Valérie Pianelli-Guichard

Lorsqu’elle reprend Comptoir Sud Pacifique en novembre 2010, Valérie Pianelli-Guichard a conscience que le défi qu’elle se pose sera difficile à relever. La petite maison française, cédée par ses fondateurs à des investisseurs issus de l’univers de la parfumerie de luxe est en situation délicate après plusieurs exercices négatifs. «  Une succession de mauvais choix stratégiques et marketing a conduit à une perte de chiffre d’affaires et de notoriété, » explique cette pharmacienne passée par l’ESSEC et ancienne du groupe Pierre Fabre.

Une identité forte mais malmenée

L’histoire de Comptoir Sud Pacifique commence au début des années 1970. La marque est née de l’imagination de Josée et Pierre Fournier, un couple passionné de parfums et de voyages. Les fragrances qu’ils composent alors à partir de variétés de fleurs, de résines ou de fruits rapportés de leurs pérégrinations bousculent les codes de l’époque mais fidélisent peu à peu une clientèle exigeante, en quête d’originalité et de qualité. La marque se développe alors sur un concept de parfumerie de niche, artisanale et créative, ouvre des boutiques à Paris, le Touquet ou Saint-Tropez, jusqu’à compter en France cinq points de vente à son enseigne. Dans les boutiques, l’univers s’élargit au bagage, aux accessoires de toilette et même au linge de plage.

Quand en 2002 les fondateurs cèdent leur entreprise, les nouveaux propriétaires cherchent à sortir la marque de son univers artisanal en misant davantage sur les réseaux de distribution multimarques. Ils ferment les boutiques, abandonnent les gammes complémentaires pour se centrer sur les parfums dont ils rationnalisent le portefeuille, le nombre de fragrances en catalogue passe alors de 54 à 17. Les créations de la marque se veulent alors plus accessibles à un large public. Mais cette nouvelle stratégie ne donne pas les résultats escomptés. La marque s’éloigne de ses fidèles, sans pour autant parvenir à trouver sa place face à ses concurrents du sélectif. La clientèle traditionnelle en quête de différentiation ne trouve plus son compte dans les nouveaux produits, qui ne parviennent pas pour autant à drainer un nouveau public.

Relance par l’export

Depuis qu’elle a repris avec passion les rênes de l’entreprise, le premier objectif de Valérie Pianelli-Guichard a été de remettre les comptes à l’équilibre. Paris rempli, puisqu’avec un chiffre d’affaires de 1 million d’euros, le résultat est redevenu positif, notamment grâce aux bons résultats à l’export où la marque réalise les 2/3 de son chiffre d’affaires, les États-Unis, l’Italie (200 points de vente) et l’Allemagne (80 points de vente) étant les trois marchés les plus importants. De nouveaux pays ont été ouverts en Europe, notamment les Pays Baltes et l’Ukraine. Et des projets sont en cours en Asie.

La France, qui absorbe 1/3 des ventes, reste bien évidemment stratégique. Comptoir Sud Pacifique compte actuellement 180 point de ventes dans l’hexagone, auxquels s’ajoutent les grands magasins (Printemps, Galeries Lafayette), mais ce réseau est en cours de rationalisation. «  Notre objectif est de repositionner la marque dans l’exclusivité. Nous voulons nous donner les moyens de bien travailler avec les grands comptes, notamment en investissant dans la formation des conseillères et l’animation des points de vente, » explique Agathe Finaz de Villaine, responsable marketing.

Nouveaux projets pour 2012

Car après cette année de transition, l’objectif est maintenant de renouer avec l’ADN de la marque pour lui donner une nouvelle impulsion. «  Comptoir Sud Pacifique est une marque de niche ludique, éloignée du côté austère, froid et intellectuel qui caractérise parfois ce segment. C’est une marque qui joue avec les ingrédients, qui permet à ses clients toutes les audaces. C’est la marque de la parfumerie plaisir, » résume Valérie Pianelli-Guichard.

La renaissance passera par le développement de nombreuses nouveautés, et d’abord par le lancement d’une série de cinq nouvelles fragrances sur le thème du voyage, destinées à remettre le discours et l’imaginaire de la marque en accord avec son histoire.

Souffle des Indes, la première fragrance de cette collection, a été développée en collaboration avec le nez Henri Bergia, c’est un oriental gourmand, tout en contrastes entre épices enveloppantes et agrumes vivifiants. Fidèle à ses origines, Comptoir Sud Pacifique reprend donc la route et renoue avec les essences exotiques et les accords surprenants. Quant au packaging, il a lui aussi évolué, pour renouer avec les codes de la marque, tout en s’actualisant. Le modèle du flacon en verre coloré façon acier, propre à la marque, reste inchangé mais la sérigraphie est abandonnée au profit d’une étiquette plus raffinée et plus vintage et un élégant capot en hêtre coiffe l’ensemble. L’étui (carton Invercote , travaillé avec la face brillante à l’intérieur) a été transformé. Comptoir Sud Pacifique inaugure, avec ce lancement, son nouveau décor : une surpiqure où s’entremêlent turquoise et marron fauve, clin d’œil à son histoire et rappel des anciennes collections de sacs et accessoires de voyage associés à la marque.

L’étape suivante consistera à doter la marque d’une gamme de soins digne de son positionnement. La gamme actuelle, composée de trois produits corps à base de beurres tropicaux, avec un positionnement très estival, est en cours de refonte complète et devrait être complétée par des soins pour le visage et des produits de toilettes. Enfin, une luxueuse gamme de bougies parfumées est également en projet. «  Le fil conducteur reste le même : la recherche de matières premières surprenantes et naturelles, invitant au voyage, » explique Valérie Pianelli-Guichard.

La concrétisation de ces différents projets devrait permettre à la marque d’étoffer son offre et de disposer d’un ensemble de produits cohérents avec, en ligne de mire, la réouverture d’une boutique parisienne exclusive prévue en 2013 ou début 2014. « C’est notre horizon. Mais nous ne souhaitons pas brûler les étapes, nous ne disposons pas de moyens illimités. Notre priorité est de consolider la marque. »