durable n’est pas perçu comme une contrainte ou une nécessité mais il est partie intégrante de notre mission et de notre stratégie. C’est un vrai moteur de croissance.

Premium Beauty News - Le marché du packaging beauté est-il vraiment mûr ?

Jonathan Cohen - C’est vrai que pendant longtemps, seules les marques qui avaient un positionnement "vert ou naturel" ont activement regardé des technologies d’ingrédients ou d’emballages qui cherchent à réduire l’empreinte environnementale. Les autres firmes se sentaient moins concernées, d’autant plus que la majorité des consommateurs ne considéraient pas l’environnement comme un critère de choix en matière de beauté et encore moins de luxe. Mais les choses ont changé. Il suffit de voir d’ailleurs le nombre de produits de beauté sortis sur le marché avec des objectifs environnementaux clairement affichés. Nous avons même assisté à un véritable boom en 2008 et 2009. Aujourd’hui, la plupart des grands acteurs ont des ambitions affichées, mais ils sont intransigeants avec la qualité. Et ils ont raison.

La tendance du packaging vert est là... Mais toute la question, évidemment, est « qu’est ce qu’un packaging durable ? » Là, nous avons droit à tout, mais ce n’est pas clair pour les consommateurs et pour la plupart des acteurs de l’industrie : biodégradable ou compostable ? réduction de C02 ou des autres Gaz a effet de serres ? plastiques bio-derivés ou carton issu de bagasse ? recyclable ou recyclé ?... Il y a beaucoup de confusion sur ce qu’il faut faire et ce que l’on peut faire.

Premium Beauty News - Quelle est votre vision ?

Jonathan Cohen - Nous essayons avant toutes choses d’être pragmatiques ! Un packaging doit avant tout servir pour ses fonctionnalités et sa performance. Le packaging n’est pas qu’un déchet. Tous les emballages ont une valeur : ils sont utilisés pour protéger le produit, réduire les pertes de produits (qui sont souvent bien plus consommatrices de ressources que le packaging lui-même), communiquer avec le consommateur, et dans le luxe et la beauté, ils sont souvent aussi une part intégrante du produit soit par leur nature d’objet d’art ou de collection (pensez aux flacons de parfums par exemple) ou pour leurs applicateurs qui rendent un produit nomade. Ceci étant dit, il faut optimiser le packaging et ne pas en mettre trop. Le design durable devient et deviendra donc de plus en plus important. Comment trouver le bon équilibre entre performance, environnement et coût ? Il est plus important d’avoir un packaging bien pensé, performant, et qui se vend, plutôt qu’un packaging trop léger, perdant son aspect qualitatif, même s’il est biodégradable.

Concernant notre vision du packaging durable dans le futur ; nous pensons que les matériaux d’origine recyclée et renouvelable (bio-derivée) seront la majorité et auront une bonne performance et un coût comparable aux matières actuelles. Les packagings auront une taille optimisée, les étapes de production seront rationalisées et l’utilisation de solvants réduite, voire éliminée. Pour la fin de vie, le but sera d’éviter les décharges et de préférer les filières de récupération, de recyclage ou de production d’énergie par incinération de déchets. De notre point de vue, le biodégradable n’est pas la réponse miracle, mais c’est une de fin vie qui apporte de vrais avantages pour certaines applications. Quand le tri est facile, les filières existent (la restauration rapide par exemple).

Chaque type de packaging doit être étudié au cas par cas en ayant à l’esprit les éléments suivants :

 Performance du packaging : protéger et conserver les produits mais aussi respecter les aspects esthétiques et luxueux qui aident à vendre le produit et à satisfaire les attentes des consommateurs.
 Impact Environnemental : pour réduire l’impact sur l’environnement, il faut penser à la source des matériaux qui le composent, au processus de production et à la fin de vie optimale du packaging.
 Équation économique : optimiser ou réduire les coûts

Pour les aspects environnementaux, il n’y a pas de recettes miracles, mais il y a des technologies existantes qui permettent dès aujourd’hui de réduire l’impact environnemental du packaging sans compromis sur la performance. Pourquoi ne pas utiliser une matière brillante et résistante aux égratignures, plutôt que d’ajouter une étape de laquage souvent basée sur des solvants ? Pourquoi ne pas réduire le poids de pots tout en gardant la transparence ? Pourquoi ne pas réduire l’épaisseur de certains films si le consommateur n’en fait pas un critère de valeur ajoutée ?

Il faut encourager les entreprises à commencer ce long chemin du packaging durable. Il n’y a pas de réponse parfaite, mais il y a des technologiques qui existent dès aujourd’hui et permettent d’apporter une amélioration écologique sans compromis sur la performance. C’est pour cela que DuPont investit notamment dans les DuPont Packaging Awards pour récompenser les entreprises qui innovent dans ce domaine.

Premium Beauty News - Quel impact au niveau des produits que vous mettez sur le marché ?

Jonathan Cohen - Nous cherchons à innover avec des produits et technologies qui permettent d’apporter des bénéfices en termes de performance, d’impact environnemental et de réduction des coûts. Pour être un packaging durable, il faut bien intégrer ces 3 facteurs. Notre nouveau développement, les resines Biomax®, est un bon exemple qui répond à ces 3 attentes. Il est fait à partir de matières renouvelables, il est naturellement brillant et résistant aux égratignures ce qui permet d’éviter des étapes coûteuses d’application de vernis sur des pièces de maquillage. Il permet donc de réduire le coût final des capots. C’est un matériau qui possède une compatibilité et une bonne barrière aux formulations cosmétiques similaires aux matériaux issus des plastiques traditionnels comme le polyester.

Premium Beauty News - Mais le Biomax® n’est pas votre seule réponse ?

Jonathan Cohen - Bien sûr que non ! Nous avons beaucoup de combinaisons possibles en fonction des besoins qui peuvent être, comme vous le savez, variés.

En injection moulage ou en soufflage, le Surlyn® permet, grâce à sa faible densité, sa brillance naturelle, sa résistance chimique et sa résistance aux égratignures, de faire des économies de coût et de Co2 en évitant de rajouter une couche de laque ou des inserts en PP sur des capots, des pots ou des pièces traditionnellement faites dans des matériaux moins performants comme les polyesters, les PMMA ou les ABS/SAN.

En emballages flexibles et petits sachets, le Surlyn® permet également de réduire de façon significative les épaisseurs des films tout en gardant une performance, un toucher de qualité et une ouverture facile.

En impression, les presses flexographiques et la technologie Cyrel® FAST permettent d’éliminer l’utlisation de solvants dans la fabrication des cliches d’impression flexographique et même de réduire l’émission de CO2 par rapport à l’héliogravure.

Il y a des technologies qui existent et qui permettent de commencer à réduire l’impact environnemental sans compromis sur la performance. Il ne faut pas attendre et se lancer dans le chemin du développement durable dès maintenant.