Premium Beauty News - Que représente le aujourd’hui le savon sur le marché des cosmétiques en Europe ?

Laurent Bousquet

Laurent Bousquet - La production européenne de savons serait de plus de 850.000 tonnes. Elle diminue de 1 à 2 % par an depuis 10 ans au profit des savons liquides.

On distingue deux catégories : les savons de ménage appartenant au secteur de la détergence et les savons de toilette appartenant au secteur des cosmétiques. Ces marchés correspondent à des organisations professionnelles différentes, mais en pratique il est difficile de les séparer.

Le savon pèserait à lui seul plus de 20% du marché des produits de bain et de douche en Europe et aux États-Unis.

Premium Beauty News - Une vieille histoire que le savon ?

Laurent Bousquet - Bien vieille, en effet ! Les savons sont les plus vieux tensioactifs connus, obtenus par la réaction d’une base sur un corps gras. Leur histoire a démarré il y a plus de 5.000 ans mais leur chimie exacte n’est connue que depuis 1823.

Le premier tensio-actif de synthèse apparaît, lui, en 1916. Leur usage se généralise à partir de 1945 au détriment des savons.

Malgré son âge, le savon peut répondre à des préoccupations très actuelles. En effet, sa fabrication peut être écologique. Il existe des techniques de saponification à partir d’huiles neutres ou de corps gras raffinés qui permettent de fabriquer du savon sans aucun rejet et donc aucune pollution.

Les savons sont également biodégradables. Ils sont aisément éliminés dans les stations d’épuration et sont très peu toxiques si libérés dans l’environnement.

Enfin, les savons font appel à des ressources renouvelables. Tous les corps gras végétaux et animaux peuvent être potentiellement transformés en savon, même s’il est nécessaire dans la plupart des cas d’associer différentes huiles ou graisses pour obtenir un savon intéressant sur le plan commercial (consistance, volume de mousse). Il existe sur la planète entre 2000 et 3000 plantes oléagineuses, sans compter toutes les graines.

Premium Beauty News - Les savons sont donc des produits durables ?

Laurent Bousquet - Ils en ont le potentiel. Même si aujourd’hui, pour des raisons économiques, c’est le sud-est asiatique est devenu le premier producteur mondial de savons. Ces savons sont produits à partir d’huile de palme, au détriment des forêts primaires, et ils sont ensuite très consommateurs d’énergies fossiles pour être acheminés par bateau dans le monde entier.

De nombreux circuits plus courts sont en train d’émerger à nouveau, sur la base de traditions parfois millénaires : saponification à base d’olive et de laurier en Syrie, de beurre de karité au Mali ou en Guinée, d’argan au Maroc, fabrications artisanales et locales à froid.

Premium Beauty News - Les savons sont parfois critiqués et accusés de dessécher ou d’irriter la peau.

Laurent Bousquet - Contrairement à certaines idées reçues, les savons sont très bien tolérés par tous les types de peau. Ils sont notamment responsables d’un taux assez faible d’allergies. S’ils peuvent être parfois accusés de dessèchement ou d’irritation, c’est aussi parce qu’ils ne sont pas toujours formulés et fabriqués dans l’optique des besoins modernes mais dans une logique purement économique ou par le biais de technologies obsolètes.

Premium Beauty News - Alors, finalement, est-ce vraiment un produit d’avenir ?

Laurent Bousquet - Oui. Quand nous prendrons conscience de la pollution et de la toxicité liées à la fabrication ou à l’usage des tensioactifs de synthèse, et quand les tensioactifs de synthèse deviendront plus chers à fabriquer que les savons à cause de l’augmentation du prix du pétrole et de la généralisation es « taxes carbone ». C’est pour cela que j’ai imaginé la création d’un Institut du Savon.

Premium Beauty News - Si on veut devenir « spécialiste » du savon, comme fait-on ?

Laurent Bousquet - Les besoins sont extrêmement variables et il n’existe pas de formation initiale spécifique au savon. Il en existe en revanche dans le domaine des corps gras et tous les chimistes ont entendu parler de la saponification.

Les entreprises ont besoin de personnels formés à la fabrication, au conditionnement, au contrôle, d’autant plus avec la mise en place progressive des Bonnes Pratiques de Fabrication.

Les formations peuvent donc prendre la forme de modules s’insérant dans les formations professionnelles initiales. Les mêmes besoins existent en formation continue pour les personnels en poste ou en reclassement.

Il est aussi à noter que de nombreuses micro-entreprises apparaissent dans le domaine de la savonnerie, en utilisant des méthodes simples de saponification à froid, largement diffusées sur Internet. Cette activité s’apparente à de l’artisanat, et ces fabricants sont très demandeurs de formations diplomantes.

De nombreuses structures régionales proches des acteurs économiques peuvent promouvoir ces formations : COSMED, l’Université Européenne des Senteurs & Saveurs (UESS), etc.

Premium Beauty News - La composante recherche est importante pour l’Institut du Savon ?

Laurent Bousquet - Qu’elles soient individuelles ou collectives, un accompagnement sera proposé en termes de financement, de recherche et de sélection de partenaires, de montage de projet.

Des sujets sont d’ores et déjà envisagés, comme ceux s’inscrivant dans l’objectif de :

 promouvoir le savon comme produit respectueux de l’environnement.(Exp. : caractérisation de la biodégradabilité en différents milieux),
 promouvoir le savon comme produit durable (Exp. : comparaison des coûts « carbone » de différents produits d’hygiène et de savons),
 ·promouvoir l’innovation et le développement économique. (Exp. : étude du comportement des savons sur le développement microbien),

C’est aussi le cas de nombreux sujets concernant la recherche et la valorisation de nouvelles huiles.

Premium Beauty News - Tout cela demandera un effort important en matière de communication ?

Laurent Bousquet - Il est clair qu’un site internet sera indispensable, la participation à des salons devra être envisagée avec les différentes partenaires.

Enfin, la création d’un événement dédié au grand public sur le savon, son histoire et ses usages permettra de promouvoir l’intérêt du savon face aux autres produits d’hygiène.

Premium Beauty News - Quels sont ou seront vos partenaires ?

Laurent Bousquet - Toutes les entreprises de la filière de la savonnerie sont visées : fabricants, donneurs d’ordres, fournisseurs de matières premières ou importateurs.

Il y a aussi des experts. Plusieurs conseillers, sociétés ou structures existent dans ce domaine et peuvent être des partenaires intéressants. En matière de formation, plusieurs formations existantes ont d’ores et déjà des modules liés à la savonnerie. Quelques laboratoires ont d’ores et déjà signifié leur intérêt pour collaborer sur les programmes de recherche, en France mais aussi sur le pourtour méditerranéen.

Et puis, il y a aussi quelques collectionneurs importants et de nombreuses personnes qui ont un jour envisagé la création d’un Musée, qui pourront être un soutien important pour la journée grand public, notamment.