À la recherche de nouveaux repères

Les participants ont d’abord cherché à comprendre les origines de difficultés qui existaient bien avant que la crise financière ne mette en lumière le changement de statut des produits cosmétiques.

Comme l’a résumé Joël Palix, Président de Clarins Fragrance Group, pourquoi « des produits dont les ventes étaient toujours supérieures à celles du niveau moyen de la consommation, sont-ils brusquement devenus des produits moins performants ? »

Pour Nathalie Duran, Directrice Générale Adjointe d’YSL Parfums, les marques pêchent par « manque d’écoute de la société, et de l’évolution de la notion de luxe ». Le luxe, notamment dans l’esprit des jeunes générations, serait moins lié à des produits, qu’à des expériences, des relations.

Selon Joël Palix, il y a surtout « un manque d’investissement dans la formation des personnes chargées de vendre les produits » et donc au final une méconnaissance du produit et de ce qui fait sa qualité.

Thibault Ponroy, Directeur des Achats Internationaux Luxe du groupe AS Watson/Marionnaud, insiste plutôt sur le problème des prix. : « En France, à l’exception de l’année 2007, la croissance du marché en valeur s’accompagne d’une stagnation ou d’une baisse des volumes vendus ».

Xavier Renard, Directeur Général Fine Fragrance & Beauty Care Europe chez IFF incrimine plutôt « le rythme des lancements, qui entraîne chez les parfumeurs un rythme de développement qui n’est pas forcément celui de l’innovation attendue par les marchés ».

Structurer l’offre

L’accord s’est finalement fait sur le constat d’une perte de structure de l’offre, avec des repères anciens qui se sont largement effacés. C’est ainsi que pour Vera Strubi, la présidente d’honneur du BeautyFull Club, « On ne sait visiblement plus à qui l’on s’adresse. Est-ce que l’on est dans le prestige ou dans le mass ? ».

Au bout du compte, comme le rappelle Thierry de Baschmakoff, fondateur de l’agence de design Aesthete, « Le marché est nivelé par le milieu. Les marques de niche ont pourtant montré que l’on peut vendre cher des produits très différentiateurs »

Recréer de la valeur

Dans cette perspective, Thibault Ponroy en appelle à un « retour à l’intelligence ». Car, explique-t-il, « la seule chose qui justifie un prix, c’est la création de valeur ».

Un constat largement partagé par les participants, même si paradoxalement l’accord se fait aussi pour regretter la banalisation et une indifférenciation croissante des produits, avec « des parfums faits en trois mois, d’autres en trois ans, » vendus à des prix similaires, à « quelques centimètres les uns des autres sur les étagères des distributeurs ».

Décloisonner les frontières

Pour Vera Strubi, retrouver le sens de la création de valeur passe par un retour à « l’esprit d’entreprise ». Pour retrouver la passion et le plaisir du produit, elle invite à restructurer les équipes en petites unités plurifonctionnelles, avec des commerciaux, des gens du marketing, des ingénieurs packaging, etc.

Est-ce un hasard si la présidente d’honneur du BeautyFull Club milite pour un décloisonnement vertical des frontières ? « Les équipes marketing doivent rencontrer les fournisseurs, pour avoir des arguments face aux propositions des acheteurs, » explique-t-elle.

Un point de vue partagé par Thibault Ponroy, pour qui « il est important de ne pas subir son métier, savoir s’en extraire pour réfléchir et analyser, notamment par des échanges au sein de la filière entre marques, distributeurs et fournisseurs ». Précisément ce que propose le BeautyFull Club.

Le « slow design »

Mais peut-on parler de création de valeur sans aborder la question de l’innovation ?

Pour Gérald Martines, Directeur général de RPC Beauté, dans un marché aussi encombré que celui des cosmétiques, la nécessité pour les marques de se différencier induit mécaniquement une forte pression dans le sens de l’innovation pour les fabricants d’emballages. Mais aussi parfois des «  demandes insolubles » des marques qui veulent tout à la fois combiner faible coût de production, rapidité de mise sur le marché et innovation. «  Au final, la variable d’ajustement, est toujours l’innovation, avec un retour toujours rassurant aux solutions éprouvées qui permettent de limiter les risques ».

Cette question du temps rejoint forcément celle du rythme des lancements. Pour Joël Palix : «  Il faut partir du principe qu’une date de lancement n’est pas figée dans le temps. Il ne faut lancer un produit que lorsqu’on est prêt et fier de ce produit ». Et pour que parfums et cosmétiques fassent de nouveau rêver, le Président de Clarins Fragrance Group se dit adepte du « slow design » qui est au développement de produit ce que la « slow food » est à l’art culinaire. « Nous travaillons dans le long terme. Nous préparons aujourd’hui les nouveautés qui sortiront dans trois ou cinq ans ».

Les distributeurs sauront-ils, comme le souhaite Joël Palix, faire le tri parmi l’enchaînement sans fin des nouveautés ? Probablement si l’on en croit Thibault Ponroy : « La distribution a pour mission de sélectionner l’offre, de structurer le marché dans ses magasins ».