On en sait trop peu sur les effets potentiels des nanoparticules, c’est en tout cas ce qu’affirme la Royal Commission on Environmental Pollution, un influent organisme britannique créé en 1970 pour conseiller les autorités politiques sur les questions environnementales, dans son dernier rapport publié le 2 novembre 2008. Selon Sir John Lawton, le président de la Commission, «  il y a un besoin urgent de recherches et d’investigations supplémentaires sur les nanosubstances. » Toutefois, l’organe de conseil scientifique britannique a également conclu qu’aucun élément ne justifie une interdiction ou un moratoire sur les nanosubstances, qui sont importantes pour l’amélioration des performances technologiques actuelles ou pour la mise au point éventuelle de nouvelles technologies.

« Dans le cadre du rapport de la Commission nous avons vraiment cherché des preuves d’effets nocifs des nano-substances sur la santé humaine ou l’environnement, et nous n’en avons trouvé aucune, » explique Sir Lawton dans un communiqué. « Toutefois, ajoute-t-il, nous en sommes vraiment au tout début du développement de cette technologie et le nombre d’études est encore relativement limité. »

Un développement excédant les capacités d’études

La Commission britannique s’est focalisée sur les nano-substances en tant qu’exemple type d’une nouvelle technologie se diffusant rapidement. « Bien que la Commission n’ait pas trouvé de preuve que les nano-substances soient dommageables pour la santé ou l’environnement, elle pense que la vitesse à laquelle les nouveaux nano-matériaux sont développés et mis sur le marché excède les capacités des analyses et des dispositions légales actuellement disponibles pour en contrôler correctement les impacts environnementaux potentiels. »

Selon la Commission, le niveau d’innovation de l’industrie dans ce secteur surpasse largement la capacité de l’administration à en traiter les risques. Les mesures adoptées à ce jour sont insuffisantes pour répondre aux incertitudes concernant l’impact des nano-particules sur l’environnement et sur la santé humaine. L’extension du Programme européen de contrôle des cosmétiques (REACH) pour couvrir également les nanoparticules pourrait cependant aider à améliorer la situation. «  Il faut faire avancer ce dossier, c’est une question d’urgence, » conclut la Commission.

Des réglementations inadaptées

En ce qui concerne l’évaluation des risques éventuels des nano-matériaux, la Commission présidée par Sir John Lawton est parvenue à la conclusion que ce n’est pas leur taille mais leur fonction qui, en soi, est importante pour déterminer ce qu’ils font et comment ils se comportent. C’est ce point qui a d’abord besoin d’être évalué.

Davantage de transparence requise

Plus tôt dans le mois, Consumers Union - un groupe d’action américain sans but lucratif, qui édite également le magazine Consumer Reports - a révélé les résultats de tests sur des écrans solaires commercialisés par des sociétés dont les dirigeants avaient affirmé qu’ils ne contenaient pas de nanoparticules. Sur cinq produits testés, un seul en était effectivement exempt. Des tests antérieurs, réalisés en 2007, toujours à la demande de Consumer Reports, avaient déjà mis en évidence que huit produits de protection solaire, sur huit testés, contenaient de l’oxyde de zinc et ou du dioxyde de titane sous forme de nano-particules. Parmi eux, un seul produit mentionnait clairement ce point.

« La large diffusion des nanoparticules de dioxyde de titane et d’oxyde de zinc dans les écrans solaires entraîne les consommateurs dans une grande expérience sur l’innocuité de ces produits, » indique Michael Hansen, Ph.D., scientifique senior pour Consumers Union.

Un autre rapport, Small Wonder ? Nanotechnology and Cosmetics (littéralement : Petites merveilles ? Les nanotechnologies et les cosmétiques), publié le 5 novembre dernier par le magazine consumériste britannique Which ?, a lui aussi mis en évidence l’étendue de l’utilisation des nano-matériaux dans les écrans solaires. Mais le magazine regrette surtout le manque de transparence de l’industrie. « Un nombre très réduit d’entreprises ont pris l’initiative de s’impliquer dans la réalisation de notre étude, » a ainsi déploré Sue Davis, Conseiller technique pour Which ?. « L’industrie des cosmétiques doit arrêter de se cacher la tête dans le sable et se mettre au clair sur les modalités d’utilisation des nanotechnologies, » a-t-elle ajouté.

De son côté, le professeur Ann Dowling, Présidente du groupe de travail de la Royal Society sur les nanotechnologies, a indiqué que l’académie britannique des sciences était «  déçue du continuel manque de transparence dans ce domaine ». Au cours des quatre dernières années, la Royal Society a appelé les sociétés « à rendre public les méthodes qu’elles ont utilisé pour vérifier l’innocuité de leur nanoproduits, » a-t-elle ajouté.

La CTPA, l’association britannique des fabricants de cosmétiques, de produits de toilette et de parfums, a réfuté tout manque de transparence de la part de l’industrie. « Les conseillers scientifiques indépendants de la Commission européenne ont nommément approuvé l’utilisation du dioxyde de titane dans les cosmétiques à des fins de protection contre les effets nocifs des rayons ultraviolets. Ces mêmes conseillers ont ensuite demandé davantage de données concernant l’utilisation du dioxyde de titane à l’échelle nanométrique et l’industrie cosmétique travaille actuellement sur cette question, » a-telle déclaré dans un commentaire sur l’étude de Which ? publié sur son site d’information du public www.thefactsabout.co.uk

Un examen approfondi demandé en France

En France, où une première loi de mise en œuvre des conclusions du « Grenelle de l’environnement » est actuellement en cours de discussion au Parlement [1], les nanotechnologies pourraient rapidement faire l’objet d’un examen approfondi.

L’article 37 du projet de loi dit « Grenelle 1 » prévoit ainsi l’organisation d’un débat public national avant le 31 mars 2009, ainsi qu’un délai de deux ans, à compter de la promulgation de la loi, pour que la fabrication, l’importation ou la mise sur le marché de substances à l’état nanoparticulaire fasse l’objet d’une déclaration obligatoire préalable. Le même article demande également au gouvernement d’élaborer une méthodologie d’évaluation des risques et des bénéfices liés à ces substances.

Le projet de loi a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale à la fin du mois d’octobre et doit maintenant être discuté au Sénat.