Premium Beauty News - Après en avoir été le Président pendant plus de neuf ans, vous êtes toujours proche du Centre Européen de Dermocosmétologie. Parmi les projets futurs s’inscrit un colloque scientifique à Lyon qui viendra s’adjoindre au congrès mondial IFSCC qui se tiendra à Paris en 2014.

Alain Huc

Alain Huc - C’est vrai ! L’œuvre accomplie par le CED au cours des dernières années est prépondérante. Dans ce cadre, je veux rendre hommage au professeur Jean Cotte pour avoir créé cette association et avoir mis en place les journées européennes dont le succès ne s’est jamais démenti. Prendre la succession d’une personne aussi prestigieuse fut pour moi un défi difficile à relever. Néanmoins, nous avons maintenu les journées européennes en leur donnant pour cadre la Cité Internationale de Lyon qui accueille un très grand nombre de participants étrangers. Nous avons également resserré les liens entre le CED avec la Société française de cosmétologie (SFC). Aujourd’hui, c’est Dominique Bouvier, qui a bien voulu reprendre la Présidence du CED, et qui lui apporte son dynamisme.


Christiane MONTASTIER (Société Française de... par ced-lyon

Premium Beauty News - Lyon est, pour vous, le centre névralgique en matière de recherches sur la peau.

Alain Huc - En effet, je crois que Lyon et sa région ont acquis un savoir-faire reconnu dans le domaine du tissu conjonctif et du collagène et apportent ainsi une contribution spécifique au développement de la cosmétique française. Je forme d’ailleurs le vœu que chaque région fasse de même, chacune dans sa spécialité, et qu’ainsi une concurrence stérile soit évitée entre les pôles cosmétiques français.

Premium Beauty News - Vous avez été récompensé récemment avec le prix de la SFC pour vos travaux sur le collagène. Une histoire qui ressemble à une véritable saga ?

Alain Huc - Cette saga, comme vous dites, est sans doute connue des anciens mais ignorée, au moins dans ses détails, par les plus jeunes.

Dans les années 1960, le Centre Technique du Cuir avait décidé de créer une petite structure de recherche sur le collagène. Le directeur d’alors, le professeur Georges Vallet, avait pensé que, pour bien connaître la peau, il convenait d’étudier sa protéine de base, le collagène. Notre équipe a alors travaillé en relation avec un laboratoire de l’université animé par Daniel Herbage, la recherche appliquée étant réalisée par notre équipe et les travaux plus fondamentaux par l’Université. Les résultats obtenus amenèrent à la mise au point de procédés de récupération des déchets protéiques industriels et à une meilleure compréhension des techniques de tannage. À cette époque, l’industrie du cuir française était dans une phase déclinante et les administrateurs du Centre Technique du Cuir trouvaient nos travaux trop théoriques. L’existence même de notre équipe de recherche semblait menacée. C’est alors que la chance nous a souri.

À l’occasion des Journées Européennes de Dermocosmétologie qui se sont tenues à cette époque, nous avons rencontré monsieur Koulbanis, Directeur de la Recherche Appliquée chez L’Oréal. Il nous a dit qu’il venait de lancer une crème au collagène et que son seul fournisseur pour cette matière première était allemand. Il a alors demandé à notre équipe de mettre au point une solution de collagène utilisable à des fins cosmétiques. Nous avons tout de suite compris qu’une voie de diversification intéressante s’ouvrait à nous. La solution de collagène fut mise au point. La production put démarrer et la société Gattefossé en a assuré la distribution. Très rapidement les quantités commandées furent importantes et, de par ses statuts, le Centre Technique du Cuir ne pouvait plus en assurer la production. Une société fut donc créée, la Saduc, dans laquelle les administrateurs du Centre Technique du Cuir et certains salariés devinrent actionnaires.


Laurent SCHUBNEL (Gattefossé) par ced-lyon

Premium Beauty News - Parallèlement à cette action dans la cosmétique, l’industrie pharmaceutique vous a également sollicité ?

Alain Huc - C’est exact ! L’industrie pharmaceutique nous a sollicités pour la mise au point de biomatériaux à base de collagène. Une éponge hémostatique fut élaborée et fut distribuée par la société Fournier à Dijon.

Du coup, notre équipe s’est mise à travailler pour les industries cosmétiques et pharmaceutiques et très peu pour le cuir. Il fallait donc nous séparer du Centre Technique du Cuir et créer une nouvelle société. Ce fut possible grâce à des capitaux-risques. Cette création ne se fit pas sans difficultés. La Saduc voyant dans la nouvelle société une concurrent éventuel et un grand industriel de la région voulant prendre une minorité de blocage dans le capital. Après le refus de cette offre par notre équipe, un certain nombre de banquiers lyonnais ont même renoncé à nous apporter leur concours. Le quotidien Les Échos avait même titré à l’époque : « La guerre du collagène aura-t-elle lieu à Lyon ? ».


Viviane JAILLET (Strand Cosmetics Europe) par ced-lyon

Premium Beauty News - Et ce sont les banquiers parisiens qui arrivent à la rescousse !

Alain Huc - Absolument ! C’est grâce à des banquiers parisiens que la société Bioetica a pu voir le jour. Elle s’est alors développée dans les domaines de la cosmétique et pharmaceutique et a pris finalement le nom de Coletica. La direction fut assurée par un directoire dirigé par un financier, Pierre Devictor. J’ai assuré la direction de la recherche pendant une quinzaine d’années, Eric Perrier prenant ensuite la relève avec brio. Daniel Herbage est devenu notre conseiller scientifique et nous a apporté le soutien de l’Institut de Biologie et de Chimie des Protéines. Nous avons également collaboré de manière fructueuse avec le laboratoire de substituts cutanés de l’hôpital Édouard Herriot dirigé par Odile Damour. Il a été ainsi possible d’œuvrer à la mise au point d’une peau reconstruite complète avec derme et épiderme, réalisation qui rendra de grands services pour les tests cosmétiques et qui permettra la reconstruction de tissus, en particulier dans le domaine des brûlures.

Après quelques années, sous la pression des actionnaires, l’activité pharmaceutique a dû être abandonnée à mon grand regret. Heureusement, la société Saduc, devenue Symatese, a repris le flambeau dans ce domaine et produit maintenant des biomatériaux à base de collagène qui apportent à la médecine et à la chirurgie des vertus thérapeutiques de plus en plus appréciées.

Enfin, il ne faut pas oublier les travaux réalisés sur la peau à l’hôpital Édouard Herriot par l’équipe du professeur Thivollet et Daniel Schmidt, en particulier dans le domaine de l’immunité.