Tendances de fond

Yvette James, Directrice Développement Responsable du Groupe Clarins

La réduction des émissions de gaz à effet de serre et la transition vers des modes de production plus durables restent des enjeux stratégiques importants. Certes, la dernière crise a ralenti, dans ce domaine comme dans d’autres, l’ampleur des investissements. Mais les tendances de fond du marché s’affichent clairement en vert.

Quant au cadre réglementaire, tous les opérateurs anticipent un renforcement de la « contrainte environnementale ». En France, l’article 75 de la loi du 10 juillet 2010 [1], impose à toutes les entreprises qui emploient plus de 500 personnes d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre avant le 31 décembre 2012. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a développé une méthode de comptabilisation des émissions, dite Bilan Carbone®, qui peut être utilisée par les entreprises ou par les consultants.

Conséquence : les géants de l’industrie des biens de consommation (Procter & Gamble, Unilever) et des cosmétiques (L’Oréal) communiquent sur des programmes de développement ambitieux. « Pour une entreprise, c’est aussi une opportunité de développement, une autre voie de croissance, » souligne Yvette James.

Tout se joue après

Dans ce contexte, le bilan des émissions de gaz à effet de serre apparaît simplement comme une première étape. Mais faire le point sur ses émissions n’est que le prélude à la mise en œuvre d’une politique de réduction. « C’est souvent là que les choses se gâtent, » explique Thomas Moreau. Devant une quarantaine de professionnels réunis le 20 janvier à Paris par le BeautyFULL Club, ce spécialiste de la logistique a détaillé les différents écueils à éviter, notamment en ce qui concerne le pilotage managérial des mesures correctives.

« En soit, réaliser un bilan carbone n’est pas très compliqué. Mais les entreprises sous-estiment trop souvent sa portée, et l’ampleur de ses conséquences sur leur organisation et sur leur processus, » souligne-t-il. Un petit projet, doté d’un budget modeste, peut ainsi avoir des conséquences importantes sur l’activité de l’entreprise.

« Ce serait une grave erreur pour la direction générale de l’entreprise de se désintéresser du bilan carbone. En effet, une fois celui-ci réalisé, ce n’est qu’une toute petite partie du chemin qui aura été parcouru. Les décisions sur les mesures à adopter pour faire baisser les émissions seront du ressort du top-management, » ajoute-t-il.

Un avis que partage Yvette James : « Pour réussir en développement durable au sein d’une entreprise, il faut bien la connaître, notamment dans les fonctions qui s’estiment moins concernées, comme le marketing. »

Quel périmètre prendre en compte ?

La première difficulté consiste à définir le périmètre qui sera utilisé pour calculer les émissions. « Très souvent les entreprises sont surprises par certaines sources d’émission (utilisation des produits ou services, déplacements des consommateurs,…) et ne souhaitent prendre en compte que les émissions directement sous leur contrôle (énergie, déplacements, …). C’est la première remarque à laquelle nous sommes confrontés lors du bilan carbone. Pourtant, il est nécessaire de retenir le périmètre le plus large possible, incluant toutes les sources sur lesquelles l’entreprise dispose d’une influence, même limitée, » explique Thomas Moreau.

Mais en pratique, les indicateurs retenus semblent varier dans des proportions non négligeables d’une entreprise à l’autre, rendant complexes les comparaisons. « Dans notre cas, selon que l’on inclut ou pas la livraison des boutiques, sans parler du transport du produit chez le consommateur, les résultats seront très différents, et des postes tels que la logistique ou le transport prendront plus ou moins d’importance, » confirme Philippe de Brugière, Vice-Président chargé du développement packaging de L’Occitane.

Ce débat ne doit toutefois pas masquer la fonction principale du bilan carbone, qui est de permettre l’adoption de mesures correctives visant à diminuer significativement les émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise et de ses partenaires. Davantage qu’un outil de comparaison, il s’agit d’un instrument d’amélioration interne pour l’entreprise.

Clarins, le choix de l’éco-conception

« Dans le cadre du périmètre retenu par Clarins, le poste d’émissions le plus important est constitué par le packaging, » indique Yvette James. «  C’est le point sur lequel nous avons concentré nos efforts en nous engageant résolument dans la voie de l’éco-conception. »

À ce niveau, le lancement du parfum Womanity de Thierry Mugler l’année dernière est une étape importante dans l’histoire du groupe Clarins, qui le considère comme «  le premier parfum responsable  ». L’étui est réalisé en carton recyclé et recyclable, sans cales ni notice volante, afin de réduire le suremballage. Son flacon est rechargeable indéfiniment.

Autre étape importante, le lancement par Kibio, la marque de soin bio du groupe Clarins, de la première application du Verre Infini de SGD avec un pot en verre dans format 50ml optimisé, se traduisant par une réduction du volume de l’emballage. Et nouvelle surprise : ce sont les distributeurs, davantage que les consommateurs qu’il a fallu convaincre de la pertinence du changement !