C’est une tradition depuis les années 1960 et l’explosion de la société de consommation en France. À la naissance d’un enfant, les maternités offrent aux jeunes parents une ou plusieurs boites-cadeaux contenant divers échantillons de produits d’usage courant : produits de toilette et soins pour la peau, couches jetables, magazines, parfois même de la lessive, et surtout… beaucoup de prospectus publicitaires.

Rien d’étonnant, finalement, de voir ces opérations publicitaires menacées de disgrâce publique. Grosses génératrices de déchets et, surtout, coupables d’inciter à la consommation, elles sont une cible idéale pour les groupes d’action écologistes. Mais les scientifiques et les professionnels de santé regroupés au sein du Comité pour le développement durable en santé (C2DS) ont entamé une vaste campagne de presse allant beaucoup plus loin : ils s’en prennent surtout au contenu des trousses de naissance, qu’ils accusent de contenir des produits qui peuvent s’avérer néfastes pour la santé des enfants. Principaux produits visés : des cosmétiques.

En résumé, les membres du C2DS estiment que les produits distribués dans ces boîtes contiennent des ingrédients qui ne devraient pas être mis en contact avec de jeunes enfants. Ils citent principalement : les parabens, qui sont des pertubateurs endocriniens, le phénoxyéthanol, le BHT, ou encore le bisphénol A. Ce dernier a été interdit dans la fabrication des biberons au Canada, mais en juillet dernier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) l’a jugé sans danger, dans les conditions d’utilisation actuelles. Pourtant, souligne Olivier Toma, président du C2DS : « On a de fortes présomptions pour nombre de ces produits » et « on n’arrive pas à avoir la preuve de leur innocuité. »

La Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) rappelle de son côté que « tous les produits cosmétiques, y compris les produits pour enfants, font l’objet d’un encadrement très strict ». D’une part explique la FEBEA, « les substances avérées cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction sont interdites en cosmétiques » et, d’autre part, les autorités chargées de contrôler le secteur «  peuvent, à tout moment, ordonner le retrait du marché » des produits non conformes à la réglementation ou présentant un risque pour la santé. Par ailleurs, ajoute la FEBEA, « avant d’être commercialisé, tout produit cosmétique doit faire l’objet d’une stricte évaluation de sa sécurité » et la réglementation européenne impose d’ailleurs depuis quelques années une évaluation spécifique des produits cosmétiques destinés aux enfants de moins de trois ans.

Les Laboratoires Expanscience, qui produisent des produits pour femmes enceintes et pour bébés vendus sous la marque Mustela, ont rappelé n’utiliser que des ingrédients qui sont autorisés et dans le respect des restrictions prévues. Il y a quelques mois, les Laboratoires Expanscience, se sont d’ailleurs publiquement engagés dans une démarche de développement durable, dans le cadre de laquelle ils déclarent « étudier la substitution de certaines matières premières soupçonnées d’être à risque ».

Mais pour les membres de C2DS, la prudence devrait s’imposer en la matière et les ingrédients être retirés dès la moindre incertitude. Ils demandent donc que les cosmétiques, comme les médicaments, soient soumis à une autorisation de mise sur le marché.

Des positions qui sont loin d’être unanimement partagées. D’autres scientifiques interrogés à la suite des déclarations du C2DS invitent à plus de mesure. Ils estiment parfois que les propos des membres du C2DS outrepassent l’état actuel des connaissances scientifiques, mais aussi qu’il ne faut pas confondre le danger intrinsèque à certaines substances et le risque lié à leur utilisation dans certaines circonstances. Le risque, lui, peut être évalué et réduit, notamment par le respect de règles d’exposition précises. Un débat assez subtil, et du point de vue du consommateur, c’est certainement la perplexité qui prédomine.

En attendant, le C2DS compte poursuivre son combat contre les trousses de naissance et fait campagne auprès des directeurs de maternités pour qu’ils les refusent.